Intervention de Isabelle Raimond-Pavero

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h15
Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel de nagoya-kuala lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au protocole de carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Isabelle Raimond-PaveroIsabelle Raimond-Pavero, rapporteure :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur adopté au Japon, en octobre 2010 et qui est déjà entré en vigueur, en mars 2018.

Cet instrument est un protocole additionnel au protocole de Carthagène sur la prévention des risques biologiques, qui est lui-même un complément à la convention sur la diversité biologique adoptée à Rio en 1992. Il est l'aboutissement de longues années de négociations qui se sont intensifiées après 2004 en réponse au protocole de Carthagène qui invitait à engager « un processus visant à élaborer des règles et procédures internationales appropriées en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages résultant de mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés, les OVM ».

Cet instrument couvre ainsi exclusivement les organismes vivants modifiés ou « OVM », c'est-à-dire une catégorie d'OGM destinés à être introduits directement dans l'environnement et qui sont susceptibles de s'y disséminer et de s'y reproduire comme les semences, les plantes ou boutures, les animaux et les micro-organismes.

À titre liminaire, quelques éléments de contexte. Dans le monde, les OVM les plus cultivés sont le soja (50 % des surfaces), le maïs (31%), le coton (13%) et le colza (5%). Ils présentent soit des caractères de tolérance aux herbicides, soit des caractères de résistance aux ravageurs, soit une combinaison des deux. En 2017, environ 200 millions d'hectares d'OVM ont été cultivés dans le monde par 24 pays. Les gros producteurs d'OVM sont les Etats-Unis, le Brésil, l'Argentine et le Canada. Dans l'Union européenne, l'Espagne, et, dans une moindre mesure, le Portugal, cultivent le seul OVM autorisé par l'Union européenne, le maïs.

Quels sont les risques liés à ces OVM ? Les lignes directrices du protocole de Carthagène en identifient deux grandes catégories : les premiers liés à la dissémination des gènes modifiés avec des impacts possibles notamment sur les organismes non ciblés et sur l'écosystème ; les seconds qui sont des risques associés à des pratiques agricoles impactant l'environnement. Par exemple, la tolérance de la plante à un herbicide peut favoriser l'utilisation répétée d'un même herbicide ainsi que la monoculture et donc une perte de la biodiversité cultivée.

La France ne compte pas parmi les pays producteurs d'OVM, aucune culture d'OVM n'y étant autorisée. Toutefois, elle importe environ quatre millions de tonnes de plantes transgéniques par an, notamment du soja, du maïs, destinés à l'alimentation animale et des grains de colza pour la transformation. La France est donc peu exposée aux dommages visés par le protocole. Sur notre territoire, les dommages ne pourraient être liés qu'à des transports de graines génétiquement modifiées destinées à nourrir le bétail après transformation ou qu'à la contamination fortuite ou frauduleuse de lots de semences importés.

Fruit d'un compromis difficile entre les pays producteurs d'OVM et les autres, ce protocole a finalement adopté, en matière de responsabilité et de réparation des dommages résultant des mouvements transfrontières d'OVM, une approche administrative contraignante assortie d'un mécanisme de responsabilité civile laissé à la subsidiarité des parties.

En cas de dommage avéré ou même de probabilité de survenance de dommage, les Etats parties doivent exiger des opérateurs, selon le principe du pollueur-payeur, qu'ils informent l'autorité compétente - en France, le préfet du département dans lequel le dommage s'est produit - puis qu'ils évaluent le dommage et enfin qu'ils prennent des mesures d'intervention appropriées pour restaurer la diversité biologique. L'autorité compétente a l'obligation d'établir le lien de causalité entre l'activité et le dommage. Elle peut également prendre les mesures d'intervention appropriées, en particulier si l'opérateur s'en abstient, et recouvrer les coûts auprès de ce dernier.

À titre subsidiaire, les Etats parties sont également autorisés à appliquer leur droit interne et les procédures existantes en matière de responsabilité civile ou à élaborer des règles spécifiques ou combiner les deux. En France, on appliquera les règles de responsabilité civile existantes, d'autant qu'un nouveau cas d'ouverture pour la réparation du préjudice écologique a été introduit par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Le droit français est conforme aux stipulations du présent protocole, qui a par ailleurs été approuvé par l'Union européenne en mars 2013. Les exigences du protocole sont satisfaites par la directive de 2004 sur la responsabilité environnementale et par sa transposition en droit français dans le code de l'environnement. La ratification de cet instrument n'aura donc pas de conséquences économiques, financières, ni même environnementales.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Ce protocole additionnel représente une avancée au plan international dans la prévention des risques biotechnologiques, même si sa portée est affaiblie par le fait que de grands pays exportateurs d'OVM tels que les États-Unis, le Canada et l'Argentine n'en font pas partie. Cependant, sa ratification soutiendra la démarche proactive de la France en faveur de la biodiversité lors des prochaines échéances internationales.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 8 novembre 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris, car cela accélèrera le processus.

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