Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 3 décembre 2007 à 10h00
Loi de finances pour 2008 — Immigration asile et intégration

Brice Hortefeux, ministre :

En revanche, il demandera le retrait de l'amendement relatif à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSÉ.

Le sujet n'est pas très simple, car l'ACSÉ est chargée de la politique de la ville, et la disposition proposée par la commission des finances nécessiterait des discussions avec la ministre responsable de ce secteur.

Le Gouvernement approuve aussi l'amendement qui vise à créer un « document de politique transversale » donnant une vision globale de la politique dont j'ai la responsabilité ; c'est une très bonne idée.

Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Branger, pour l'avis favorable qu'il a bien voulu rendre sur les crédits de cette mission. Je voudrais simplement insister sur la question de l'OFPRA et sur la réforme de la Cour nationale du droit d'asile, nouvellement créée, qui a remplacé la Commission des recours des réfugiés.

Comme vous le savez, monsieur Branger, l'OFPRA est désormais placé sous la responsabilité de mon ministère. Nous allons procéder à des réformes qui sont d'ailleurs attendues. J'engagerai, comme je l'ai déjà dit devant la Haute Assemblée, une grande réforme du statut de la nouvelle Cour nationale du droit d'asile en 2009. Cette réforme, j'y insiste, portera sur son autonomie budgétaire, sur la professionnalisation des magistrats et sur la réduction du nombre de formation de jugement.

Cette démarche d'ensemble devrait aboutir à réduire significativement - c'est l'intérêt de tous - les délais de procédure, qui sont actuellement de treize mois et demi, pour atteindre progressivement neuf mois. Sur ce point aussi, j'attends les résultats de la mission RGPP, la révision générale des politiques publiques, et des travaux qui devraient être conduits dans les prochaines semaines par le Conseil d'État. Une mission a été confiée sur ce sujet à M. Jacky Richard, avec l'appui de l'Inspection générale de l'administration.

Je serai très attentif au maintien de moyens suffisants permettant à l'Office de poursuivre la réduction du stock de demandes, et donc des délais. Il est vrai que les crédits de l'OFPRA - je réponds ainsi à Mmes Tasca et Assassi - sont en diminution de 5 % ; mais je constate que la demande d'asile était, à la fin d'octobre 2007, encore en diminution de 14, 8 % par rapport à la même période de 2006. Il y a donc là une corrélation, même si ce n'est pas au centime près, naturellement : il n'est pas anormal que la baisse des demandes se traduise par une légère baisse des crédits.

Le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. François Buffet, a également émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Vous partagez, monsieur Buffet, les préoccupations de M. Branger concernant l'immigration économique. J'ai présidé, le 7 novembre dernier, le comité interministériel de contrôle de l'immigration, qui est animé par Patrick Stéfanini. Nous avons défini trois catégories.

La première catégorie concerne les ressortissants européens des nouveaux États membres. En l'occurrence, c'est un processus européen sur l'aboutissement duquel nous n'avons pas à émettre d'opinion. En revanche, nous avons une maîtrise du calendrier, et j'ai souhaité que l'accès au marché du travail français soit progressif pour cette catégorie.

La deuxième catégorie concerne les étrangers venant de pays extérieurs à l'Union européenne, ce que l'on appelle les pays tiers.

La troisième catégorie concerne les pays hors Union européenne avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées : j'ai souhaité l'inclure, parce que l'on ne peut naturellement pas faire comme si elle n'existait pas.

Sur ce sujet, je cite souvent le cas de l'Australie - le Premier ministre sortant, qui avait pris cette décision, a été battu, me direz-vous -, qui a pris une mesure unilatérale envers le continent africain en décidant de ne plus accorder aucun titre de séjour à ses ressortissants jusqu'au 30 juin 2008. La différence, c'est que l'Australie n'a absolument pas la même histoire, les mêmes responsabilités, les mêmes liens que ceux que nous avons avec l'Afrique. Nous devons donc prendre en compte les éléments historiques, ainsi que les devoirs d'ailleurs, madame Assassi, qui nous lient à un certain nombre de ces pays.

C'est la raison pour laquelle j'ai insisté pour qu'il y ait ces trois catégories : nouveaux États membres, pays tiers et pays extérieurs à l'Union avec lesquels nous avons des liens assez forts.

Depuis le 1er mai 2006, les ressortissants des nouveaux États membres ont déjà eu accès à soixante et un métiers, qui représentent 25 % du marché du travail. Nous avons proposé d'ajouter quatre-vingt-neuf métiers, ce qui fait un total de cent cinquante métiers, soit près de 40 % du marché du travail.

Sur la demande d'asile, que vous avez également évoquée, monsieur Buffet, j'ai déjà répondu assez largement à M. Branger.

En ce qui concerne la question du pilotage et de la formation linguistique par l'ANAEM dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, 2007 est une année de transition, et nous aurons l'occasion de faire le point ultérieurement.

Monsieur Buffet, vous avez aussi posé la question de l'organisation des « réseaux » d'administrations chargées, à l'étranger, de promouvoir l'immigration de travail. Je souhaite très clairement que, dans le cadre de la RGPP, l'audit consacré à l'action extérieure de l'État nous donne des éléments pour mieux gérer les différents réseaux.

Ces réseaux sont constitués des consulats, mais aussi des missions économiques. Le réseau des missions économiques lié à Bercy doit être mobilisé pour être au contact des personnes qui souhaitent porter en France un projet de développement économique.

Vous m'avez également interrogé sur la place de la politique de l'immigration en Europe. C'est une question très importante qui sera au coeur de l'agenda européen au second semestre 2008, puisque des clauses de rendez-vous sont d'ores et déjà prévues. Trois manifestations seront portées par mon ministère lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008 : la deuxième conférence ministérielle sur l'immigration et le développement, ce que l'on appelle le suivi de la conférence de Rabat, prévue les 20 et 21 octobre, la conférence sur l'intégration prévue les 17 et 18 novembre et la conférence sur le régime européen d'asile prévue les 13 et 14 octobre.

La mise en place d'un « pacte européen de l'immigration » - Mme Tasca y a fait allusion -, qui est ma première priorité, sera un signal très utile au sein de l'Union européenne et extrêmement positif à l'égard des pays tiers sources d'émigration qui souhaitent comprendre la politique que nous entendons mener. Nous devons aboutir à un socle de règles communes en matière de gestion des flux migratoires.

Ma deuxième priorité pendant cette présidence portera sur l'obtention de résultats concrets dans le partenariat avec les États tiers qui sont sources et pays de transit de l'immigration.

Madame Tasca, je ne peux pas laisser dire que l'asile est sacrifié. Cela ne correspond à aucune réalité dans la nouvelle administration centrale que je mettrai en place au 1er janvier 2008. À cette date, pour la première fois dans notre pays, sera créé un service de l'asile. Sans vouloir polémiquer, il faut reconnaître que cela ne s'était jamais fait. Au-delà des obstacles partisans, je pense que, sur le fond, c'est une bonne nouvelle qu'existe pour la première fois un service de l'asile regroupant toutes les administrations compétentes.

Madame Tasca, je précise, afin de vous rassurer - mais je ne sais pas dans quelle langue ou quel patois je dois le dire pour que vous m'entendiez ! -, que ce service de l'asile sera distinct de la direction de l'immigration. Ce sont deux choses différentes. Vous avez répété un nombre incalculable de fois que ce service était le bras armé de la politique de l'immigration Je suis donc obligé de dire pour la cinquantième fois que ce sont deux politiques distinctes ! Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce sujet !

Je vous propose un rendez-vous pour l'année prochaine, que ce soit avec moi ou avec mon successeur, puisque je n'ai pas, contrairement à vous, la garantie d'occuper les mêmes fonctions l'an prochain : vous verrez alors qu'il n'y a aucun lien entre ces deux politiques. Je ne confonds pas asile et immigration, et je m'efforce vraiment de le démontrer par des actes.

Ce budget n'est pas imprudent - et je réponds également à Mme Assassi qui a évoqué ce sujet -, s'agissant de l'asile.

Si nous ne créons pas de nouvelles places de CADA, c'est précisément parce que la demande d'asile a beaucoup diminué. Je vous rappelle qu'elle a baissé de 10 % en 2005, de 35 % en 2006 et de 13 % à 14 % en 2007. Dois-je vous rappeler également que c'est précisément entre 2002 et 2007 que nous avons, nous, multiplié par quatre le nombre de places en CADA, qui est passé de 5 000 à 20 000 ?

Pour 2008, nous avons retenu l'hypothèse d'une poursuite de la demande d'asile de 10 %, taux qui paraît aujourd'hui raisonnable.

S'agissant du codéveloppement, je souligne que ce n'est pas une fiction ; c'est une réalité très forte et un véritable espoir.

Ainsi, le dernier accord signé avec le Bénin consacre de nombreuses stipulations au codéveloppement. J'ai évoqué, jeudi après-midi, le parcours exemplaire et très symbolique de ce point de vue du ministre de la santé béninois, et j'invite les sénateurs qui étaient présents à ce moment à en parler autour d'eux. Cet accord prévoit pour le Bénin une enveloppe de 5 millions d'euros par an sur trois ans, dont 3 millions d'euros pour le seul codéveloppement en matière de santé.

Ce pays de 10 millions d'habitants répartis sur 116 000 kilomètres carrés compte un seul scanner. Imaginez ce que serait la situation dans notre pays, où, sur chacun de nos territoires, les demandes de scanner sont incessantes ! Les besoins sont donc pressants au Bénin. Nous avons donc signé avec le ministre de la santé béninois un accord prévoyant un concours de 3 millions d'euros par an.

Je souligne que cet accord n'est pas limité à la capitale. Il concerne aussi des hôpitaux situés dans le centre du pays de manière à mettre en place un véritable équilibre. Ledit ministre de la santé et le président du Bénin, le docteur Boni Yayi, ont souligné devant la presse le caractère historique de cet accord. C'est en effet une avancée formidable qui est faite en matière de solidarité, et nous souhaitons que ce type d'accord soit développé le plus largement possible.

Je remercie M. Cambon de ses propos amicaux, encourageants, presque affectueux à l'égard de mon ministère et de la politique qui est engagée.

Les accords de gestion concertée des flux migratoires reposent sur un trépied, et je vous invite à bien l'expliquer autour de vous.

Le premier point concerne l'organisation de la migration légale. Lors de la signature de ces accords, il faut se mettre d'accord en toute transparence sur ce que l'on souhaite faire. Cela peut impliquer de faciliter la délivrance des visas pour un certain nombre de catégories, telles que les étudiants ou certaines professions. Avec le Congo et le Bénin, nous avons signé un accord quantitatif concernant la formation professionnelle. Ce sont donc des accords qui spécifient l'organisation de la migration légale.

Le deuxième point a trait à l'organisation de la lutte contre l'immigration illégale, en prévoyant des accords de réadmission, notamment. Les pays acceptent l'organisation de la migration légale et prennent conscience de la nécessité de lutter ensemble contre les formes d'immigration illégale. Chaque accord prévoit donc un certain nombre de clauses de réadmission des ressortissants en situation irrégulière. Je n'entre pas dans le détail, mais cela implique des coopérations en matière policière.

Le troisième point est le codéveloppement. Comme je viens de l'indiquer, ce sont des concours précis, ciblés, concrets, qui ont pour objet de répondre directement aux besoins, sans se perdre dans les sables.

Les accords de réadmission imposent, bien évidemment, des contreparties, les pays concernés s'engageant à recevoir ceux que nous n'acceptons pas sur le territoire national.

J'en ai parlé avec le Président de la République du Bénin et avec le Président de la République du Mali. Le Mali est un grand pays de 1 250 000 kilomètres carrés qui compte de 14 millions à 15 millions d'habitants, dont 45 000 à 50 000 vivent légalement en France, les immigrés clandestins assez nombreux. Pour ces pays, les contreparties des accords de réadmission sont la délivrance de visas de circulation, mais aussi la dispense de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques ou de services.

Ce sujet, loin d'être anecdotique, est extrêmement sensible. Je n'étais pas, contrairement à certains d'entre vous, un spécialiste des relations avec ces pays, terres d'émigration. Depuis six mois, à chacune de mes visites, j'ai compris que c'était un sujet très symbolique pour ces pays, qui le voient comme une forme du respect, de la reconnaissance qu'ils attendaient et qui, en tout cas à mon sens, leur était due.

La contrepartie, c'est aussi l'ouverture de notre marché du travail dans des conditions qui soient plus favorables que ce que prévoit le droit commun.

C'est, enfin, un effort de codéveloppememt.

Nous avons en vue la signature d'un certain nombre d'accords. En 2007, quatre accords sont intervenus, et nous avons l'espoir d'en signer six en 2008. Cela ne veut pas dire que nous nous concentrons exclusivement sur les pays traditionnels d'Afrique subsaharienne, même s'ils sont évidemment au coeur des préoccupations.

À cet égard, je partage tout à fait l'avis de Georges Othily sur la nécessité de signer un accord avec Haïti, et je serai heureux qu'il m'accompagne lors de mon déplacement dans ce pays. Il faudra signer un accord avec le Brésil, qui a une frontière commune avec le département de la Guyane, et sans doute aussi avec Madagascar. Il importe également de ne pas oublier certains pays avec lesquels les relations ne sont pas suffisamment fortes, notamment les pays asiatiques, afin de définir ensemble les politiques à mettre en oeuvre.

J'ai représenté la France aux cérémonies du 50e anniversaire de la création de l'État malaisien, ce qui m'a donné l'occasion de discuter avec les responsables de pays voisins - en 1957, seuls dix-huit pays avaient reconnu cet État, dont la France, qui a ainsi joué un rôle particulier. La signature d'accords tendant à organiser les flux migratoires avec ces pays devrait être possible, même si certains d'entre eux n'ont évidemment pas besoin d'accord de codéveloppement.

Madame Assassi, ne croyez pas que le fait que le groupe CRC ne vote pas les crédits de cette mission me bouleverse. Je m'y étais psychologiquement et physiquement préparé !

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