Intervention de Jean-Paul Delevoye

Commission des affaires sociales — Réunion du 24 octobre 2018 à 8h35
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Audition de M. Jean-Paul deleVoye haut-commissaire à la réforme des retraites

Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites :

En effet, c'est pourquoi nous sommes assez réservés sur cette idée.

Mais le système à points n'est pas incompatible avec un renforcement de la solidarité. On peut très bien décider d'augmenter la socialisation des risques.

Il y a un bloc contributif, qui sera nécessairement le reflet de votre carrière. Mais s'agissant du bloc de solidarité, de nombreuses questions se posent. Comment les points seront-ils octroyés ? Seront-ils financés par l'impôt ou par les cotisations salariales ?

Le principe selon lequel un euro cotisé ouvrira les mêmes droits ne peut valoir que pour l'aspect contributif. La valeur du point sera la même pour tous, mais les interruptions de carrière pour grossesse ou maladie peuvent se traduire par un nombre de points différent. Nous nous interrogeons aussi sur l'opportunité de distinguer, sur le relevé de compte annuel, les points issus du travail de ceux issus de la solidarité.

Monsieur Daudigny, je peux attester de la richesse du dialogue avec les partenaires sociaux. Ces derniers sont incontestablement des forces de proposition, le politique étant garant de l'intérêt général et les citoyens étant porteurs d'une intelligence collective. Nous tirerons la conclusion des ateliers citoyens début décembre.

Je souhaiterais établir un système de gouvernance reposant sur quatre piliers. Il faudra bien évidemment assurer le pilotage du système et la délicate phase de transition, mais aussi, me semble-t-il, prévoir des instances d'évaluation et de médiation.

S'agissant de la baisse des pensions, le Conseil d'orientation des retraites a tracé différentes trajectoires en fonction des hypothèses de croissance économique : les retraites évoluent de façon variable, mais toujours positivement ; en revanche la part du PIB qui leur est consacrée peut diminuer.

En outre, si la question de la valeur du point est importante, celle de son indexation l'est encore plus. En période d'inflation, les droits acquis peuvent perdre 20 à 30 % de leur valeur en quarante ans. La cohérence voudrait que l'indexation soit basée sur les salaires.

Trois fois ou quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale, monsieur Morisset ? La différence porterait sur 150 000 personnes, des salariés pour moitié, des sportifs, des auteurs et des professions libérales pour le reste. Cet arbitrage garantit le financement du système, permet la solidarité et concerne la quasi-totalité des fonctionnaires.

Comment permettre aux jeunes d'acquérir des droits le plus tôt possible ? Notre réflexion porte notamment sur les stages, l'apprentissage ou encore le travail en prison.

J'en viens à la problématique des aidants. Notre logique est que tout revenu permette d'acquérir des points. En revanche, ces derniers ne peuvent être assis que sur les revenus, et il me semble délicat d'accorder des points à la retraite à tous les bénévoles, comme le proposent certains élus. Nous réfléchissons toutefois sur la façon de convertir en points les prestations des aidants à l'égard des personnes fragiles ou dépendantes.

Vous m'avez interrogé sur les médecins, madame Lassarade. La limite d'âge s'imposera à tout le monde, y compris aux indépendants.

Oui, madame Lubin, nous voulons conclure un nouveau pacte social. Le contrat passé avec les agents publics, qui garantissait une bonne retraite en contrepartie d'une sous-rémunération, ne me semble plus adapté.

Madame Apourceau-Poly, la prise en compte des ruptures d'activité liées à la maladie ou au handicap fait partie de la discussion, éminemment politique, sur la construction du bloc de solidarité. Nous devons réfléchir à la complémentarité entre le bloc contributif, le bloc de solidarité et le filet de sécurité que constitue le revenu minimal d'existence pour les retraités.

Nous sommes bien évidemment très favorables à la concertation, madame Cohen, et je ne m'interdis pas de faire au Gouvernement des recommandations périphériques au domaine de la retraite, notamment sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Nous souhaitons avoir la même richesse de dialogue avec tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique. Ce projet de société nécessite beaucoup d'intelligence, de responsabilité et d'espérance.

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