Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La disparition, le 2 octobre dernier, du journaliste d’origine turque Jamal Khashoggi a déclenché une véritable onde de choc dans le monde.
Il y a tout d’abord les conditions de cette disparition : au sein du consulat saoudien à Istanbul et, si l’on en croit le président turc Erdogan, il s’agirait d’un assassinat particulièrement sordide.
Au-delà de ces circonstances et de cette brutalité qui choquent, il ne s’agit pas simplement d’un fait divers. J’en veux pour preuve l’adresse du président Erdogan au parlement turc, les déclarations du président Trump, celles des responsables européens, le retrait d’un certain nombre de grands investisseurs du monde entier du sommet de Riyad, mais aussi le déplacement plus discret de la directrice de la CIA en Turquie et les rencontres entre Mohammad ben Salmane, personnage central de cette affaire, et le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, et le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin.
Les déclarations des responsables européens amèneront ma première question. La chancelière allemande appelle à cesser l’exportation des armes vers l’Arabie saoudite, qui –faut-il le rappeler ? – conduit une guerre meurtrière au Yémen. Comment la France, qui depuis 2008 a exporté pour 11 milliards d’euros d’armes en Arabie saoudite, considère-t-elle cette déclaration de l’Allemagne ? Quelques mois avant les élections au Parlement européen, l’Europe ne donne-t-elle pas une image de plus de sa désunion ?
Plus largement, car on voit bien que cette affaire dépasse ses protagonistes, comment notre pays voit-il la sortie de ce qui pourrait être une crise déstabilisatrice ? La Turquie, héritière de l’Empire ottoman, n’est-elle pas en train de faire monter la pression en distillant les informations à petites doses ? Que cherche-t-elle à obtenir des Américains, des Saoudiens ? La domination du monde musulman sunnite, par le rétablissement du califat ? La realpolitik ne va-t-elle pas finalement reprendre le dessus, les importations de pétrole saoudien et les exportations d’armement valant bien plus que la vie d’un homme que l’on dit par ailleurs proche des Frères musulmans et de Ben Laden ?