Intervention de Rémy Rioux

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 octobre 2018 à 9h15
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Rémy Rioux directeur de l'agence française de développement

Rémy Rioux, directeur général de l'agence française de développement (AFD) :

La Turquie figure parmi les huit premiers pays bénéficiaires de crédits de l'AFD d'origine européenne. Elle ne figure pas dans la liste de nos pays prioritaires ; c'est une coquille dans le tableau.

L'AFD intervient également dans l'ensemble des territoires ultramarins. Notre stratégie pour l'Outremer a évolué : nous y promouvons désormais le développement durable et l'intégration régionale en travaillant avec les États voisins, comme les Comores et Mayotte, Haïti et la Guyane.

Nous nous transformons en plateforme de la politique de développement. Outre le portage politique de l'exécutif, l'examen de la future loi d'orientation et de programmation pour le développement permettra de fixer les orientations et la trajectoire de l'Agence.

Le monde est divisé en deux groupes de pays : ceux qui ont un indice de développement très faible mais qui dégradent très peu l'environnement et ceux qui présentent, à l'inverse, un indice de développement très élevé avec une trajectoire environnementale insoutenable. Tous les États doivent atteindre un indice de développement humain élevé avec une empreinte écologique soutenable.

Il ne faut pas que les pays les plus pauvres nous rattrapent en termes de mode de développement, au risque d'être dans une situation globale catastrophique. Ils peuvent d'ailleurs nous inspirer, en matière de technologie frugale, pour que nous assurions notre propre transition en faveur du développement durable dont les objectifs sont notre guide depuis 2015.

L'AFD divise désormais le monde en quatre régions : la première région concerne l'ensemble de l'Afrique, confrontée à des problèmes de dimension continentale. Une seconde région « Orient » part des Balkans et inclut la Chine. Outre l'Amérique du Sud et centrale, une quatrième zone comprend les trois océans où sont implantés les territoires ultramarins et leurs voisins.

Parmi les cinq engagements de notre plan stratégique, deux vous concernent directement : le développement en 3-D dans les territoires en crise, avec les diplomates et les militaires pour mobiliser les instruments pertinents, comme au Sahel, dans le cadre de l'initiative Minka, avec le soutien de l'Alliance Sahel. La priorité est également accordée aux acteurs non souverains, comme la société civile, les collectivités locales, les établissements financiers, lorsque certains gouvernements se trouvent dans l'incapacité de recourir aux prêts. Il s'agit ainsi de toucher plus directement la population.

L'AFD est un groupe avec deux filiales : aux côtés de l'AFD, qui est la maison-mère qui s'adresse aux clients publics, se trouve, d'une part, la société Proparco, qui est devenue le point d'entrée unique du secteur privé et, d'autre part, Expertise France, que le Gouvernement a décidé d'intégrer au sein du groupe AFD en février dernier. Il faudra sans doute attendre la prochaine loi d'orientation pour que cette intégration soit menée à son terme. Une telle perspective conduit à mettre de l'expertise dans nos services financiers et à améliorer l'ensemble de notre offre, tout en respectant le métier et l'identité juridique d'Expertise France. Que l'AFD soit devenue une plateforme indique sa capacité accrue de mobilisation des acteurs français et européens, ainsi que l'extension de sa présence dans le monde, au moment où l'influence des Britanniques, auparavant premiers opérateurs de développement, tend à décroître. Il y a donc une place à prendre pour l'AFD.

Dans cette perspective, je préside l'International Development Finance Club (IDFC), qui rassemble les 24 plus grandes banques de développement du monde. Ce cadre permet, depuis sept ans, de réaliser conjointement des projets. Avec 850 milliards de dollars de capacité financière, dont 200 sont orientés vers le climat, cette instance représente un levier d'influence pour la France qui permet également d'orienter les marchés vers le développement durable.

Enfin, je reviendrai sur la responsabilité qui pèse sur notre agence, qui bénéficie d'un budget exceptionnel. Notre redevabilité doit nécessairement s'en trouver accrue. C'est pourquoi notre dispositif d'évaluation comprend désormais trois niveaux : le premier, impliquant des évaluateurs externes, concerne les projets conduits par les agences. Nous allons d'ailleurs travailler à la systématisation de ces évaluations. Le second niveau, qui comprend des évaluations plus approfondies, concerne un ensemble de programmes dans la durée, comme l'aide au développement de la France au Vietnam. Nous y associons des cabinets de conseil. Enfin, l'AFD conduit des évaluations scientifiques d'impact, conduits avec des centres de recherche comme l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ou le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), comme au Congo, où les critères de biodiversité et de développement durable sont pris en compte.

Des évaluations plus partenariales, comme avec la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KFW), et, au sein du réseau IDFC, entre organismes bancaires, constituent autant de facteurs de progrès. Nous allons changer ainsi nos méthodes. Il nous faut augmenter le nombre de nos évaluations. Je m'engage devant vous à les rendre publiques dans leur totalité. Ainsi, au printemps prochain, nous publierons l'ensemble de nos évaluations dans un rapport public, afin d'en tirer les leçons, avec un focus sur la biodiversité. Cette publication pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une audition. L'AFD est favorable à inclure des expertises extérieures dans ses évaluations, comme celle des parlementaires, à l'instar de la contribution de M. le sénateur Yvon Collin sur l'évaluation de l'action de l'AFD au Vietnam. Ces engagements ne manqueront pas de se matérialiser, à un moment ou un autre, au niveau législatif, à l'occasion des débats sur la loi d'orientation.

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