Intervention de Jean Bizet

Réunion du 30 octobre 2018 à 14h30
La crise migratoire : quelle gestion européenne — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les flux migratoires vers l’Europe sont sensiblement moins importants qu’il y a trois ans, même si la vigilance s’impose sur la route de la Méditerranée occidentale, les arrivées en mer par l’Espagne ayant nettement augmenté au cours des derniers mois.

Pour autant, jamais les États membres n’ont paru aussi divisés sur la façon d’y faire face. Les États les plus solides sont eux-mêmes confrontés à des tensions politiques internes, on le voit en Allemagne. La crise migratoire, latente, qui avait déjà failli emporter Schengen à la fin de l’année 2015 s’est amplifiée avec l’affaire de l’Aquarius. La réforme du règlement Dublin est bloquée, le Conseil européen ne parvenant pas à trouver un accord s’agissant de l’équilibre entre solidarité et responsabilité.

Pourtant, seule une action coordonnée à l’échelon de l’Union européenne peut apporter une réponse globale à la crise migratoire, par nature transfrontalière. Dans la mesure où ses motivations poursuivent généralement des objectifs de politique intérieure à très court terme, toute option exclusivement nationale est vouée à l’échec.

Depuis le pic de la crise, nous avons indéniablement progressé, mais l’Union européenne a trop souvent réagi dans l’urgence. Une vision d’ensemble lui a manqué.

Le Conseil européen du 28 juin dernier, pour surmonter les divisions européennes, s’est entendu sur deux concepts : celui des « plateformes régionales de débarquement » et celui des « centres contrôlés », envisagés comme des instruments complémentaires de la solidarité européenne, à la fois entre les États membres et à l’égard des migrants.

L’indispensable respect du droit international dans leur mise en place ne saurait s’affranchir d’une distinction entre les réfugiés et les migrants motivés par des considérations économiques. Ces derniers se trouvent généralement en situation irrégulière. Ils doivent donc être reconduits dans leur pays. Telle est la position que la commission des affaires européennes a exprimée récemment, en adoptant une proposition de résolution européenne sur les réformes de l’espace Schengen qu’il convient de poursuivre.

Les conclusions du Conseil européen du 18 octobre dernier ne faisant mention ni des plateformes de débarquement ni des centres contrôlés, je m’interroge, monsieur le ministre, sur le devenir de ceux-ci. Il est vrai que les candidats ne sont pas nombreux, au sud de la Méditerranée, pour les accueillir… Par ailleurs, notre commission a considéré avec intérêt l’orientation des travaux de la Commission européenne, laquelle, dans le cadre de ses dernières propositions, cherche à établir un lien entre le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, notamment via FRONTEX, et les politiques d’asile, d’immigration et d’intégration.

Ces questions doivent faire l’objet d’une approche intégrée. À cet égard, je me réjouis de l’annonce de la création d’une task force conjointe auprès du Centre européen pour la lutte contre le trafic de migrants mise en place au sein d’Europol. Les activités de cette agence font du reste l’objet d’un contrôle politique, auquel notre commission contribue activement au sein du groupe de contrôle parlementaire conjoint. Nous y sommes en effet représentés par nos collègues Jacques Bigot et Sophie Joissains.

Par ailleurs, l’Union européenne ne réussira pas à répondre durablement à la crise migratoire sans contribuer de façon plus ambitieuse au développement du continent africain. Le dialogue et la coopération avec les pays d’origine et de transit des migrants doivent constituer un volet fondamental de la réponse européenne. À cet égard, je ne saurais trop appuyer les propos de M. le président Christian Cambon, qui a mentionné le taux d’exécution européen des mesures d’éloignement, lequel s’établit à 36 %, ce qui est tout à fait insuffisant, et le taux d’exécution français, de 14 %, ce qui est extrêmement faible.

Enfin, la politique de partenariat avec certains pays a commencé à se mettre en place après le sommet de La Valette, en 2015. Elle s’est traduite par un partenariat global entre l’Union européenne et l’Afrique et par le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique. Une telle réponse, qui vise forcément le long terme, doit être amplifiée. À cet égard, quels sont, monsieur le ministre, les objectifs que l’on peut raisonnablement fixer au sommet prévu entre l’Union européenne et la Ligue arabe, qui sera organisé par l’Égypte en février prochain ?

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