Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 24 octobre 2018 à 14h30
Dette publique dette privée : héritage et nécessité — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

La mauvaise dette, c’est celle qui sert à financer le fonctionnement d’un État trop lourd et trop peu efficace.

Or, aujourd’hui, c’est encore largement la mauvaise dette qui domine en France, et qui ne recule jamais tout à fait. L’un des exemples qui illustrent cette situation est l’incapacité de l’État à réduire drastiquement ses effectifs. Sur les 50 000 postes que le candidat Emmanuel Macron avait promis de supprimer, seuls 1 600 l’ont été en 2018 et 4 100 le seront, a priori, en 2019 : en deux ans, soit 40 % de la durée du quinquennat, à peine 11 % de l’effort prévu aura été réalisé…

En examinant le projet de budget pour 2019, on se dit que l’on est loin de se diriger vers une réduction de la dette. Les chiffres montrent que l’argent public ne fait pas l’objet d’une gestion rigoureuse. Ainsi, la dépense publique augmentera en 2019 de 24 milliards d’euros, soit de 2, 2 % par rapport à 2018. Le déficit public approchera 100 milliards d’euros : on ne peut pas dire que la rigueur budgétaire soit véritablement au rendez-vous… Le montant du déficit est supérieur au produit de l’impôt sur le revenu, pour le combler, il faudrait doubler l’impôt sur le revenu ou augmenter de 50 % la TVA !

Certains jugent réaliste l’hypothèse de croissance retenue pour construire le budget ; pour ma part, je la considère comme trop optimiste. Un budget doit être géré avec prudence, monsieur le secrétaire d’État. La prudence commanderait de prendre pour base de calcul le consensus des économistes, c’est-à-dire 1, 7 %, en y retranchant 0, 5 %, soit 1, 2 %. Cela permettrait d’éviter une mauvaise surprise. Si l’on veut rétablir les comptes publics et réduire la dette publique, il faut aller en ce sens.

De surcroît, le contexte mondial est de plus en plus incertain, avec un prix du baril de pétrole en hausse, des taux d’intérêt qui risquent de remonter, des guerres commerciales, et j’en passe…

Les chiffres que j’ai cités illustrent l’incapacité de la politique budgétaire du Gouvernement, comme de celles de ses prédécesseurs, à redresser les comptes publics, et donc à réduire la dette que nous laisserons à nos enfants.

Sans grande réforme de l’action publique, nous n’aurons que des budgets au fil de l’eau nous éloignant de l’efficience et nous plongeant chaque fois plus profondément dans une insouciance trompeuse. J’ai ainsi le regret de constater, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes encore bien loin d’un État moderne, c’est-à-dire d’un État modeste…

N’oublions pas enfin que les intérêts de la dette seront le prix véritablement payé par les prochaines générations. Ce prix est colossal : les intérêts de la dette représentent près de 42 milliards d’euros, soit presque autant que le budget de l’éducation nationale. Vous conviendrez que cela ne correspond pas tout à fait à ce que l’on pourrait appeler un « investissement d’avenir » ! Cet argent va aux marchés financiers que mes collègues de gauche adorent… La dette française est d’ailleurs de plus en plus dépendante de l’étranger, contrairement à la dette japonaise, qui est plutôt nationale. Le jour où le sentiment des marchés se retournera, nous connaîtrons de très graves difficultés financières…

La Banque centrale européenne prévoit d’ailleurs de relever ses taux après l’été 2019, ce qui aura pour conséquence de fragiliser la situation des pays de la zone euro particulièrement endettés. L’Agence France Trésor a ainsi déterminé qu’une hausse de 1 % des taux alourdirait la charge de la dette de 2, 4 milliards d’euros la première année et de 8, 5 milliards d’euros d’ici à trois ans. On ne peut pas vraiment parler d’une bagatelle budgétaire…

Malgré l’existence de cette bombe à retardement, le Gouvernement ne cesse d’emprunter. Pis encore, il bat des records en prévoyant d’emprunter 228 milliards d’euros en 2019 : du jamais vu !

Monsieur le secrétaire d’État, eu égard à ces éléments, quelle sera la facture de votre héritage pour les générations futures ? Il y a quelques mois, vous vouliez changer le monde politique : commencez par changer les politiques budgétaires ! Si vous voulez vraiment une France en marche, faites que l’État ne marche plus sur la dette !

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