Intervention de Claude Lise

Réunion du 3 décembre 2007 à 10h00
Loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Photo de Claude LiseClaude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est un budget pour l'outre-mer un peu particulier dont nous sommes appelés à débattre cette année, dans la mesure où la mission « Outre-mer » correspond non plus à un ministère de plein exercice, mais à un secrétariat d'État.

J'espère que ce changement n'aura pas pour conséquence une moindre prise en compte des spécificités des collectivités situées outre-mer, qui comptent certes de réels atouts mais aussi des handicaps structurels constituant une contre-indication évidente à tout désengagement financier.

Je voudrais débuter mon analyse en rappelant que le budget de l'outre-mer ne représentera cette année encore que 0, 6 % du budget général de l'État.

En ce qui concerne l'examen proprement dit des crédits, je constate une baisse de 220 millions d'euros par rapport à 2007 qui s'explique en fait, comme cela a déjà été souligné, par la disparition du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » et le transfert vers la mission « Travail et emploi » de 158 millions d'euros consacrés aux aides directes a l'embauche.

Ces transferts me paraissent comporter un certain risque de voir le département ministériel chargé de l'outre-mer se vider peu à peu de sa substance. Or, je souhaite que l'examen de ce budget soit l'occasion de rappeler toute l'importance des défis spécifiques que l'outre-mer doit encore relever.

Aussi, j'évoquerai tout d'abord les crédits consacrés à l'emploi.

Vous le savez, mes chers collègues, les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes d'éloignement, du dynamisme démographique, des pressions migratoires, et surtout du différentiel de coût du travail avec les pays avoisinants.

Le décalage de développement avec la France se mesure à l'aune du taux de chômage. Ce dernier est plus de deux fois supérieur à celui de l'hexagone. Le rapport est même de un à trois lorsque l'on se concentre sur les départements d'outre-mer où le taux de chômage s'élève en moyenne à 28 %.

Face à cette situation, le dispositif d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, qui a été lancé dès 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer et parachevé par la loi de programme pour l'outre-mer de 2003, me paraît essentiel pour restaurer la compétitivité du travail.

Je m'inquiète en revanche de la réduction de plus de 25 millions d'euros du financement des contrats aidés, lesquels jouent, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, un rôle indispensable.

Quant aux dépenses fiscales, elles me paraissent fondamentales pour la compensation de nos handicaps de compétitivité. Au dispositif actuel de défiscalisation, viendra prochainement s'ajouter celui des zones franches globales d'activité. Il faudra toutefois, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que la définition sectorielle et le découpage de ces zones soient envisagés dans le cadre d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs économiques locaux. À cet égard, une attention particulière devra être réservée aux très petites entreprises, qui représentent, en moyenne, 95 % des entreprises du secteur marchand dans les départements d'outre-mer.

Après l'emploi, j'en viens aux crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer.

La priorité est toujours accordée au logement. Dans ce domaine, les collectivités situées outre-mer sont, comme vous le savez, confrontées à des difficultés spécifiques : une insuffisance de l'offre, en particulier dans le secteur du logement social ; un habitat insalubre encore trop important et une prolifération de l'habitat spontané ; des risques sismiques et climatiques ; la rareté et la cherté du foncier.

Face à cette réalité, les moyens sont, cette année encore, largement insuffisants, d'autant que persiste l'épineux problème de la dette de l'État envers les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. L'augmentation de seulement 25 millions d'euros des crédits de la mission ne suffira même pas à résorber cette dette.

Sur les autres actions du programme « Conditions de vie outre-mer », je mentionnerai tout d'abord l'action « Continuité territoriale » pour souligner l'insuffisance notoire des moyens qui lui sont alloués.

Enfin, s'agissant de l'action « Insertion économique et coopération régionales », je regrette que les collectivités d'outre-mer n'aient pas été pleinement associées aux négociations sur les futurs accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Je m'inquiète surtout de l'impact réel de ces accords sur la situation économique et sociale des outre-mers.

Je voudrais enfin, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, évoquer deux dossiers majeurs qui sont au coeur de l'actualité.

Le premier dossier concerne l'indemnisation des victimes de l'ouragan Dean. Je m'inquiète du décalage entre les évaluations des dégâts effectuées sur place et les sommes prévues pour compenser les préjudices. À cet égard, serait-il possible de disposer d'un chiffre fiable sur le montant prévu pour indemniser les sinistres ? Je voudrais souligner que les collectivités territoriales de Martinique et de Guadeloupe ont déjà fait beaucoup en matière d'indemnisation et qu'elles ne pourront pas supporter des charges financières supplémentaires.

Le second dossier, celui des pesticides, a récemment fait beaucoup de bruit et quelque peu terni l'image des Antilles. S'il faut condamner les excès médiatiques auxquels on a pu assister, il convient néanmoins de mesurer la gravité de la situation créée par l'utilisation intensive de produits phytosanitaires toxiques jusqu'en 1993 - et, pour certains, jusqu'en juillet dernier -, alors qu'ils auraient dû être interdits depuis longtemps. Des moyens importants doivent être accordés à la recherche, notamment pour évaluer les risques encourus par les populations.

Enfin, je souhaiterais pouvoir formuler, au nom de la commission des affaires économiques, deux recommandations à l'attention du Gouvernement.

La première tend à faire figurer dans le « bleu budgétaire » annuel de la mission tous les crédits affectés à l'outre-mer par les autres ministères, ainsi que les crédits relevant des divers fonds d'intervention européens.

La seconde recommandation vise, dans un souci de transparence, à établir chaque année un document retraçant la ventilation des crédits entre les différentes collectivités territoriales d'outre-mer.

C'est sur ces deux propositions que je me permettrai de conclure, mes chers collègues, en soulignant que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre mer pour 2008, votre rapporteur pour avis ayant, pour sa part, exprimé un avis contraire. §

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