Intervention de Mounir Mahjoubi

Réunion du 24 octobre 2018 à 14h30
Dette publique dette privée : héritage et nécessité — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Mounir Mahjoubi :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir consacré plus d’une heure à évoquer avec passion un sujet qui aurait mérité de remplir cet hémicycle. Je suis certain que nos concitoyens, soit en direct soit en rediffusion sur internet, sont ou seront très nombreux à nous écouter.

Vous me permettrez de répondre d’emblée à la question constituant l’intitulé de ce débat : oui, la dette est un instrument économique utile, et même très nécessaire. C’est vrai de la dette publique comme de la dette privée.

On peut être en déficit dans une période de crise pour relancer la machine économique et protéger les plus faibles, en permettant, par exemple, au système de l’assurance chômage de continuer à fonctionner, tout comme une entreprise peut emprunter pour investir et se développer dans une phase de croissance.

Cependant, on ne peut se satisfaire d’un recours systématique à la dette, quelle que soit la situation économique : pour pouvoir s’endetter en période de crise, il faut se redonner des marges quand la conjoncture est plus favorable. Tout est question de dynamique : c’est le battement entre ces périodes d’endettement et de désendettement qui permet d’avoir un modèle soutenable.

Sans caricature ni confusion, portons d’abord un regard sur la dette publique.

Je commencerai par un constat : la dette publique a beaucoup augmenté, passant de 64 % à 98 % du PIB entre 2007 et 2017. Plus que le stock de dette, c’est cette tendance qui doit nous préoccuper. On peut comprendre que la dette augmente en temps de crise, comme au début des années quatre-vingt-dix ou dans le sillage de la crise financière de 2008. Mais, depuis trente ans, la France n’a jamais mis à profit les périodes de croissance pour réduire son ratio de dette.

Cette tendance française fait figure d’exception dans le paysage européen. Nous sommes le seul pays de la zone euro dont le ratio de dette ne diminue pas depuis 2015, alors que l’on observe une baisse moyenne de 7 % ailleurs en Europe.

Le problème vient de plus loin : voilà dix ans, nous avions le même niveau de dette que l’Allemagne ; depuis 2007, il y a divergence. L’Allemagne a réduit son ratio de dette, signe que la dette n’est pas une fatalité, tandis que la France a laissé sa dette s’envoler.

Nous ne savons pas renverser la vapeur quand notre économie va mieux : ce n’est pas soutenable. La dette doit rester un outil, et non être une drogue : l’addiction à la dette est un poison lent, qui risque de nous placer dans une position délicate si nous ne faisons rien. On ne marche pas sur la dette, c’est elle qui vous marche dessus si elle n’est pas maîtrisée.

Il est essentiel de réduire la dette par beau temps pour faire baisser le service de la dette, qui est autant d’argent public jeté par les fenêtres alors qu’il pourrait servir au financement des services publics, pour nous protéger contre une remontée des taux – un seul point de hausse des taux d’intérêt représente plus de 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires dès cette année et près de 16 milliards d’euros en 2025 –, pour disposer de marges de manœuvre et pouvoir répondre aux crises par des mesures contra-cycliques, pour être crédibles en Europe, la gestion de nos finances publiques ayant très longtemps terni notre image et obéré notre capacité à faire bouger les autres pays.

Depuis plus d’un an, nous avons inversé la tendance et affirmons des objectifs ambitieux. Nous avons endigué la hausse constante de la dette publique grâce à nos efforts budgétaires. Notre cap pour le quinquennat est clair : cinq points de dette en moins et un déficit public proche de zéro en 2022.

Cette réduction de la dette et du déficit passe par un effort sur la dépense publique, en ciblant les postes sur lesquels des économies sont possibles, mais surtout en repensant les missions et l’organisation de l’État.

La baisse des dépenses publiques doit aller de pair avec des réformes structurelles profondes, comme vous l’avez souvent rappelé lors de vos différentes interventions. Il faut attaquer les problèmes sociaux à la racine, plutôt que de traiter leurs symptômes infinis. C’est tout le sens du travail que le Gouvernement mène actuellement sur l’éducation ou sur la formation.

Il faut proposer un nouveau modèle économique avec moins de dépense publique et de dette, moins de prélèvements obligatoires, mais plus de soutien à l’investissement et à l’innovation, plutôt que de recourir sans cesse à plus de dépense publique, comme nous le faisons depuis des décennies.

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