Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe Union Centriste d’avoir choisi d’organiser un débat sur la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Le sujet me tient particulièrement à cœur. Je me réjouis donc d’intervenir pour la première fois au Sénat sur ce thème, même si je suis un peu frustré de n’avoir que quelques instants pour vous répondre, comme M. le président vient de le rappeler. J’espère que vous me pardonnerez la rapidité de mon propos. Avec ma collègue Sophie Cluzel, je suis tout à fait disposé à vous apporter des réponses plus fournies par écrit si vous nous en faites la demande.
Le sujet est fondamental et complexe à la fois. Tous ceux qui affirment le contraire détournent la juste émotion que soulève cette question chez les familles et ne sont à la hauteur ni des enjeux ni de ce que nous voulons réaliser ensemble. Je suis heureux que nous ayons ce débat au Sénat, connaissant la capacité de la Haute Assemblée à aborder les sujets sur le fond, de manière dépassionnée au plan politique.
Je souhaite revenir quelques instants sur le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, auquel vous êtes plusieurs à avoir fait référence. Il est faux de prétendre qu’il n’y a pas eu de discussion sur la proposition de loi du député Aurélien Pradié ! Nous avons examiné ce texte – à l’époque, j’étais encore député – pendant quatre heures en commission, et la discussion a été extrêmement fournie.
Certes, une motion a bien été déposée en séance. Mais je rappelle que le texte prévoyait la mise en place d’un diplôme d’État existant déjà, la reconnaissance d’une validation des acquis de l’expérience déjà effective, la possibilité d’accorder un brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur aux AESH, ce que ces personnels ne demandent pas, puisqu’il s’agit d’accompagnants et non d’animateurs.
En outre, le terme « aidants » figurait à plusieurs reprises dans la proposition de loi alors qu’il est refusé par tous les collectifs d’AESH. D’ailleurs, un certain nombre de députés de même sensibilité politique que les orateurs qui viennent de s’exprimer avaient déposé des amendements de suppression, et d’autres groupes avaient aussi déposé une motion.
Je me réjouis de la manière dont les sénatrices et les sénateurs qui sont intervenus ont abordé le sujet. Je pense évidemment d’abord à Mme Billon, que je remercie d’avoir salué la « stratégie intéressante » du Gouvernement en la matière, même si elle a souligné que beaucoup restait à faire et formulé des propositions. Mme la sénatrice a notamment abordé la question du numérique et de l’intégration. Avec d’autres, comme Mme Féret, M. Arnell ou Mme Jasmin, elle a évoqué la stratégie nationale pour l’autisme ; sachez que la volonté du Gouvernement d’avancer avec vous sur ces sujets est totale.
Mme Mélot a eu raison de dénoncer le retard de la France. En tant que député, j’ai eu la chance d’accompagner Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel au Danemark une journée. J’y ai vu ce qu’est une vraie école inclusive et combien il est possible d’inclure des enfants en situation de handicap dans l’école, avec les autres élèves, en organisant un parcours d’accueil. Il est donc possible d’avancer.
Cela a été rappelé, la création d’une école toujours plus inclusive nécessite une révolution des esprits et une transformation de notre système scolaire. C’est notre ambition, qui a été réaffirmée ce matin encore au comité interministériel du handicap, où il a été rappelé que la grande priorité, avec l’emploi, est la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Néanmoins, il faut aller vite. Avant d’être membre du Gouvernement, j’étais député ; et avant d’être député, j’ai été élu local. Je sais comme vous combien la pression sur le terrain est forte. La détresse des familles et les attentes sont là. Vous êtes en première ligne auprès des élus locaux, qui sont eux-mêmes en première ligne auprès d’administrés parfois confrontés à des situations très difficiles, voire dramatiques.
Une telle transformation ne peut pas s’effectuer en un jour. Elle nécessite de traiter un nombre considérable de questions, dont, bien entendu, l’accompagnement des familles, l’accueil personnalisé des élèves, la transformation du métier d’accompagnant, l’adaptation des locaux et du matériel pédagogiques ou encore la coordination de tous les acteurs. C’est pour relever l’ensemble de ces défis que le Gouvernement a fait une priorité de la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Depuis 2005, les progrès ont été considérables, ainsi que Mme Doineau l’a rappelé. Certes, monsieur Karam, s’il faut se réjouir de ces progrès, dans un certain nombre de territoires, dont le vôtre, la Guyane, la situation demeure difficile. Il reste beaucoup à faire. La question de l’inclusion des élèves en situation de handicap en outre-mer revêt évidemment une dimension spécifique et fait l’objet d’un suivi tout particulier de la part du Gouvernement. Soyez assuré que des progrès seront réalisés.
Il reste du chemin à faire à l’échelon national, d’autant que les prescriptions de handicap ne cessent d’augmenter. Notre objectif, qui a déjà été affirmé, est clair : nous voulons que l’école française soit pleinement inclusive en 2022.
Il est ambitieux, mais nous allons l’atteindre. Nous travaillons depuis un an à sa réalisation concrète. Cela implique notamment un investissement massif dans le recrutement des accompagnants. Car, pour répondre à M. Cuypers, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit le financement de 12 400 nouveaux emplois d’AESH.
L’enjeu, Mme Billon l’a rappelé, c’est la pérennité. Je vous suis totalement : l’aspect quantitatif ne suffit pas. La pérennité implique d’améliorer la qualité des contrats offerts aux accompagnants. Pour la première fois depuis dix ans, le nombre d’accompagnants ayant le statut d’ASH dépasse celui des emplois aidés, qui étaient majoritaires jusqu’alors ; c’est bien la preuve qu’il y a un saut qualitatif.
Monsieur Paccaud, le recrutement des ASH s’effectue tout au long de l’année en fonction des notifications des MDPH. Une analyse fondée sur la seule rentrée scolaire me paraît donc un peu biaisée.
À la rentrée 2018, quelque 29 000 emplois aidés et 43 041 AESH en équivalents temps plein accompagnaient les élèves en situation de handicap. Je veux le rappeler, aucun contrat aidé dédié à l’accompagnement du handicap n’a été supprimé, que ce soit en cette rentrée ou à la rentrée précédente.
Nous savons qu’il y a eu une politique en matière de réduction des contrats aidés. Vous connaissez la position du Gouvernement. Des priorités avaient été fixées. Je pense notamment à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Il n’y a pas eu de suppression de contrats liés à l’accompagnement. Ces chiffres traduisent concrètement la volonté du Gouvernement d’offrir un statut stable et pérenne aux accompagnants.
La pérennité passe également par l’amélioration de la formation des professeurs et des accompagnants. Je rejoins totalement M. Mouiller, qui a évoqué la nécessité de renforcer la formation des enseignants. Un grand chantier nous attend. Le texte qui sera défendu par Jean-Michel Blanquer aborde la question de la refonte de la formation des enseignants. L’objectif est que tous les enseignants bénéficient dans le cadre de leur formation de modules sur l’accueil des élèves en situation de handicap. Cet engagement, qui est très fort, sera au cœur de la réforme.
La hausse de la scolarisation des élèves en situation de handicap est une réussite collective. Elle implique désormais une évolution de la fonction d’accompagnant de ces élèves. Nous avons réalisé un progrès quantitatif formidable. Nous devons désormais répondre à un enjeu qualitatif. La nécessité d’un changement de paradigme est un constat aujourd’hui partagé par tous : parents d’élèves, professionnels et associations.
C’est pourquoi les ministres ont lancé ce lundi 22 octobre devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, ou CNCPH, une large concertation. L’objectif est d’établir une relation de confiance entre l’école et les familles, à partir du projet personnalisé de scolarisation, le PPS, qui deviendra l’outil d’organisation de la scolarité.
Je rejoins plusieurs des orateurs qui sont intervenus, notamment Mme Doineau et M. Mouiller, sur la nécessité de réduire les délais et de simplifier le lien entre les MDPH et les écoles. Nous y travaillons beaucoup. Certains éléments ont été annoncés ce matin lors du comité interministériel. Je pense notamment à la simplification des procédures liées à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
Dans son rapport, le député des Hauts-de-Seine Adrien Taquet propose également des mesures très intéressantes, qui seront reprises. Je pense ainsi au fait que 100 % des MDPH soient équipées d’ici à la fin de l’année 2019, afin de venir au bout des démarches administratives et de la paperasserie que plusieurs intervenants ont décrites. L’important, c’est la fluidité et la simplification des démarches.
Nous souhaitons également développer l’attractivité du métier d’accompagnant.