Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 3 décembre 2007 à 10h00
Loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, il m'appartient de vous présenter aujourd'hui les principales caractéristiques du projet de budget pour 2008 en faveur de l'outre-mer. Christian Estrosi détaillera devant vous les mesures qui les concrétisent et répondra à l'ensemble des questions qui viennent d'être posées par les rapporteurs, ainsi qu'à celles que ne manqueront pas de soulever les différents intervenants.

Aujourd'hui, c'est une vision de l'outre-mer à la fois ambitieuse, moderne et dynamique qui transparaît dans ce budget.

L'outre-mer est, en effet, une chance pour la France et pour l'Europe, et, à cet égard, le budget doit servir notre ambition que cette chance perdure.

À l'heure de la mondialisation, l'outre-mer donne à notre pays un avantage géostratégique exceptionnel, concernant non seulement notre influence propre, mais aussi celle de l'Europe.

Le développement économique est, de ce point de vue, un enjeu essentiel, et les entreprises ultramarines demeurent au premier rang. Notre objectif est donc de mobiliser les compétences et les moyens, notamment budgétaires, pour valoriser les atouts de chacun des départements et des territoires. C'est pourquoi notre politique de développement doit être fondée sur l'excellence économique et la compétitivité.

Le projet de loi de programme pour l'outre-mer que je prépare avec Christian Estrosi vise à encourager un développement économique durable, spécifique à chaque département d'outre-mer, ce qui est conforme aux engagements du Président de la République.

Avec la création de zones franches globales d'activité, notre action se veut résolument novatrice et partagée.

J'ai voulu que ce texte fasse l'objet de la plus large concertation possible, dans chaque département d'outre-mer. C'est ainsi, monsieur Lise, que les secteurs qui bénéficieront des mesures renforcées seront bien ceux qu'auront proposés les partenaires locaux. C'est dans cette perspective que ce texte a été élaboré.

Ce projet de loi de programme pour l'outre-mer, nécessaire et ambitieux, exige aussi le soutien de l'Union européenne. En effet, nous le savons, les départements d'outre-mer restent fragiles : ils souffrent de handicaps structurels et sont soumis à un certain nombre de risques. Nous en avons eu l'illustration récemment en Martinique et en Guadeloupe, et je tiens à assurer l'ensemble des populations, dont l'émotion a été vive, de tout notre soutien.

Le problème, c'est que très peu de pays européens connaissent les spécificités de l'outre-mer. C'est pourquoi, dès mon arrivée place Beauvau, je me suis efforcée de convaincre de l'importance que revêtait l'outre-mer pour l'Europe. J'ai ainsi pu obtenir de Neelie Kroes, commissaire chargée de la concurrence, un régime fiscal très largement dérogatoire pour les départements d'outre-mer, afin de favoriser la compétitivité des entreprises.

En outre, à diverses reprises, je me suis entretenue avec Peter Mandelson, commissaire au commerce extérieur, de la négociation des accords de partenariat économique avec les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Nos conversations étaient certes courtoises, mais assez musclées !

Dans les domaines fragiles, notamment ceux de la banane, de la filière canne-sucre et des filières de diversification, j'ai pu déjà obtenir un certain nombre de résultats satisfaisants ; mais il nous faut demeurer extrêmement attentifs. Soyez assuré, monsieur Lise, que je suis et resterai vigilante aux intérêts des départements d'outre-mer.

En 2008, la France assumera la présidence de l'Union européenne. J'entends mettre à profit ce semestre pour permettre de mieux faire connaître les départements d'outre-mer, et l'outre-mer en général, à l'ensemble des États membres.

Ce budget doit servir l'ambition que nous avons pour l'outre-mer.

Monsieur le rapporteur spécial, vous l'avez souligné, la mission « Outre-mer », dont les crédits vous sont aujourd'hui soumis, ne représente qu'une fraction des crédits que l'État consacre à l'outre-mer. Le tour du monde outre-mer dans lequel vous nous avez entraînés, monsieur Cointat, prouve que la solidarité nationale y est fondamentale.

Le budget de la mission « Outre-mer » a un sens politique fort. J'ai donc voulu en faire un acte de solidarité et de vérité.

D'abord, la solidarité se manifeste dans le domaine du logement, qui, outre-mer, demeure encore très largement indigne de la République française. Les crédits consacrés au logement reviennent au sein de cette mission, contrairement à l'orientation qui était retenue antérieurement. Ils connaissent cette année une augmentation sensible, de l'ordre de 14 % par rapport à 2007. Néanmoins, je le reconnais bien volontiers, c'est encore insuffisant.

À défaut de pouvoir redresser la situation en un an, madame le rapporteur pour avis, j'entends faire du logement, et particulièrement du logement social, une priorité du projet de loi de programme pour l'outre-mer qui vous sera prochainement présenté. Ce texte corrigera également un certain nombre de choix, notamment fiscaux, qui n'ont pas atteint les objectifs fixés.

La solidarité s'exprime aussi au travers des régimes de retraite.

Monsieur Lise, je tiens à vous assurer que le Gouvernement n'est pas hostile à une réforme des régimes de retraite ; mais celle-ci doit porter en priorité sur les nouveaux retraités. S'agissant des titulaires de pensions, l'objectif n'est pas de supprimer ces dernières ! En revanche, je suis favorable à un examen minutieux des situations les plus caricaturales, qui peuvent parfois correspondre à des situations d'aubaine, sans lien véritable avec la situation de l'outre-mer. En tout état de cause, il est certain que les réformes devront permettre un recyclage intégral des économies au profit de l'engagement de l'État dans les outre-mers.

Cette mission traduira en outre une politique de vérité.

Cela concerne au premier chef l'évaluation. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, de nombreux dispositifs, qui, auparavant, étaient gérés par le ministère de l'outre-mer, étaient insuffisamment évalués, comme par exemple les mesures de défiscalisation.

J'entends développer l'évaluation et le pilotage des politiques publiques. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que, dès maintenant, un responsable des services de la rue Oudinot soit chargé du suivi systématique des politiques mises en oeuvre pour l'outre-mer.

Je considère que la continuité territoriale est une priorité pour pallier, au moins en partie, les effets de l'éloignement. Mais je veux aussi tirer les conséquences d'un certain nombre de dysfonctionnements de la dotation de continuité territoriale ou du passeport mobilité.

Une réforme conjointe de ces deux dispositifs complémentaires trouvera sa place dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer. Je veux que cette réforme permette de mieux répondre aux besoins, afin de bénéficier à un plus grand nombre de jeunes et de promouvoir des projets mieux assurés.

L'objectif de vérité doit encore se traduire dans l'adéquation des crédits aux politiques. Ce point a été souligné. L'augmentation des crédits du logement ou d'aménagement du territoire, pour sensible qu'elle soit, ne doit pas nous satisfaire.

Il est vrai, madame, messieurs les rapporteurs, que l'enveloppe budgétaire de cette mission n'est pas toujours à la hauteur des besoins et que ce n'est qu'en fin d'année que cela apparaît. Le projet de budget pour 2008 doit être considéré comme un premier pas dans le processus de redressement, dans un sens de responsabilisation réelle.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous en donne l'assurance, le collectif budgétaire permettra de répondre à vos préoccupations.

La nouvelle organisation ministérielle fait du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le responsable gouvernemental de tous les territoires français, qu'ils soient métropolitains ou non. Vous avez eu raison de rappeler que, pour l'outre-mer, cette nouvelle organisation est un gage d'efficacité accrue. Elle bénéficiera d'une mutualisation de nombreuses fonctions avec les services équivalents de la place Beauvau, sans que cela remette en cause l'exceptionnelle connaissance que les services de la rue Oudinot peuvent avoir de la spécificité de nos collectivités d'outre-mer.

En accord avec Christian Estrosi, j'ai chargé la secrétaire générale du ministère de l'intérieur, Mme Bernadette Malgorn, de me proposer une organisation administrative de la rue Oudinot conforme au nouveau périmètre gouvernemental. Ces propositions nous seront présentées dès le début de l'année prochaine. Je m'appuierai également sur les conclusions de la mission confiée à Patrick Karam, délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer, qui vient de me présenter son bilan après trois mois d'activité et dont nous connaissons tous la grande capacité d'écoute et l'énergie.

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez constaté, nos ambitions pour l'outre-mer sont grandes.

Dans la bataille pour la croissance et l'emploi, le développement durable et l'égalité des chances, l'outre-mer doit prendre toute sa place. C'est bien le sens de la politique que j'entends mener à la tête du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. En effet, une politique ambitieuse pour l'outre-mer, c'est une politique ambitieuse pour la France !

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