Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous faut nous prononcer aujourd’hui sur une proposition de loi de notre collègue Laurence Cohen, qui vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, aide financière accordée aux personnes atteintes d’un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 % ou compris entre 50 % et 79 % en cas de restriction durable d’accès à l’emploi ne pouvant être compensée par un aménagement de poste. En effet, les revenus du conjoint étant pris en compte dans le calcul de cette allocation, le montant de celle-ci devient dégressif à partir de 1 126 euros et son versement est suspendu dès 2 169 euros par mois.
Pour mes collègues auteurs de la proposition de loi, la prise en compte des ressources du conjoint serait contraire au principe même de l’allocation, qui est de garantir l’autonomie du bénéficiaire. Elle instaurerait une relation de dépendance financière de l’allocataire à l’égard de son partenaire. Or, en réalité, l’AAH est destinée à compléter les autres ressources de la personne en situation de handicap et se cumule à d’autres aides qui sont, elles, individuelles, notamment le complément de ressources, ouvert pour chacun des membres du couple, la majoration pour la vie autonome, la pension d’invalidité et, éventuellement, le RSA.
De plus, il convient de préciser que l’AAH est une prestation en espèces, et non en nature : elle vise à combler une perte de revenus. Or toute attribution de revenus en espèces, surtout dans le cadre des politiques de solidarité, est réalisée sur la base du foyer.
L’AAH est donc un complément bien distinct de la PCH, laquelle est destinée à répondre, par une prestation en nature, aux dépenses liées à l’autonomie et aux besoins nés des difficultés de la vie quotidienne.
Nous avons la chance d’avoir, en France, un système de solidarité comme il en existe rarement dans le monde, protégeant les plus vulnérables par l’effort national. Il faut en avoir conscience. Nous pouvons, animés de cet esprit, continuer de le parfaire.
Il serait plus pertinent, à mon sens, de se pencher sur la PCH pour redéfinir ses périmètres et son montant, afin de l’adapter au mieux à notre société en mutation. C’est cette aide qui devrait et qui doit être revalorisée en priorité, car il faut plus de moyens pour le handicap.
Chers collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, je suis en désaccord avec le dispositif de votre proposition de loi. En effet, je considère que c’est la PCH qu’il serait logique et utile d’augmenter.
De plus, la volonté de nier la situation familiale du bénéficiaire pour individualiser l’allocation, l’arracher à la dépendance financière de sa famille ou de son partenaire participe de cette vision individualiste de l’homme et de la société qui tend vers un éclatement du lien social et une déconstruction de la famille. En effet, cela revient à penser l’individu en dehors des structures dans lesquelles il est incorporé et à considérer la société comme une simple addition d’individus autonomes aux intérêts propres.
En revanche, je vous rejoins sur la raison qui vous a poussés à déposer cette proposition de loi. Le montant de l’AAH va être porté de 819 euros à 860 euros au 1er novembre 2018, puis à 900 euros l’an prochain, sur décision et conformément à l’engagement électoral du Président de la République.
Néanmoins, par la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a prévu que les règles de prise en compte des revenus d’un couple percevant l’AAH seront rapprochées de celles qui sont appliquées aux autres bénéficiaires des minima sociaux, lesquelles sont bien moins avantageuses. Il s’agit là d’une manipulation purement technocratique. Par un savant calcul et par un jeu de balances, le plafond de ressources restera le même. L’augmentation de l’AAH n’aura donc strictement aucun impact sur les allocataires vivant en couple, ainsi que le rapport budgétaire de l’année dernière l’avait indiqué.
Quelle est donc cette mesure qui donne d’une main pour reprendre de l’autre ? Quelle est donc cette mesure qui permettra au Gouvernement de se vanter d’avoir augmenté une allocation alors que, en réalité, rien ne change pour une bonne partie des personnes concernées ? Quel est donc ce gouvernement qui utilise le handicap pour construire de fausses mesures non pas en faveur des bénéficiaires de cette allocation, mais dans son intérêt propre, en pensant sans aucun doute à son image ?
Au reste, cela ne s’arrête pas là : le Gouvernement a annoncé son souhait de supprimer le complément de ressources de 179 euros dont bénéficient les personnes handicapées à 80 % qui n’ont pas pu travailler depuis un an, à savoir les plus démunis. Inutile de vous dire, mes chers collègues, que je trouve cette manipulation inacceptable !
Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.