Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la scolarisation des enfants en situation de handicap a fait l’objet, nous le savons, de vives polémiques ces dernières semaines à l’Assemblée nationale. Gageons que nous saurons ici, au Sénat, débattre dans le respect des uns et des autres, mais aussi – j’ose le dire – dans l’unité que ce sujet exige.
Pour commencer, je voudrais saluer l’engagement quotidien de l’ensemble des acteurs – familles, associations, professionnels et enseignants – investis dans l’accueil et la prise en charge des enfants en situation de handicap dans nos établissements scolaires.
Le service public d’éducation doit veiller à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Quels que soient les besoins particuliers de l’élève, c’est à l’école de s’assurer que l’environnement est adapté à sa scolarité. C’est un devoir de justice, d’équité et de solidarité.
Face à ces enjeux, le débat proposé par nos collègues de l’Union Centriste, dont je salue l’initiative, intervient à un moment opportun, puisqu’il nous permet de faire un état des lieux de la rentrée 2018. Qu’en est-il ? Plus de 340 000 élèves en situation de handicap sont aujourd’hui scolarisés, c’est 20 000 élèves de plus que l’an dernier. Par ailleurs, 253 nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire, les ULIS, ont été créées, dont 38 en lycée.
Il faut le dire, ce progrès est le fruit d’efforts consentis depuis une dizaine d’années. Le droit à la scolarisation institué par la loi du 11 février 2005 a d’abord permis des avancées majeures, avant que le principe de l’école inclusive ne devienne en 2013 une priorité nationale. C’est ainsi que, en un peu plus de dix ans, le nombre d’élèves scolarisés en milieu ordinaire a été multiplié par trois.
La situation reste néanmoins imparfaite et inégale sur le territoire national. Aussi, j’aimerais attirer l’attention de notre Haute Assemblée sur la situation en outre-mer, où le droit à l’éducation lui-même est souvent mis à mal.
En 2016, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies y a constaté que les enfants en situation de handicap sont plus souvent scolarisés dans une classe spécialisée, en particulier en Guyane, où moins d’un élève sur six est en milieu ordinaire, et à Mayotte, où moins d’un élève sur huit est concerné. Ces chiffres vont à contre-courant de la tendance observée dans l’Hexagone.
En Guyane, le manque de places dans les dispositifs d’accueil de l’éducation nationale, les unités spécialisées et les structures associatives, implique que de nombreux enfants ne sont pas scolarisés ou ne le sont que partiellement. Commence alors une bataille interminable pour les parents, qui n’ont souvent que leur courage pour lutter contre une nébuleuse administrative étourdissante. Pendant ce temps, l’enfant se retrouve seul, fragilisé, face au rejet que notre société lui impose.
Si un effort a été consenti par le rectorat ces dernières années avec la création d’ULIS supplémentaires, la situation est particulièrement difficile pour les personnes à mobilité réduite, dont l’autonomie est fragilisée par l’inadaptation d’une grande partie de l’espace public et des transports, notamment des pirogues.
Vous le savez, je vous invite régulièrement, mes chers collègues, à venir en Guyane toucher du doigt nos réalités. Allons ensemble à Trois-Sauts, village le plus reculé du territoire, et certainement de France, où le premier collège est à sept heures de pirogue ! Vous verrez qu’un enfant dont le diagnostic aurait préconisé une scolarisation dans une classe spécialisée ne peut y accéder, sauf à s’éloigner dès le plus jeune âge de son foyer familial. Pourtant, vous en conviendrez, lui aussi a droit à la scolarisation.
Les chiffres encourageants précédemment évoqués ne sauraient donc se suffire à eux-mêmes, tant la réussite de l’école inclusive repose également sur une amélioration qualitative des conditions d’accueil et d’accompagnement des élèves. À cet égard, la grande consultation Ensemble pour une école inclusive, lancée ce lundi 22 octobre, va dans le bon sens.
Premièrement, l’écoute attentive des familles et des associations est en effet indispensable. Ce sont elles qui vivent au quotidien le processus de scolarisation des enfants. Il est important de les soutenir, de leur donner toute leur place au sein de l’école, à travers des échanges nourris avec les équipes éducatives et l’aide de la MDPH.
Deuxièmement, la transformation du métier d’accompagnant est aussi fondamentale. Pour cette rentrée, 29 000 emplois aidés et 43 000 accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, sont mobilisés sur le terrain. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit également le financement de 12 400 nouveaux emplois d’accompagnants : 6 400 au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés et 6 000 AESH supplémentaires.
Soulignons ici la volonté du Gouvernement de renforcer ces contrats, dont nous connaissons la précarité. Là encore, il nous faudra aller plus loin, en formant mieux les accompagnants, pour améliorer leurs conditions d’exercice et leur permettre d’intervenir dans les activités éducatives périscolaires et extrascolaires des élèves, proposées notamment dans le cadre du plan Mercredi.
Troisièmement, j’aimerais insister sur la nécessité d’améliorer le dépistage, en particulier dans les outre-mer. Il nous faut développer les outils de diagnostic, afin d’éviter les repérages tardifs et les mauvaises orientations.
Je pense à l’adaptation des outils d’évaluation au contexte plurilingue, à la visite médicale scolaire pour tous les élèves, au renforcement de la formation et à la sensibilisation des enseignants au handicap, mais aussi au développement de la PMI et du centre d’action médico-sociale précoce. Autant de pistes de travail pour adapter l’école inclusive aux réalités de nos territoires.
La volonté et les initiatives sont là. Reste maintenant à faire vivre ce beau principe de l’école inclusive, grâce à une écoute attentive des familles, des associations et des syndicats, afin que les élèves et les personnels bénéficient des améliorations qu’ils attendent impatiemment.