Intervention de Marine Jeantet

Commission des affaires sociales — Réunion du 31 octobre 2018 à 9h05
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Audition de Mme Marine Jeantet directrice des risques professionnels de la caisse nationale d'assurance maladie

Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie :

Concernant les accidents de trajets, les chiffres restent assez stables. Ce risque est largement dépendant de la politique de prévention routière et des aléas climatiques. Il s'agit d'un risque mutualisé dans le périmètre de notre branche plus pour des raisons historiques que parce que nous le gérons en tant que tel. Dans tous les autres pays européens, il est couvert par les assurances sociales. La question de son maintien dans la branche AT-MP peut donc se poser.

Pour les inscriptions aux tableaux des maladies professionnelles, le programme de travail de la commission spécialisée n° 4 relative aux pathologies professionnelles du conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) est discuté entre l'État et les partenaires sociaux. L'expertise scientifique n'intervient pas dans la définition du périmètre de la reconnaissance des maladies professionnelles. Elle permet de recenser les symptômes, d'identifier les expositions à risques. Une partie d'évaluation médico-économique intervient également, car les critères retenus détermineront la population ciblée, qui pourra être plus ou moins large. Le dialogue ne se fait donc pas chiffres contre chiffres. Des données objectives viennent rationaliser le débat avant qu'un choix politique s'opère dans le cadre d'un dialogue avec les partenaires sociaux.

Sur la proposition d'opérateur régional unique du rapport de Mme Charlotte Lecocq, un travail technique conséquent de recensement de l'immobilier des services de santé au travail et d'harmonisation de la gestion des ressources humaines s'impose, les agences régionales de santé fonctionnant encore avec neuf conventions collectives. On pourra toujours envisager la présence d'antennes locales qui dépendront de l'entité régionale.

Le plus important sera la capacité à mobiliser l'ensemble des acteurs, car des structures de 1 500 à 2 000 personnes pâtissent mécaniquement d'une certaine forme d'inertie. Il s'agit là d'un enjeu majeur de conduite du changement. Un autre sujet concerne aussi les spécialités par secteur, qu'il faudra peut-être conservés, notamment pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) qui dispose de son propre organisme professionnel de prévention (OPPBTP).

Mme Féret évoquait le sujet de la tarification abordé par le rapport de la Cour des comptes. Il faut rappeler que cette tarification est le fruit de l'histoire. La volonté de ce modèle a toujours été de se rapprocher au plus près du risque. Si cette volonté est louable, elle se traduit par une grande complexité de gestion. Nos systèmes d'information sont d'ailleurs assez vieillissants qui vont bientôt faire l'objet d'une révision. Cette complexité engendre de fait une iniquité d'application sur le territoire. Un mouvement de simplification a déjà été engagé puisque nous sommes passés de 600 à 200 codes risques, quand les Allemands sont à 100. Nous partageons donc la plupart des constats formulés par la Cour des comptes, notamment sur la tarification à la section d'établissement, qui résulte de cette volonté de tarifer au plus près du risque en ciblant un groupe de salariés impliqués dans le même type d'activité et qui est d'une complexité folle ! Il faut examiner ce qui est vraiment adapté et opérant et nous allons creuser certains points pour voir ce qu'il reste à faire. Certains de ces sujets sont réglementaires et c'est à l'État d'identifier celles de ces recommandations qu'il souhaite mettre en oeuvre.

La procédure de dossier de maladie professionnelle est en cours de simplification, avec notamment un effort de clarification de l'instruction des dossiers et des délais, grâce à un texte en cours d'examen au Conseil d'État et qui sera publié prochainement. Nous lancerons en parallèle de la publication de ces nouvelles règles une campagne de communication pour informer les assurés de leurs droits. Des documents d'information seront publiés à cette fin quand les textes sortiront. Pour minimiser les risques de contentieux, il faut être attentif à un ensemble de facteurs. La précision et la clarté des critères figurant aux tableaux y contribuent. Des tableaux bien écrits facilitent la constitution des dossiers et évite des différences d'appréciation.

On peut toujours considérer que les crédits alloués à la prévention sont insuffisants, mais il faut au préalable fixer des objectifs précis à proposer aux entreprises en termes de financement avant d'augmenter les cotisations. Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les entreprises elles-mêmes consacrent des moyens importants à la prévention des risques.

Concernant la contestation des diagnostics effectués par les médecins du travail, leur positionnement est toujours difficile, en particulier lorsqu'ils exercent dans des services intra-entreprise. Ces services-là ne seront d'ailleurs pas affectés par la réforme prévue par le rapport Lecocq, ce sur quoi nous pouvons nous interroger. Nous n'avons pas de vision précise sur leur activité car ils ne dépendent pas de nos services. Par définition notre branche est exposée à un fort risque de contentieux car nous faisons toujours grief à quelqu'un, soit à l'assuré, soit à l'employeur.

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