Intervention de Bruno Le Maire

Commission des affaires économiques — Réunion du 30 octobre 2018 à 17h55
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des finances :

Je suis très heureux d'être parmi vous pour cette présentation du projet de loi de finances pour 2019. Je répondrai à toutes vos questions sur la politique économique du Gouvernement et sur les sujets d'actualité, notamment dans le domaine industriel.

Je voudrais rappeler les grandes orientations économiques qui sous-tendent les choix du Gouvernement et du Président de la République, que je revendique et qui n'ont de sens que dans la durée et la constance.

Notre première orientation est le rétablissement de nos finances publiques. Nous avons pris des mesures qui mèneront, d'ici la fin du quinquennat, à une baisse de cinq points de la dette publique, de trois points de dépense publique par rapport à la richesse nationale et d'un point de prélèvements obligatoires. C'est l'engagement du Président de la République devant les Français, dont je suis le garant en tant que ministre des finances.

Ces choix-là ont déjà sorti la France de la procédure européenne pour déficit public excessif, pour la première fois depuis dix ans, et ont inversé la tendance. Je rappelle qu'en dix ans, le niveau de dette publique est passé de 64 % à 98 %, le niveau de dépenses publiques de 51 % à 55 % et le niveau de prélèvements obligatoires a été dans le même sens. On peut discuter de la rapidité du rétablissement de nos finances publiques, mais on ne peut pas nier que ce Gouvernement inverse la tendance.

Notre deuxième orientation, vitale, est de retrouver la prospérité pour tous les Français sur tout le territoire ; non pas par toujours plus de dépenses publiques, donc toujours plus de dettes et d'impôts, mais par une amélioration de la compétitivité de nos entreprises pour qu'elles puissent créer plus de richesses, investir et in fine créer des emplois. Ce renversement stratégique demande du temps et du courage - nous avons par exemple renoncé aux emplois aidés au profit des emplois dans le secteur marchand - et suppose de faire le pari de l'innovation. C'est la seule voie de rétablissement de l'économie française, pour qu'elle continue à jouer les premiers rôles.

La croissance française, qui a été de 0,4 % au troisième trimestre contre 0,2 % en moyenne dans la zone euro, nous permettra de tenir nos engagements. Même si elle est aujourd'hui solide, elle peut s'améliorer si nous gardons cette stratégie de compétitivité, d'innovation et d'investissement. Cette dernière nous amène effectivement à réduire un certain nombre d'aides publiques, telles que celles versées aux CCI. Je considère qu'il n'y a pas de raison de les financer globalement par une taxe affectée. Ce peut être le cas pour une partie de leurs activités, par exemple celles qui portent sur les centres de formation des apprentis ou certaines écoles de commerce, mais pour le reste, constatez l'empilement de mesures : les régions et les CCI apportent parfois les mêmes aides aux entreprises et le contribuable paie deux fois. Il faut avoir le courage de réinventer les CCI et leur mode de financement. Nous veillerons toutefois à ce que les plus fragiles, notamment dans les zones rurales, soient préservés de cette baisse de crédits.

Notre troisième orientation est l'innovation. La rapidité des transformations technologiques sur la planète est plus forte que tout ce que l'on imagine. Si la France n'investit pas massivement dans l'innovation, elle perdra sa souveraineté technologique. Pour ce faire, nous devons utiliser tous les leviers à notre disposition. Nous avons donc modifié la fiscalité sur le capital afin de dégager des moyens pour investir dans l'innovation. Nous utilisons aussi l'instrument de la cession d'actifs de l'État dans un certain nombre d'entreprises publiques pour financer un fonds pour l'innovation de rupture. En effet, les entreprises ne financent pas ce type d'innovation, car il n'est pas rentable immédiatement. Pour vous donner un exemple à l'étranger : les travaux sur le lanceur spatial renouvelable aux États-Unis, financés largement par l'État américain, permettent aujourd'hui aux lanceurs spatiaux américains privés d'être plus rentables que les lanceurs européens. Il faut faire de même en matière de stockage d'énergie et d'intelligence artificielle.

En matière d'innovation - et le rapport de France Industrie est sans appel - il est indispensable d'investir non seulement dans la pensée mais aussi dans la fabrication et la validation des produits. C'est le sens de notre mesure sur le suramortissement sur la robotisation et sur la digitalisation.

Enfin, face aux concurrents chinois et américains, soit nous rassemblons les forces européennes, soit nous disparaîtrons. À ce sujet, nous pourrons aborder notre stratégie sur le stockage des énergies renouvelables.

Autre grande orientation, la restructuration de l'action publique. Qu'il s'agisse de l'administration centrale, de la direction générale des entreprises (DGE) ou de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous avons fait des choix pour réorienter les missions de l'État vers ce qui est absolument prioritaire. Nous pourrons ainsi réduire le nombre d'emplois équivalent temps plein dans les années qui viennent, sans modifier la qualité du service rendu aux Français.

Il ne peut pas y avoir de croissance durable sans restauration de nos finances publiques. Le choix de la croissance durable passe aussi par un investissement massif dans l'innovation, pour pouvoir conjuguer compétitivité de nos entreprises et respect de l'environnement, profitabilité de nos PME et lutte contre le réchauffement climatique. Cette direction, que nous avons prise avec le Premier ministre et le Président de la République, a pour but d'opérer une mutation de la France d'une économie carbonée largement financée par la dépense publique à une économie décarbonée respectueuse de l'environnement, dont la profitabilité ne dépend pas du niveau des impôts mais de la compétitivité des entreprises.

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