Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’allocation aux adultes handicapés a pour vocation de garantir un minimum de ressources aux personnes handicapées ne disposant d’aucun revenu ou ayant de faibles revenus.
Cette allocation est subsidiaire : avant d’en demander le bénéfice, la personne handicapée doit faire prioritairement valoir ses droits, soit à l’invalidité, dans le cas de la pension d’invalidité, soit aux avantages vieillesse ; ce n’est que si les droits à l’assurance vieillesse ou à l’invalidité perçue par le demandeur se révèlent inférieurs au montant de l’AAH qu’elle pourra en bénéficier. Elle est différentielle : son montant s’ajuste aux autres revenus perçus par l’allocataire après divers abattements. Elle est familiarisée : elle tient compte de la composition du foyer de l’allocataire. Elle est non contributive : elle est versée sans contrepartie de cotisations. Elle relève de la solidarité.
La proposition de loi pose un problème à la fois de financement, du fait du montant de l’allocation, mais surtout de nature de ce que doit être l’AAH. Doit-elle être considérée comme une aide individualisée ? C’est ce que suggère la proposition de loi du groupe CRCE, qui vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH, supprimant de ce fait l’articulation entre solidarité nationale et solidarité familiale, notamment la solidarité entre époux, pourtant reconnue par le droit civil, comme Mme la secrétaire d’État le rappelait.
Cette logique de solidarité nationale ou familiale s’articule aussi avec une logique de compensation, sans considération de ressources ou de foyer, et qui indemnise le préjudice subi par la personne handicapée. L’indemnisation est assurée par la prestation de compensation du handicap, la PCH, versée par les conseils départementaux, un dispositif situé hors du champ de la présente proposition de loi. Pourrait ainsi se poser la question de savoir si l’AAH, qui fait partie des minima sociaux, devrait devenir une prestation compensatoire.
Venons-en aux chiffres. Conformément à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le montant de l’AAH est passé de 810 euros à 819 euros au 1er avril 2018. Il passera à 860 euros, puis à 900 euros au 1er novembre 2019. Cela représente un investissement total de 2 milliards d’euros.
L’augmentation s’est en effet accompagnée d’un abaissement du plafond des revenus pour un couple, avec toutefois un coefficient de 1, 9 pour l’AAH, contre 1, 5 pour le RSA en 2018, et 1, 8 en 2019. En d’autres termes, le montant de l’allocation a augmenté, mais le taux de cumul a diminué.
L’objectif du gel du plafond est de faire bénéficier de l’augmentation ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les personnes seules.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas la proposition de loi. De surcroît, celle-ci n’aborde le sujet – cela a été souligné – que de manière parcellaire et quelque peu réductrice, même si l’intention est évidemment louable.
Reste à poursuivre le chantier engagé sur la question plus générale des minima sociaux et la réflexion sur la reconnaissance de la spécificité de l’AAH telle que voulue, par exemple, par l’Association des paralysés de France. Reste au-delà à mettre en œuvre une véritable réflexion sur la place des personnes handicapées, en particulier les personnes handicapées vieillissantes, sans doute les plus démunies ; selon moi, elles devraient bénéficier de structures d’accueil spécifiques. Reste enfin, dans le cadre de la refonte des minima sociaux autour peut-être du revenu universel d’activité, à réfléchir à la notion de minima sociaux différenciés en fonction de critères objectifs selon l’âge, les territoires, le statut des bénéficiaires.
D’une manière plus générale, le but vers lequel il faut tendre est que plus personne ne vive sous le seuil de pauvreté.