Intervention de Corinne Feret

Réunion du 25 octobre 2018 à 15h00
Scolarisation des enfants en situation de handicap — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord me faire le porte-voix de toutes ces familles, notamment dans le Calvados, qui se mobilisent depuis la rentrée pour défendre l’accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap.

En effet, malgré les annonces gouvernementales – le Gouvernement s’est engagé à ce que tous les enfants en situation de handicap qui en ont besoin aient accès à un auxiliaire de vie scolaire –, force est de constater que, en cette dernière rentrée scolaire, plusieurs de ces enfants sont encore dépourvus d’un tel accompagnement.

Comment ne pas comprendre le désarroi de ces parents d’élèves handicapés qui, faute de s’être vu attribuer un AVS par l’éducation nationale, n’ont aucune solution de scolarisation, ne font bénéficier leur enfant que d’un temps d’école faible ou doivent patienter sur les listes d’attente des établissements spécialisés ?

En 2018, en France, le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, devrait être un droit effectif. C’est une question de justice sociale et de solidarité.

Le Gouvernement a lancé, lundi dernier, une concertation visant à « rénover les dispositifs d’accompagnement pour les écoliers ayant des besoins spécifiques tout au long de leur scolarité ». Des sujets centraux comme ceux de la formation des enseignants ou du statut des accompagnants d’élèves handicapés vont être abordés. C’est une bonne chose, et je salue cette volonté.

En même temps, je regrette qu’il n’ait pas été possible de débattre, très récemment encore à l’Assemblée nationale – cela a été évoqué –, d’une proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap.

Ce soir, je souhaite profiter de ce débat pour vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessaire remise à plat des dispositifs d’accompagnement existants, au regard de la situation actuelle des enfants atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages, de troubles cognitifs spécifiques, de dyspraxie, de dysphasie, de dyslexie, de dyscalculie, de trouble du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité, de troubles des fonctions exécutives, en somme, des enfants « dys » et TDAH – ils sont nombreux.

Conséquence de l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 et de la publication de la circulaire du 22 janvier 2015, un plan d’accompagnement personnalisé, ou PAP, peut être proposé aux enfants présentant des troubles des apprentissages. Dans les faits, ce dispositif se substitue à celui du projet personnalisé de scolarisation, ou PPS. Les enfants « dys » et TDAH sont donc placés en dehors du champ de la politique du handicap et privés ainsi du bénéfice de l’accès à un certain nombre d’aides et de droits.

Pour cette raison – vous le savez –, le PAP est à l’origine d’une profonde division dans le monde du handicap, s’agissant des « dys » en particulier.

Le PAP, en tant qu’il est, aux termes de la loi, un dispositif pédagogique, et non un dispositif de compensation, est interne à l’école ; contrairement au PPS, il n’est pas opposable en droit et n’offre donc aux familles aucune voie de recours.

Surtout, il est basé sur la notion peu claire et approximative de « difficultés scolaires » et n’est donc pas adapté à des enfants en situation de handicap, « dys » ou TDAH, ces troubles nécessitant une connaissance fine du tableau cognitif de l’enfant, qui permettra d’identifier les fonctions déficitaires mais aussi et surtout celles qui sont préservées.

De plus en plus de MDPH, ou maisons départementales des personnes handicapées, renvoient les « dys » et TDAH vers le PAP, y compris lorsque les troubles sont importants et multiples et lorsque les dossiers de demande d’aide des familles sont complets et fondés.

Ainsi écartés du champ du handicap et des mesures dédiées, les familles ne peuvent se voir attribuer l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, allocation compensatoire qui permet de financer les indispensables bilans complémentaires et d’aider à faire face aux coûts des rééducations non remboursables par la sécurité sociale.

Hors reconnaissance MDPH, les « dys » ne peuvent ainsi bénéficier des notifications de matériel informatique, et donc, entre autres, des ordinateurs et des logiciels spécifiques fournis par l’éducation nationale. Quant aux coûts des bilans, des rééducations ou des matériels pédagogiques adaptés, ils reposent uniquement sur les familles. Enfin, l’enfant « dys » ne disposera évidemment pas d’un AVS.

Monsieur le secrétaire d’État, pour toutes ces raisons, il est urgent d’entendre les arguments de ces familles ainsi que des professionnels, qu’ils soient orthophonistes, psychomotriciens ou ergothérapeutes. C’est la lettre et l’esprit de la loi Handicap de 2005, et sa promesse d’égalité des chances fondée sur la compensation du handicap, qui sont bafoués, avec le PAP, pour les enfants « dys » et TDAH.

Je souhaite donc que la concertation que vous avez lancée lundi dernier mette définitivement un terme à cette situation hautement préjudiciable aux enfants atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages, « dys », TDAH et à leurs familles.

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