Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Autorité européenne des marchés financiers relatif au siège de l'Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.
La crise financière de 2007-2008 a mis en lumière les lacunes du système européen de surveillance financière. Pour pallier ces dysfonctionnements, la Commission européenne a chargé un « groupe de haut niveau », présidé par le Français Jacques de Larosière, de formuler des recommandations. Sur la base de son rapport, la Commission a émis plusieurs propositions visant à mieux protéger les citoyens, à rétablir la confiance en notre système financier et à prévenir toute accumulation de risques susceptible de menacer sa stabilité.
En septembre 2010, le Parlement européen a adopté ces propositions, dont l'une d'elles consistait en la réforme du cadre de supervision financière existant. C'est ainsi qu'ont été institués, à compter du 1er janvier 2011, le Comité européen du risque systémique ainsi que trois autorités européennes de surveillance, à savoir :
- pour le domaine assurantiel, l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, qui siège à Francfort ;
- pour le domaine bancaire, l'Autorité bancaire européenne, dont le siège est actuellement à Londres ;
- et pour le domaine des marchés financiers, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), située à Paris.
Cette dernière - plus connue sous son acronyme anglais ESMA (pour European Securities and Markets Authority) - poursuit trois objectifs : protéger les investisseurs, garantir le bon fonctionnement des marchés et assurer la stabilité financière. À cet égard, l'AEMF est chargée :
- d'évaluer les risques pour les investisseurs, les marchés et la stabilité financière ;
- d'établir un cadre réglementaire uniforme pour les marchés financiers de l'Union européenne ;
- d'encourager l'harmonisation des pratiques de surveillance au sein des États membres ;
- et de surveiller directement les organismes financiers spécifiques tels que les agences de notation de crédit.
Les autorités de régulation nationales - comme l'Autorité des marchés financiers (AMF) s'agissant de la France - participent aux prises de décisions politiques de l'AEMF, aux côtés notamment des deux autres autorités européennes de surveillance.
L'installation du siège de l'AEMF à Paris contribue au rayonnement de la place financière parisienne qui, en conséquence du Brexit, accueillera également l'Autorité bancaire européenne dans les tout prochains mois. Ce rapprochement géographique des deux autorités favorisera leur collaboration, essentielle à la supervision de l'activité des marchés et des entreprises d'investissement.
En outre, quelle que soit l'issue des négociations sur l'accord de sortie de l'Union, le Royaume-Uni perdra vraisemblablement le bénéfice du passeport financier européen, ce qui marquerait, pour les entreprises de la City, la fin de l'accès au marché intérieur pour la vente de leurs produits et services. Par conséquent, les sociétés financières (banques, assurances, gérants d'actifs) ayant leur siège européen à Londres seraient contraintes de délocaliser des milliers de salariés au sein de l'Union européenne ; certaines d'entre elles n'ont d'ailleurs pas attendu le 30 mars 2019 pour déménager leurs bureaux dans notre capitale, renforçant ainsi la visibilité de la place de Paris.
J'en viens à présent aux stipulations de l'accord. Ils sont conformes aux dispositions du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; ces dispositions n'appellent aucune modification du droit interne français.
Le présent accord, de facture classique, est comparable aux accords de même nature récemment conclus par la France. Il permettra d'assurer le bon fonctionnement de l'AEMF sur le sol français ainsi que son indépendance.
L'accord prévoit les privilèges diplomatiques habituels tels que l'inviolabilité des locaux de l'Autorité, de ses archives et de ses communications. Il est important de souligner à cet égard que la France ne participe pas directement au financement de l'AEMF et n'a pas pris d'engagement quant aux coûts liés à l'installation de son siège. La location des bureaux de l'Autorité, situés rue de Grenelle dans le VIIème arrondissement, est donc supportée par son propre budget.
L'immunité de juridiction est accordée aux membres du personnel, pour lesquels l'entrée sur le territoire français est facilitée. Il est toutefois précisé que cette immunité leur est conférée ès qualités.
Sur le plan fiscal, l'Autorité est exonérée d'impôts directs et indirects et de droits de douane sur les biens destinés à son usage officiel. Enfin, les membres du personnel bénéficient, quant à eux, d'une exemption d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, à l'instar des fonctionnaires de l'Union européenne.
Il convient de souligner qu'en vertu du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, plusieurs de ces dispositions s'appliquent déjà et ce, depuis la création de l'Autorité. La France a malgré tout un intérêt majeur à le ratifier : celui d'afficher notre volonté et notre capacité d'accueillir des institutions internationales sur notre territoire, en leur offrant les meilleures conditions possibles. Cela favorisera l'attractivité de la place financière de Paris, dont les retombées en termes d'emplois, de recettes pour l'État mais aussi d'image sont relativement importantes.
En conséquence, pour l'ensemble des raisons que je viens d'évoquer, je préconise l'adoption de ce projet de loi.
L'AEMF n'a pas encore notifié l'achèvement de ses procédures internes requises pour l'entrée en vigueur du présent accord. Pour ce qui concerne la partie française, l'adoption du texte par le Sénat constituerait la première étape du processus de ratification.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 8 novembre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.