Intervention de Annick Billon

Réunion du 25 octobre 2018 à 15h00
Scolarisation des enfants en situation de handicap — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mes chers collègues, aujourd’hui, en France, près de 320 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés ; ils étaient seulement 100 000 en 2006.

Nous pouvons nous féliciter de l’impact positif qu’a eu la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi que le groupe centriste d’alors avait votée à l’unanimité au Sénat.

Cette grande question de la scolarisation des enfants en situation de handicap est fondamentale. En effet, elle nous interroge bien au-delà du monde éducatif et du monde des accompagnants spécialisés. Elle vient questionner la capacité d’inclusion de notre société, notre rapport à ce qui est différent. En cela, la réponse des pouvoirs publics aux défis qui restent à relever sera légitimement scrutée avec attention.

Je tiens, à ce titre, à remercier la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Catherine Morin-Desailly, d’avoir encouragé la tenue de ce débat aujourd’hui.

Si le nombre d’enfants et d’adolescents en situation de handicap a beaucoup progressé au cours des dernières années, il convient toutefois de regarder par-delà les chiffres, toujours nécessaires, mais jamais suffisants.

De quoi parlons-nous quand nous parlons de la scolarisation d’un enfant handicapé ? Nous parlons non seulement d’enfants, mais aussi de parents et de familles et de leur vie quotidienne. Nous nous devons, mes chers collègues, de toujours garder à l’esprit leur difficile réalité.

Lorsque nous parlons d’enfants en situation de handicap, n’oublions pas qu’il existe de multiples situations en la matière : handicaps moteurs, troubles « dys », autisme, et bien d’autres encore. Très différentes, ces situations nécessitent des réponses adaptées.

Lorsque nous parlons de scolarisation, veillons à considérer l’école dans son ensemble. Il s’agit en effet d’adapter les établissements, quels que soient leur implantation et leur degré, afin qu’ils puissent accueillir le plus grand nombre d’enfants à même de bénéficier de l’enseignement ordinaire.

Enfin, lorsque nous parlons de ces situations, nous nous devons aussi de prendre en compte ce qui se passe au-dehors des murs de l’école, mais en affecte la vie quotidienne.

Je souhaite mentionner ici la place des familles et des aidants, tous deux essentiels à l’équilibre de l’enfant, donc à son intégration scolaire et sociale.

J’ai été personnellement interpellée, dans mon département de Vendée, sur la place accordée aujourd’hui aux enfants handicapés à l’école. Ainsi, une chef d’établissement de Fontenay-le-Comte m’a alertée sur les difficultés que rencontre au quotidien le corps enseignant : manque de moyens, manque d’encadrement, manque d’instituts médico-éducatifs. Cette addition de manques se révèle préjudiciable à tous les enfants, avec ou sans handicap, comme aux enseignants.

Elle m’a également mise en garde sur la difficile coordination entre les classes ordinaires et les dispositifs ULIS, les unités localisées pour l’inclusion scolaire. Les élèves ULIS sont en effet intégrés dans les classes, mais sans être comptabilisés dans les effectifs, ce qui pose des problèmes d’ouverture ou de fermeture de classes. Je suis sûre que nombre de mes collègues ici présents seraient facilement à même de nous présenter des exemples similaires.

Cette même chef d’établissement m’a également fait part de son indignation quant à la situation salariale des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, qui ont remplacé les AVS, les auxiliaires de vie scolaire. C’est là un point crucial de la question du handicap en milieu scolaire. En effet, comment imaginer qu’un enfant en situation de handicap puisse s’intégrer à l’école sans l’aide d’une personne spécialisée ?

Or comment recruter un nombre suffisant de ces personnes de manière pérenne – j’insiste sur l’importance de la pérennité de l’accompagnement, source de stabilité pour l’enfant –, en proposant des salaires aussi bas et un statut aussi précaire ? De fait, les contrats à durée déterminée et les temps partiels de vingt-quatre heures hebdomadaires leur permettent difficilement d’accéder à un emploi complémentaire.

Je note que le Gouvernement a engagé des mesures pour rendre plus attractif le métier d’AESH. Au demeurant, plus que d’« attraction », il devrait avant tout être question de décence.

Au-delà de la question des personnels accompagnants, nous pensons qu’il convient aujourd’hui de poser les bases d’une nouvelle réflexion sur l’amélioration des structures existantes et la mise en place de solutions personnalisées. Il est en effet important d’améliorer, tant quantitativement que qualitativement, l’accompagnement des élèves handicapés. Scolariser les enfants en situation de handicap sans leur apporter le soutien dont ils ont besoin, c’est fragiliser l’ensemble du système éducatif. Il convient donc d’encourager la coopération entre les secteurs médico-social et scolaire, pour être au plus près des différents besoins de l’enfant ou de l’adolescent.

Les instituts médico-éducatifs peuvent à cet égard jouer un rôle intéressant dans la mise en place de solutions personnalisées. Or la mise à disposition d’enseignants à laquelle s’est engagée l’éducation nationale se révèle très variable selon les régions et souffre d’une sous-estimation chronique des besoins. Ces structures méritent d’être mieux épaulées dans leurs missions, car elles offrent des services spécialisés et sont bien souvent une solution nécessaire à la prise en charge adaptée de l’enfant et à son épanouissement, en complément bien sûr du rôle des familles et de l’école.

La stratégie du Gouvernement en matière de handicap à l’école, menée conjointement par M. Jean-Michel Blanquer et Mme Sophie Cluzel, présente certes des éléments intéressants. Ainsi, le principe de l’intégration du numérique et des dernières innovations technologiques au service de l’intégration des personnes en situation de handicap dans la société nous paraît aller dans le bon sens. De même, le coup de projecteur accordé à l’autisme permettra, je l’espère, de mieux prendre en compte les multiples facettes de cette maladie complexe et encore trop méconnue.

Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, quelles conclusions tirer de la mise en place de telles mesures, alors que, dans le même temps, le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale réduisent à seulement 20 % la part des logements adaptés dans les constructions de logements neufs, malgré les efforts déployés par le Sénat ?

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste sera extrêmement attentif à ce que les mesures que prendra le Gouvernement permettent une amélioration significative de la situation des élèves en situation de handicap. Nous veillerons de façon tout aussi exigeante à ce que s’améliore la vie de leurs familles et des personnels qui les accompagnent au quotidien.

Je sais pouvoir compter sur Mme Catherine Morin-Desailly, qui veillera à ce que la commission de la culture et de l’éducation poursuive le travail de contrôle qu’elle a souhaité engager au lendemain de la rentrée.

Il y va, monsieur le secrétaire d’État, de la société dans laquelle nous voulons vivre.

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