Intervention de Marine Jeantet

Commission des affaires sociales — Réunion du 31 octobre 2018 à 9h05
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Audition de Mme Marine Jeantet directrice des risques professionnels de la caisse nationale d'assurance maladie

Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie :

La question d'un rééquilibrage entre réparation et prévention est complexe. Même si nous ne sommes pas dans un régime de réparation intégrale, il est délicat de réduire les forfaits d'indemnisation. En outre, une part importante de nos dépenses correspond à des rentes viagères sur lesquelles nous n'avons que peu de marge de manoeuvre. Augmenter les dépenses de prévention pourrait donc nécessiter d'augmenter les cotisations.

À l'inverse, il n'est pas facile de dépenser plus en matière de prévention. Nos actions s'inscrivent dans une logique de co-financement avec les entreprises, il faut donc trouver des partenaires qui s'engagent.

Le système de ristournes de cotisations au titre des dépenses de prévention exposées par les entreprises, pratiqué par exemple en Italie, peut être une manière de développer la prévention sans augmenter directement les dépenses. Nous travaillons sur cette question et j'espère pouvoir vous présenter l'aboutissement de ces travaux l'année prochaine.

Sur le sujet de la sous-déclaration, nous nous sommes engagés dans la sensibilisation des médecins traitants mais nous avons parfois l'impression d'arroser le désert, car ces médecins ne traitent pas si souvent des patients atteints de maladies professionnelles. Nous souhaitons donc plutôt comme vous l'évoquiez intervenir auprès des médecins conseils, en particulier en ce qui concerne les dermatoses et les lymphomes. Une campagne est en cours de préparation et sera lancée à la rentrée 2019.

Il convient aussi d'accompagner les demandeurs, qui sont environ 100 000 par an et dont le parcours est très complexe.

Sur la constitution des tableaux, je suis en faveur d'une évaluation scientifique rigoureuse, à l'image du rôle que joue la Haute Autorité de santé (HAS) en matière de remboursement des soins par l'assurance maladie.

C'est sur la base d'une telle évaluation technique que les partenaires sociaux doivent être amenés à fixer un niveau de prise en charge. Il me semble qu'il est temps de faire évoluer nos tableaux, qui ne correspondent aujourd'hui pas toujours aux recommandations des autorités scientifiques. Ce processus va commencer au sujet des maladies causées par les pesticides.

Sur les risques psycho-sociaux, nous constatons une progression continue des demandes, qui atteindraient environ 3 000 en 2017. Il faut savoir qu'environ la moitié de ces demandes sont transmises aux CRRMP, contre seulement 8 % pour les autres pathologies. Le taux de 25 % d'incapacité n'est donc pas vraiment bloquant. Le problème résidait davantage dans le fait que l'on attendait une stabilisation de l'incapacité, ce qui n'arrive jamais réellement pour des maladies psychiques. Depuis 2010, une dérogation existe et un taux prévisible est retenu. Depuis cette date, le nombre de demandes augmente de manière continue, elles sont très souvent transmises aux CRRMP et le taux de reconnaissance est de 50 % contre 20 % pour les autres pathologies.

Une partie importante des maladies psychiques est en outre traitée au titre des accidents du travail.

Sur les préconisations du rapport Lecoq, nous partageons le constat de la nécessité d'une réforme et de la clarification du rôle des différents acteurs. Toutefois, ce rapport n'aborde pas la question de la performance des services de santé au travail, qui a été pointée à plusieurs reprises par des rapports de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). Ces services représentent 17 000 personnes, contre 1 500 dans les Carsat.

Nous ne sommes pas convaincus par le modèle d'un acteur unique par région, notamment parce qu'il ne serait pas facile de passer de 250 services de santé au travail à 13 opérateurs régionaux qui manqueraient d'agilité. En outre, le regroupement n'est pas à lui seul le gage d'une meilleure efficacité.

En tant qu'assureurs, nous intervenons auprès des entreprises en ciblant les 3 % des entreprises qui correspondent à 30 % de la sinistralité. Nous nous positionnons dans une logique d'échanges dans un premier temps. L'injonction ne représente que le dernier recours, il ne faudrait pas nous réduire à cela.

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