Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à titre de préambule, je tiens à dire que je regrette moi aussi, comme un certain nombre de parlementaires, le rejet préalable du texte d’Aurélien Pradié relatif à l’inclusion des élèves en situation de handicap, le 11 octobre dernier à l’Assemblée nationale.
Vous le savez, notre groupe, le RDSE, est particulièrement attaché à la qualité du débat parlementaire ; j’espère que le Sénat, dans sa grande sagesse, mènera la discussion à son terme et la fera prospérer sous forme législative.
En avril dernier, le Gouvernement a annoncé vouloir mettre l’accent sur le diagnostic et sur la scolarisation des enfants dans le cadre du quatrième plan Autisme, qui a pour objectif le triplement du nombre d’unités d’enseignement en maternelle, la création de cent postes d’enseignants spécialisés, la multiplication du nombre d’ULIS et la création d’équipes mobiles supplémentaires.
Malheureusement, l’approche retenue dans ce plan fait que la question de l’inclusion scolaire reste une affaire de moyens, d’ajustement et de gestion des structures. Il reste donc à trouver une stratégie plus globale associant les différents acteurs du soin et de la scolarisation pour faire face à la demande croissante des élèves en situation de handicap, qui reste, à ce jour, non entièrement satisfaite.
Toutefois, je profite de cette tribune pour féliciter le service d’éducation spéciale et de soins à domicile pour le travail accompli à Saint-Martin ; ce travail, en effet, a permis d’intégrer graduellement des enfants en situation de handicap dans le système scolaire, via les CLIS, ou classes pour l’inclusion scolaire, et les ULIS, alors que ces enfants, il y a seulement quelques années, n’étaient même pas scolarisés.
Néanmoins, un travail important doit être conduit pour dépister plus efficacement et surtout plus précocement un certain nombre de troubles, tels l’autisme ou la dyslexie ; cela passe nécessairement par une meilleure sensibilisation des professionnels de santé, des parents et de la société.
Toutefois, il n’y a pas qu’à Saint-Martin que ce travail doit se poursuivre : malgré le développement continu de l’aide mutualisée et de la création d’ULIS, entre 30 et 1 500 élèves par département attendent toujours un accompagnement. Aujourd’hui, malgré plusieurs plans Autisme et plans quinquennaux concernant le handicap, les contraintes budgétaires ne nous permettent pas de rattraper le retard accumulé.
Un rapport sénatorial de décembre 2016 nous enseignait par exemple que, en 2015, quelque 1 500 enfants français en situation de handicap étaient pris en charge en Belgique et conventionnés par l’assurance maladie. Faut-il voir dans cette sous-traitance le signe de défaillances en matière de planification ?
Monsieur le secrétaire d’État, les objectifs inscrits dans le plan 2017-2022 en matière de transformation de l’offre médico-sociale sont très ambitieux, puisqu’il est envisagé que, en 2020, quelque 50 % des enfants accompagnés en établissements spécialisés soient scolarisés à l’école. Mais ce volontarisme nécessitera une étroite articulation entre tous les services.
De ce point de vue, je porte à votre attention trois interrogations.
Premièrement, quelle est votre stratégie pour opérer ce grand changement, associant les différents acteurs du soin et de la scolarisation et décloisonnant les interventions et les dispositifs, pour faire de l’école ce lieu institutionnel effectivement central de la prise en compte des besoins de tous les enfants ?
Je rappelle que, en juillet dernier, l’IGAENR, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, et l’IGEN, l’Inspection générale de l’éducation nationale, remettaient un rapport définissant une stratégie globale et cohérente, renforçant les liens entre les établissements de soins et de scolarisation.
Les unités d’enseignement externalisées et les unités de soins mobiles devraient pouvoir être décuplées et pilotées au sein d’une plateforme de services à l’échelon départemental.
L’urgence est aussi de répondre à la situation de ceux que nous appelons les « invisibles de l’éducation nationale », à savoir les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH. Sans ces personnes qui, très investies dans leur mission, exercent malheureusement dans des conditions difficiles et souvent précaires, l’inclusion scolaire n’aurait jamais pu progresser comme elle l’a fait.
Deuxièmement, que proposez-vous pour simplifier la gestion de ces métiers et créer pour eux un parcours pérenne et attractif ?
Troisièmement, quel est votre regard sur la situation des enseignants référents ? Ces derniers peuvent aujourd’hui accompagner jusqu’à 350 élèves en situation de handicap, alors que le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, recommandait que le nombre d’élèves suivi n’excède pas 120, afin que le projet personnalisé de scolarisation puisse être mis en œuvre dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, comment lutter contre la forte inégalité des situations entre les territoires, les solutions et les services proposés aux enfants en situation de handicap variant selon les établissements ?
Enfin, le Gouvernement a annoncé l’ouverture de 250 ULIS à l’horizon 2022. Mais, dans un récent rapport, l’IGAS a précisé que, au rythme actuel de progression du nombre d’enfants devant être pris en charge en ULIS, il faudrait ouvrir non pas 50 unités supplémentaires par an d’ici 2022, mais 240 en moyenne.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi de 2005 a marqué un tournant décisif en direction de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap – c’est indéniable. Les effets qu’elle a produits apparaissent extrêmement positifs. Cependant, de nombreux défis subsistent sur le chemin qui doit permettre à l’école d’instruire et d’éduquer tous les enfants et adolescents en situation de handicap, sans distinction aucune.
Nous vous invitons, monsieur le secrétaire d’État, à un travail de concertation avec le Parlement, pour apporter à cette loi, ensemble et rapidement, les améliorations nécessaires.