Intervention de Jacqueline Gourault

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 31 octobre 2018 à 8h30
Proposition de loi portant création d'une agence nationale de la cohésion des territoires — Proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'agence nationale de la cohésion des territoires - projet de loi de finances pour 2019 - Audition de Mme Jacqueline Gourault ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de me retrouver parmi vous, à la tête de ce nouveau grand ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le changement de périmètre et le rassemblement de deux ministères répondent, je le crois, à l'attente des élus. Le gouvernement a ainsi clairement affirmé sa volonté de placer les territoires au coeur de toutes ses politiques publiques. Je me réjouis d'être devant vous pour expliquer l'action que nous mènerons dans ce ministère, de concert avec Sébastien Lecornu et Julien Denormandie. Nous aurons en outre l'occasion de nous revoir dans cette assemblée qui émane des collectivités territoriales.

La proposition de loi portant création d'une Agence nationale de cohésion des territoires est une proposition de loi du groupe RDSE. Nous avons déjà entamé les travaux avec le rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ.

Vous m'interrogez sur l'utilité de cette agence. En juillet 2017, le président de la République a annoncé la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires pour répondre à la demande des élus locaux, portée en particulier par François Baroin. Il avait demandé clairement qu'il y ait un outil au service des territoires, notamment pour les territoires les plus défavorisés. Depuis cette date, deux initiatives ont été prises, l'une parlementaire, l'autre gouvernementale. Cela démontre la volonté commune de concrétiser cette annonce. La proposition de loi dont il est question ici est un troisième vecteur législatif et le gouvernement entend y apporter son soutien. Bien sûr toute proposition de loi est perfectible. Nous avons également pouvoir prendre en compte l'avis du Conseil d'État qui a été saisi par le Président du Sénat : il nous a donné un certain nombre de recommandations.

Comme il s'agit d'un texte technique, je souhaitais au préalable vous éclairer sur la philosophie du gouvernement. Je répondrai également à vos questions sur la gouvernance, le périmètre, etc. La décentralisation a profondément redessiné le périmètre des compétences dévolues à l'État et aux collectivités en matière de politiques publiques. Elle a imposé à l'État de repenser son action qui était auparavant essentiellement prescriptive pour passer à une démarche de facilitateur pour les collectivités territoriales. Nous avons évoqué cette question il y a deux jours, dans le cadre d'« Action publique 2022 », et notamment la nécessité - et je sais que le président Maurey y est très attaché - de « toiletter le système » pour éviter les doublons entre l'organisation de l'État et celle des collectivités territoriales.

Comme vous le savez, je me déplace souvent et je rencontre de nombreux élus locaux, pleins d'énergie, d'idées et de solutions. Je sais tout l'attachement des élus à leur territoire, qu'ils veulent développer. C'est évident et normal de croire au potentiel de son territoire. Toutefois, ils ont parfois du mal à concrétiser ces projets en raison d'manque d'ingénierie. Je connais suffisamment les territoires pour savoir que certaines collectivités ont mis en place des structures - certains départements, des intercommunalités - qui répondent à ce manque d'ingénierie des communes. Toutefois, cela n'est pas une généralité. L'Agence nationale de cohésion des territoires permettra de combler les vides et apportera une aide concrète aux élus, en particulier dans les territoires les plus fragiles. Je souhaite faire un point sémantique, car on utilise aujourd'hui beaucoup ce mot de territoire. D'ailleurs, j'ai été très surprise, lors d'une rencontre à laquelle j'ai assisté entre l'association des maires ruraux de France et le Premier ministre, d'entendre celle-ci regretter que l'agence ne soit pas orientée vers les communes. Je souhaite tordre immédiatement le cou à cette idée. L'Agence nationale de cohésion des territoires sera destinée à apporter son soutien et son appui y compris aux communes. Évidemment, toutes les communes font aujourd'hui partie d'intercommunalités, et donc les réflexions se font sur un périmètre plus large.

L'aide de l'État apportée aux territoires est évidemment financière - et je reviendrai sur les crédits concernant la cohésion des territoires. L'aide financière ne se limite pas à cette mission budgétaire, puisqu'il y a également la mission « relations avec les collectivités territoriales » qui comporte la DGF. Il faut également intégrer le financement d'investissements. Mais au-delà de ces aspects financiers, se trouvent surtout les capacités techniques d'ingénierie pour concrétiser les projets. On entend souvent les élus dire qu'ils manquent de capacités techniques et d'ingénierie. L'agence pourra ainsi mobiliser les ressources dont disposent l'État et ses opérateurs, au profit de ceux qui portent localement des projets. Je vais illustrer mes propos par un exemple concret : la couverture mobile et numérique. Vous le savez, il existe encore un nombre important de zones blanches, à la fois en téléphonie mobile et pour l'accès à internet. L'État a investi près de 3,3 milliards d'euros pour les réseaux internet fixe et plus de 3 milliards d'euros sur la téléphonie mobile. Le gouvernement est particulièrement mobilisé pour accélérer l'arrivée d'internet à très haut débit. Dans cette politique publique, nous travaillons en partenariat total avec les collectivités territoriales. Ce sont par exemple les collectivités territoriales qui choisissent les sites dans lesquels les pylônes seront installés en priorité. C'est cette méthode que nous souhaitons déployer dans tous les domaines à travers l'agence. Il s'agit de mobiliser davantage les moyens de l'État et de ses opérateurs en partant des besoins des territoires et en travaillant main dans la main avec les collectivités territoriales.

Il s'agit bien sûr d'une approche nouvelle, pragmatique, à partir des besoins du terrain, pour construire des réponses adaptées. Cela se traduit par une aide sur mesure - il ne s'agit pas de proposer un kit qui devrait s'appliquer partout, mais au contraire une boite à outils, s'adaptant aux différents territoires.

Nous avons souhaité qu'il y ait pour les élus locaux un point de contact unique - j'ai beaucoup insisté sur ce point dans mes anciennes fonctions, lorsque j'étais ministre auprès du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.

Le délégué territorial de l'agence sera le préfet. Cela répond à une volonté importante de simplification, pour ne pas créer un nouveau « machin » ce que les élus d'ailleurs ne veulent pas et m'ont dit de manière explicite.

En ce qui concerne le périmètre de l'agence, s'il est essentiel, à court terme, de ne pas entraver son fonctionnement par des débats complexes, le gouvernement ne pourra pas être favorable à des amendements qui réduiraient son périmètre tel qu'il est prévu par le texte.

En ce qui concerne la mission budgétaire « Cohésion des territoires », il s'agit de l'une des deux missions dont dispose mon ministère dans la conduite de ses politiques publiques à destination des territoires. Elles mobilisent conjointement 84 milliards d'euros en 2019 dont 48 milliards d'euros pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et 36 milliards d'euros pour la mission « Cohésion des territoires ».

Le budget dédié à la coordination de la politique d'aménagement du territoire est porté par le programme 112, au sein de la mission « Cohésion des territoires ». En 2019, le projet de loi de finances prévoit 201,7 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une progression de 3,8 % par rapport à 2018, et 243,1 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 4 % par rapport à l'année dernière. En matière d'aménagement du territoire, l'État doit accompagner davantage les projets des collectivités territoriales pleinement compétentes dans ce domaine. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités territoriales, avec trois principes : la subsidiarité, la modularité et la déconcentration.

La subsidiarité signifie que l'État doit conduire une action pertinente là où doit s'exprimer la solidarité nationale - par exemple dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, ou encore en Creuse. La modularité est essentielle car l'intervention de l'État, pour être efficiente, doit s'adapter aux spécificités et aux enjeux de chaque territoire. Ce ne sont pas les mêmes moyens, ni les mêmes recettes que l'on applique sur tout le territoire. Enfin, la déconcentration est également fondamentale car c'est au plus près du terrain que ce soutien de l'État peut s'exprimer.

Le programme 112 porte plusieurs dispositifs qui vont permettre en 2019 de garantir la poursuite des politiques partenariales d'aménagement et de cohésion des territoires. Je pense tout d'abord au plan « action coeur de ville », qui vise à répondre au constat de la perte d'attractivité d'un grand nombre de centres-villes, de petites et moyennes villes. Ces territoires qui se sentent délaissés et qui se dévitalisent nécessitent une action spécifique. Mon prédécesseur a mis en place cette « action coeur de ville » qui a pour objectif de redynamiser, d'offrir aux habitants des villes moyennes des conditions de vie plus performantes. C'est notre mission d'aménagement du territoire. Elle vise aussi une approche intercommunale pour favoriser le maintien ou l'implantation d'activités en coeur de ville, et améliorer les conditions de vie. 222 villes moyennes ont été définies comme « pôles d'attractivité ». C'est un programme ambitieux, de plus de 5 milliards d'euros, en lien avec trois partenaires : la Caisse des dépôts et consignations, Action Logement et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Je suppose qu'un certain nombre d'entre vous ont eu, dans leur département, des villes choisies dans le cadre de ce programme.

Le deuxième volet d'action concerne le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), doté de crédits en hausse en 2019. Il constitue un levier de financement important des partenariats avec les collectivités. Le projet de loi de finances prévoit 166 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 13 millions d'euros en plus que l'année dernière, et 161 millions d'euros en crédits de paiement, soit 14 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2018. Les crédits alloués aux contrats de plan État-régions (CPER) progressent en 2019, notamment pour financer l'intégration de contrats spécifiques : 129,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 113 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui constitue aussi une augmentation, respectivement de 8 et 11 millions d'euros. C'est un outil de dialogue au niveau régional entre l'État et les collectivités territoriales. Le volet territorial de ces CPER, financé par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, permet le soutien de nombreux projets et notamment les centres bourgs, mais aussi la rénovation des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou l'accompagnement des territoires à forts enjeux. En 2019, l'accent sera mis notamment sur les territoires dont les enjeux ont été confirmés par des contrats particuliers : le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, le Calaisis ou encore Châlons-en-Champagne, qui permettront de renforcer ces territoires. Par ailleurs, 9 nouveaux contrats de convergence en outre-mer vont voir le jour.

Enfin, ces crédits vont permettre de poursuivre le développement des maisons de services au public. 15,7 millions d'euros sont programmés en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 57 % par rapport à 2018. Ces maisons ont connu un franc succès avec 1 350 créations. Je n'oublie pas que nous le devons aussi à notre partenaire La Poste.

Nous devons avancer sur la question de l'inclusion numérique pour permettre à tous nos concitoyens la maîtrise des nouveaux usages. Je suis allée la semaine dernière en Ardèche et j'ai pu voir concrètement, dans un département moteur sur le numérique, des exemples de nouveaux usages du numérique. Ainsi, des systèmes de télémédecine ont été mis en place entre l'hôpital et des maisons de retraite.

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