Nous travaillons avec les pays d'origine. Les trafiquants d'êtres humains sont les ennemis des pays d'origine. Les actions civiles conduites par l'Union européenne permettent de lutter contre les passeurs. Notre démarche s'avère analogue avec les pays d'Afrique du Nord : si la notion de plateforme de débarquement est aujourd'hui mise de côté, le travail de lutte avec ces pays contre les réseaux est réel. Nous travaillons également entre pays de l'Union, y compris avec le Royaume-Uni, au démantèlement des réseaux de passeurs. Nous soutenons également le plan massif pour l'investissement et l'emploi en Afrique proposé par M. Jean-Claude Juncker.
S'agissant de la solidarité obligatoire à modalités flexibles, nous sommes plusieurs à déplorer que certains États membres n'aient pas honoré leurs obligations en matière d'accueil de demandeurs d'asiles. Devons-nous, à l'avenir, conditionner le versement de certains fonds à l'accueil effectif de migrants par des collectivités territoriales ? Devons-nous reconnaître un caractère obligatoire à la solidarité, tout en laissant une latitude d'application aux États membres ? D'ores et déjà, depuis cette année, nous avons obtenu une contribution renforcée des pays de Viegrad, à hauteur de 35 millions d'euros, au fonds fiduciaire d'urgence pour les migrations en Afrique. Cette avancée va dans le sens de vos préoccupations.
L'Union pour la Méditerranée vient de changer de secrétaire général. Le Président de la République souhaite organiser un sommet des deux rives, destiné à travailler avec les gouvernements et à mobiliser les sociétés civiles et les acteurs économiques. Une telle démarche risque de se heurter aux mêmes écueils que le processus de Barcelone : qui trop embrasse mal étreint et le risque demeure que le conflit israélo-palestinien focalise l'attention de tous ! En revanche, le format 5+5 fonctionne mieux, comme en témoigne les avancées de la coopération interministérielle en Méditerranée occidentale, malgré les dissensions entre l'Algérie et le Maroc.
Le Brexit est un sujet de vive inquiétude pour la politique de la pêche dont l'intégration est en effet une réussite. Alors que le Royaume-Uni caresse l'idée de demeurer dans l'union douanière, encore faut-il s'assurer que les principes de concurrence loyale et que l'accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs européens soient respectés. Ce sont là des conditions précises. J'entends votre préoccupation de maintenir les transformations des produits de la pêche assurées dans les ports français. Nous en avons d'ailleurs débattu lors du conseil des ministres de ce matin ; les ministres de l'agriculture et du budget devraient se rendre dans les ports des Hauts de France, en Normandie et en Bretagne pour envisager les enjeux du Brexit, parmi lesquels les différentes modalités de contrôle, autant douanier que sanitaire et phytosanitaire, de la pêche provenant du Royaume-Uni.
Quels sont les problèmes posés par le budget italien ? La France se gardera de donner des leçons à l'État italien, puisque nous avons, pendant dix ans, déroger aux critères que nous avons nous-mêmes fixés. Nous privilégions avant tout la création d'emplois et la croissance en Italie. En revanche, le taux de croissance nominal de la dette primaire est très au-dessus de ce qui avait été auparavant annoncé, tandis que la dégradation du solde structurel est réelle. Il faut établir un dialogue constructif avec la Commission et l'Italie. Certes, un processus de déficit excessif existe et peut aboutir à des sanctions. Il faut plutôt permettre au gouvernement italien de répondre aux attentes de son électorat qui semblent néanmoins difficilement conciliables : deux partis opposés lors des élections, aux priorités et programmes très différents, voire antagonistes, ont été amenés à gouverner ensemble. L'argument démocratique est naturellement respectable, mais peut s'avérer spécieux lorsqu'il conduit l'Italie à être exposée à de tels risques, comme l'illustre le niveau de son spread analogue à celui de 2013. Toute la zone euro, à commencer par la Grèce, l'Espagne et le Portugal, est exposée au risque ! Nous partageons la même monnaie et avons souverainement décidé de règles communes : il est ainsi normal que la Commission conduise un dialogue étroit avec l'Italie.
Personne ne souhaite une nouvelle crise, surtout si la zone euro n'y est pas préparée. Notre volonté d'un mécanisme de coopération renforcée et d'un mécanisme budgétaire propre à la zone euro tire les leçons des expériences précédentes. Le risque est loin de n'être que théorique ! Or, je ne suis pas certain que tous les membres du Conseil aient pris la mesure du danger !