Intervention de Nathalie Loiseau

Commission spéciale Suppression surtranspositions directives — Réunion du 24 octobre 2018 à 15h00
Audition de Mme Nathalie Loiseau ministre auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes

Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Je suis heureuse de vous présenter ce projet de loi d'« euro-simplification », une expression qui me paraît bien résumer le travail que nous avons mené.

Notre but est d'alléger les contraintes pesant sur les entreprises, les personnes et les services publics, en supprimant des normes, mais aussi, parfois, en complétant le droit existant. Le Président de la République souhaite accentuer les efforts de simplification administrative et de maîtrise de la production normative afin de réduire les effets pénalisants de normes trop nombreuses et trop complexes pesant sur la compétitivité des entreprises, l'emploi, le pouvoir d'achat et l'efficacité des services publics. Le Premier ministre s'est emparé de ce sujet dès le mois de juillet 2017, à travers la circulaire relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact.

Le texte qui vous est soumis s'inscrit pleinement dans cette démarche de simplification, en procédant à la suppression du stock de sur-transpositions. Je me réjouis que cet objectif général soit partagé par le Parlement, qui a publié cette année deux rapports sur le sujet, notamment celui de votre collègue René Danesi. Plus largement, je sais que le Sénat est particulièrement vigilant sur la question des sur-transpositions, et même pionnier, la commission des affaires européennes exerçant désormais une surveillance sur tout projet ou proposition de loi de transposition de textes européens.

Cette entreprise de simplification n'est pourtant pas si simple à mener, car les modifications proposées heurtent souvent un intérêt, une sensibilité, ou simplement des habitudes.

J'en viens à notre méthode, qui a suscité des interrogations. La circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017 a posé deux règles en matière de transposition de directives : d'une part, l'arrêt de toute nouvelle sur-transposition qui ne refléterait pas un choix politique assumé - une procédure spécifique d'autorisation du Premier ministre a été mise en place - ; d'autre part, le lancement d'une évaluation du stock des sur-transpositions existantes afin de corriger celles qui doivent l'être. Cette démarche n'est pas inédite en Europe, le Royaume-Uni et l'Allemagne nous ayant précédés.

Le Gouvernement a retenu une acception large de la notion de sur-transposition, qui comprend non seulement les mesures ajoutant des contraintes par rapport à ce qui résulte strictement des directives, mais aussi toutes les facultés ou dérogations permises par le droit de l'Union mais non reprises en droit interne - par exemple la faculté pour une PME de déroger à certaines formalités. Cette acception large est la seule qui permette de dresser l'inventaire de tous les écarts normatifs susceptibles de pénaliser la compétitivité et l'attractivité de la France par rapport aux autres États membres.

Sur ces bases, un travail inédit d'analyse de l'opportunité de l'ensemble des mesures nationales de transposition des directives européennes a été réalisé par une mission inter-inspections regroupant six corps différents. Celle-ci, après avoir rencontré de nombreuses entreprises, les fédérations professionnelles, les associations d'élus locaux et les partenaires sociaux, a identifié 132 mesures législatives.

Le Gouvernement a ensuite analysé l'ensemble des écarts identifiés et distingué trois catégories de sur-transpositions. Dans certains cas, le Gouvernement a estimé que les mesures identifiées ne constituaient pas de vraies sur-transpositions, à la lumière des critères retenus. Dans d'autres cas, il a jugé préférable de maintenir la sur-transposition afin d'atteindre au plan national des objectifs plus ambitieux que ceux fixés au niveau européen. Cette approche est totalement assumée par le Gouvernement, en particulier dans le domaine de la santé ou de l'environnement. On peut citer, entre autres exemples, l'obligation du paquet neutre pour les cigarettes, l'interdiction d'exploiter les hydrocarbures, le maintien du congé maternité à 16 semaines, ou encore la préservation du délai de rétractation de huit jours pour les crédits à la consommation.

Le Gouvernement a également maintenu la sur-transposition lorsqu'il a jugé plausible, au regard des négociations en cours, un futur alignement du standard européen sur le standard français plus contraignant ou plus ambitieux. Je pense au récent accord intervenu entre le Parlement européen et le Conseil sur la directive relative aux énergies renouvelables, qui a relevé de 27 à 32 % l'objectif contraignant pour la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique.

La troisième catégorie rassemble toutes les sur-transpositions jugées injustifiées et/ou pénalisantes. Le Gouvernement prévoit de les supprimer ou d'activer des possibilités de dérogation qui n'avaient pas été retenues lors de la transposition.

Toutes ces sur-transpositions ne seront pas supprimées dans le présent projet de loi. Certaines le seront dans le cadre de transpositions à venir de nouvelles directives ou dans de futurs projets de loi. Une centaine de sur-transpositions relèvent enfin du niveau réglementaire : ce chantier, encore plus vaste que le précédent, sera engagé dans les prochains mois.

Les quelque 30 mesures du projet de loi visent à simplifier des formalités injustifiées ou pénalisantes dans neuf domaines distincts. Elles permettront de supprimer des procédures ou obligations inutiles ou redondantes, comme la déclaration préalable de profession pour les petits utilisateurs finaux d'alcool dénaturé, la déclaration de cession de médicaments vétérinaires pour la grande majorité des opérateurs ou encore l'obligation pour certaines entreprises, notamment dans le domaine du fret de proximité, d'être titulaires d'une licence pour exercer une activité de transport sur le réseau ferroviaire. Nous procéderons également à toutes les vérifications nécessaires avant de proposer de retirer les syndics de la liste des entités soumises à des mesures destinées à lutter contre le blanchiment d'argent en lien avec une entreprise terroriste.

L'idée est généralement intégrée que le niveau de sécurité s'accroît avec le renforcement des contrôles. En réalité, cela dépend des cas. Quoi qu'il en soit, nous agissons à normes de sécurité constantes, et seulement pour supprimer des informations dont le consommateur dispose déjà par ailleurs.

Des mesures permettront aussi d'éviter d'éventuelles distorsions de concurrence qui pèsent sur la compétitivité des entreprises françaises et qui sont souvent sans équivalent dans les autres États membres. Je pense par exemple à l'allégement de certaines obligations comptables pour les entreprises moyennes, qui sont obligées de rendre publiques des informations que leurs concurrents européens ne sont pas obligés de dévoiler. Je pense aussi au renforcement de l'attractivité de la France dans le domaine financier, grâce à des procédures moins lourdes pour définir l'enveloppe globale des rémunérations versées aux preneurs de risques.

S'agissant des objectifs poursuivis par les différents articles du texte, je propose de les éclairer en répondant à vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs.

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