Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin une toute nouvelle mission, qui est née avec le projet de loi de finances pour 2008 et qui constitue la traduction budgétaire de la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Permettez-moi de vous faire part, monsieur le ministre, des attentes de la commission des finances du Sénat quant à ce nouveau ministère et des souhaits qu'elle forme en ce qui concerne la gestion de ses crédits.
Premièrement, vous êtes en charge du nouveau ministère de l'immigration, qui doit être le symbole de la réforme administrative. La mise en cohérence des administrations chargées de l'immigration et de l'intégration est une nécessité, comme l'avait d'ailleurs indiqué, dès le mois de novembre 2004, la Cour des comptes dans un rapport sur ce sujet. Je la cite : « Dans un domaine sensible, l'absence de pilotage n'a pas été étrangère à l'incapacité à définir une politique claire de l'immigration, et elle a favorisé le cloisonnement des politiques ministérielles et l'autonomisation des divers établissements et institutions chargés des différents dossiers, sans que les moyens de leur cohérence soient toujours réunis. »
Le rôle, et la difficulté, de votre ministère, monsieur le ministre, sera d'agréger, de faire travailler ensemble, des administrations aux cultures de travail éparses et aux traditions parfois antagonistes. Il s'agit, selon moi, de décloisonner les administrations, les systèmes informatiques et les méthodes.
Deuxièmement, vous êtes le ministre de la modernisation. De ce point de vue, je pense qu'il vous sera nécessaire de renforcer la tutelle financière sur les opérateurs de la mission « Immigration, asile et intégration » et d'en améliorer la gestion. S'agissant des deux opérateurs essentiels, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSé, trois questions devront être tranchées.
La première question est celle des objectifs de chacune des agences, qui se caractérisent par l'empilement au fil des ans de compétences parfois très hétérogènes et éclatées, sans revue générale des politiques.
La deuxième question est celle de la répartition des tâches entre l'ANAEM et l'ACSé s'agissant de la formation linguistique. En théorie, la répartition des tâches est claire : à l'ANAEM, le contrat d'accueil et d'intégration, et donc l'accueil et les formations aux primo-arrivants ; à l'ACSé, l'intégration, c'est-à-dire la formation linguistique des personnes présentes sur le sol français depuis plus d'un an. En pratique, cette distinction est peu opérante puisque les personnes concernées sont au final les mêmes et que les opérateurs, qui gagneraient d'ailleurs à être professionnalisés, sont en large partie identiques.
La troisième question est celle de la performance de la gestion, conformément aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. J'ai été surpris de constater que l'ANAEM ne disposait pas de comptabilité d'engagement. Cette anomalie doit être corrigée au plus vite, car elle empêche de savoir avec certitude si les ressources budgétaires de l'ANAEM sont conformes à ses besoins. Je vous proposerai, monsieur le ministre, mes chers collègues, un amendement visant à réduire sur les crédits de cet organisme un fonds de roulement qui m'apparaît très important : 62 millions d'euros, à comparer avec le montant du budget de l'ANAEM pour 2007, qui s'établit à 134 millions d'euros.
Par ailleurs, vous avez devant vous en 2008 l'indispensable réforme de l'ancienne Commission des recours des réfugiés, la CRR, devenue la Cour nationale du droit d'asile, dont les délais d'examen des recours sont trop longs. Une réduction du nombre de formations de jugement - il y en a 130 aujourd'hui ! - et une professionnalisation progressive des présidents de ces formations apparaissent incontournables.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous êtes autant le ministre de la maîtrise de l'immigration que celui de l'attractivité de notre pays auprès des étudiants et des personnes les plus qualifiées. Vous êtes le ministre de l'immigration économique : rappelons-nous l'objectif de 50 % d'immigration économique fixé par la lettre de mission du Président de la République. Cela suppose de construire une administration de l'immigration économique performante et accueillante.
Les populations qualifiées - travailleurs, chercheurs, spécialistes et étudiants -, viendront d'autant plus volontiers dans notre pays que notre service public d'accueil des étrangers sera de qualité et qu'il sera en mesure de souffrir la comparaison avec celui d'autres pays développés.
J'espère que, dans le projet de loi de finances pour 2009, des objectifs et des indicateurs de performance pourront être présentés au Parlement pour mesurer les résultats de votre ministère dans ce domaine. Au-delà du taux de migrants économiques, je vous propose de mettre en place des indicateurs de simplification administrative et des éléments plus qualitatifs, sur le fondement d'enquêtes relatives à l'accueil dans les services des visas et des préfectures.
Enfin, quatrièmement, monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l'intégration, autre pilier essentiel de la politique de l'immigration. Sur ce point, la quasi-totalité des actions est déléguée à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pour un peu plus de 100 millions d'euros. Ce sont plus de 4 800 associations qui sont financées par ce biais. Or le Parlement ne dispose d'aucun objectif ou indicateur de performance pour juger des actions entreprises.
Il y a aujourd'hui un besoin d'évaluation. L'ACSé en est consciente puisqu'elle a lancé des audits sur les principales associations qu'elle finance. En 2006, ces audits ont montré, selon le rapport d'activité de l'agence, l'essoufflement de la vie associative de certaines grandes associations. Il a également été relevé que plusieurs opérateurs éprouvent de la difficulté à concentrer leurs actions sur leur coeur de métier : la lutte contre les discriminations. Il nous faudra trouver au cours des prochains mois les moyens d'une activation de la dépense de l'ACSé, afin de la rendre globalement plus efficace.
Sous le bénéfice de ces remarques et des trois amendements que je vous présenterai tout à l'heure, je vous demande d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».