Intervention de Christian Cambon

Réunion du 30 octobre 2018 à 14h30
La crise migratoire : quelle gestion européenne — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question migratoire est aujourd’hui au cœur des difficultés que traverse l’Europe.

C’est dire l’importance du présent débat, sollicité par plusieurs groupes de la commission des affaires étrangères. Je remercie la conférence des présidents, et tout particulièrement M. le président du Sénat et M. le président de la commission des affaires européennes, d’avoir permis la tenue de ce débat.

L’afflux des réfugiés vers l’Europe a des causes bien connues : la pauvreté et l’absence d’espérance d’une vie décente en sont l’une des raisons. Mais les crises politiques et les persécutions infligées par des régimes dictatoriaux ont, hélas, aggravé ce phénomène.

Ainsi, la situation en Syrie, pays martyr aux 400 000 morts et aux 6 millions de réfugiés, a poussé des centaines de milliers de personnes hors de chez elles.

Samedi dernier, j’étais, avec un certain nombre de mes collègues, au Sud-Liban, dans le camp d’Azzieh, auprès de réfugiés syriens de la région d’Idlib. Ces familles ont tout perdu : leur maison, leur terre, leurs proches. Elles survivent grâce à la générosité du Liban, grâce au Haut-Commissariat pour les réfugiés. Elles ne veulent qu’une seule chose : rentrer chez elles. Mais comment imaginer un tel retour aujourd’hui ? La guerre en Syrie est à la croisée des chemins. Souhaitons que le dernier sommet d’Istanbul concrétise enfin un premier pas vers la paix.

Dans le même temps, le chaos en Libye a permis à des filières de migration massive de s’installer en Méditerranée, pour faire du trafic d’êtres humains, mêlant réfugiés et migrants, broyant des milliers de vies dans la misère.

L’ampleur de cette crise migratoire a remis en cause les principes européens les plus essentiels, comme la solidarité entre États membres ou la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen. Depuis trois ans, l’Union européenne a réagi en renforçant les moyens d’action de FRONTEX et les contrôles aux frontières extérieures. La coopération avec les pays tiers, illustrée par l’accord passé en 2016 avec la Turquie, et développée, depuis le sommet de La Valette, avec les pays africains et du pourtour méditerranéen, a progressé. Toutefois, les résultats sont inégaux.

Ces mesures ont certes porté leurs fruits : les arrivées en Europe par la Méditerranée sont passées de plus d’un million en 2015 à 172 000 en 2017. Les flux ont diminué de 40 % par rapport à 2017. N’allons pas croire pour autant que le problème des migrations est derrière nous. Il n’en est rien, c’est même tout le contraire.

Tout d’abord, on le sait, les passeurs trouvent de nouvelles routes. Depuis la relative fermeture de la voie libyenne, on constate une reprise des traversées entre le Maroc et l’Espagne, alors que cette route dite « de Méditerranée occidentale » était délaissée depuis plusieurs années. Ce flux, endigué par l’action résolue des autorités marocaines, aujourd’hui en première ligne, représente désormais la moitié des traversées vers l’Union européenne. En outre, on constate aussi une augmentation des traversées en Méditerranée orientale, où nous sommes tributaires de la bonne volonté des autorités turques.

Car l’Europe, espace de paix et de prospérité, reste une destination de prédilection pour de nombreux candidats à l’émigration économique, particulièrement en Afrique de l’Ouest ou au Sahel.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, l’Union européenne doit agir !

Pour agir à la source, nous devons aider les pays d’origine et de transit à mieux contrôler la gestion de leurs frontières et à lutter efficacement contre les trafiquants. L’exemple réussi du Niger illustre les résultats qu’il est possible d’obtenir. Ce pays consacre 20 % de ses dépenses budgétaires à la sécurité. La France et l’Union européenne ont raison de le soutenir !

En revanche, j’avoue mon scepticisme s’agissant des plateformes de débarquement mises en avant lors du Conseil européen de juin dernier. Pensons-nous vraiment pouvoir les imposer à nos voisins, qui n’en veulent pas ?

Il est vital, par ailleurs, de soutenir le développement économique des pays d’origine. La commission des affaires étrangères le dit et le répète, il faut mieux cibler l’aide au développement sur les pays très pauvres, sur l’éducation et sur l’agriculture.

Enfin, l’accent doit être mis sur l’amélioration de nos politiques en matière de renvoi des migrants déboutés en situation irrégulière. Comment se satisfaire d’un taux d’exécution des mesures d’éloignement de 36 % à l’échelle européenne et de 14 % seulement au plan national ? S’attaquer sérieusement à ce problème, c’est envoyer un message de fermeté et asseoir la crédibilité de notre politique migratoire.

Nous avons des leviers. Je pense en particulier aux visas. Ayons le courage d’un dialogue ferme et exigeant avec les pays sources, qui ont, eux aussi, besoin de garder leur jeunesse, laquelle constitue leur avenir.

Monsieur le ministre, sur ces sujets essentiels, nos concitoyens attendent des réponses fermes, à la fois du Gouvernement français et de l’Union européenne. De grâce, ne les décevons pas !

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