Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de Ladislas Poniatowski sur le projet de loi d'habilitation que notre commission spéciale est chargée d'examiner. Je me réjouis de la présence de nombreux collègues, qui dénote de l'importance du sujet.
Je tiens à remercier très sincèrement le rapporteur du travail qu'il a accompli dans le délai très court qui nous était imparti, ainsi que l'ensemble des membres de la commission qui se sont mobilisés sur la question.
Comme je l'ai fait valoir à Mme Loiseau lors de son audition, le Brexit nous met dans une situation paradoxale : après plus de quarante ans d'imbrications et de convergence, il nous faut travailler à la désimbrication et apprendre à gérer la divergence avec le moins de dégâts possible. Cette faute géostratégique majeure est imputable aux seuls Britanniques et a provoqué une onde de choc, avec la question de la frontière entre l'Ulster et la République d'Irlande.
Nous devons par ailleurs faire face à la forte incertitude qui pèse sur l'issue des négociations d'un accord de retrait. L'audition de l'ambassadeur du Royaume-Uni a montré que la situation reste, à ce stade, encore très figée. Au-delà de l'affirmation de la volonté de trouver un accord et du constat positif sur un très grand nombre de points en discussion, on voit que la question irlandaise demeure encore le noeud gordien de la négociation.
Je retiens aussi des propos de l'ambassadeur le message positif et rassurant sur la situation des Français et autres citoyens européens installés au Royaume-Uni, et l'inquiétude perceptible des ressortissants britanniques installés en France.
Il nous faut de toute façon nous préparer à toutes les hypothèses, y compris celle de l'absence d'un accord sur les modalités de retrait. C'est ce qu'entend faire le Gouvernement à travers le projet de loi d'habilitation qu'il a soumis au Sénat. Soulignons que les mesures à prendre ne sont pas seulement d'ordre législatif. Nombre d'entre elles relèveront de l'Union européenne ou seront d'ordre réglementaire.
Parallèlement, tout un travail de préparation doit être conduit par les acteurs publics ou privés concernés. L'audition de M. Darmanin nous a plutôt rassurés : l'administration douanière française a anticipé les difficultés. Le message a en tout cas été clairement passé aux ministres lors de leurs auditions. Nous le renouvellerons en séance publique.
Pour ce qui est du volet législatif, le rôle de notre commission spéciale est de veiller à ce que l'habilitation que le Gouvernement sollicite du Parlement soit précise, comme l'exige l'article 38 de la Constitution. Pour l'instant, le Gouvernement n'est pas exactement sur notre ligne.
L'incertitude qui plane sur l'issue des discussions avec le Royaume-Uni justifie un besoin de flexibilité. Le contenu des ordonnances sera par ailleurs subordonné à la réciprocité des mesures prises par le Royaume-Uni. Il sera aussi conditionné par les mesures adoptées dans le même sens par les autres États membres ; la France devra, en effet, rechercher une harmonisation avec les grands États membres, en particulier l'Allemagne.
C'est donc ce difficile équilibre entre précision et flexibilité que nous devons rechercher au travers du rapport et des amendements que nous allons examiner.