Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 octobre 2018 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition du général philippe lavigne chef d'état-major de l'armée de l'air

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, co-rapporteur du programme 144 :

On voit monter en puissance la thématique de l'espace comme nouveau terrain de conflictualité entre les Etats. Selon vous, le spatial bénéficiera-t-il de l'augmentation progressive des crédits d'études amont ?

Que pensez-vous des capacités annoncées du bombardier stratégique furtif chinois. Est-ce crédible ? Quelles conséquences devons-nous en tirer pour nos futurs équipements?

Thalès développe un outil expérimental de maintenance prédictive. Les systèmes de ce type constitueront-ils une révolution en matière de MCO ? La maintenance sera-t-elle plus aisée et moins coûteuse ?

Général Philippe Lavigne.- Sur la coopération franco-allemande, je vais ce soir à Berlin prendre contact avec mon homologue pour la première fois. Nous avons prévu en 2019 de nombreuses coopérations. 2019 sera l'année de mise en place de l'escadron de transport franco-allemand sur C130. Nous recevrons les deux derniers C130 J qui nous permettront de ravitailler en vol. Nous avons déjà fait des essais de ravitaillement du Caracal sur C130 J. Nous travaillons également dans le cadre de l'initiative européenne d'intervention qui nous incite à partager nos expériences et à améliorer notre coopération dans la planification et dans les opérations.

Nous avons également le système de combat aérien futur. Le SCAF, vise à conserver, à l'horizon 2040 et plus, notre supériorité en opérations. Nous avons listé une somme de menaces portant sur les technologies et les ruptures de technologies auxquelles nous devrons faire face. Nous avons identifié les besoins. En avril 2018, un accord a été conclu entre les chefs d'état-major allemands et français sur les besoins militaires. Depuis, nous travaillons pour savoir comment faire face à ces menaces. Ce système de combat futur sera construit autour d'une plateforme d'avion de combat, habité ou non, polyvalent, autour duquel nous placerons un certain nombre d'effecteurs, des drones et de l'armement. Quoi qu'il en soit, c'est la connectivité qui sera le game changer. Il est essentiel, dans les combats de demain, de pouvoir saisir toutes les opportunités. Il faudra être plus rapide que l'adversaire. La capacité à gérer l'ensemble des données, à se voir présenter des solutions par l'intelligence artificielle et ainsi à pouvoir agir sera déterminante. La connectivité, la collaboration entre tous les acteurs, qu'il s'agisse de drones, de satellites ou de chasseurs, permettront de conserver notre supériorité opérationnelle.

Sur la question des drones, nous observons une montée en puissance très rapide des drones Reaper. Nous allons recevoir très prochainement nos deux derniers systèmes composés chacun de trois drones et d'un système de commandement. Les drones ainsi livrés seront armés et auront une capacité ROEM (renseignement d'origine électromagnétique). Par ailleurs, l'EUROMALE a été décidé pour permettre à l'Europe d'avoir ses propres drones, qui sont un élément du système de combat aérien futur. Les premières commandes devraient avoir lieu en 2019, les premières livraisons à la fin de la LPM.

Sur les gros-porteurs, lorsque j'étais en Afghanistan, nous avions chaque jour soit des C17, soit des Lockheed C-5 Galaxy qui venaient décharger des grands matériels. Il y a également des Antonov. Certains pays ont fait le choix d'acquérir, c'est le cas des Britanniques, des C17. Nous avons choisi de recourir pour notre part à la location. Un gros transporteur français, l'Airbus A300-600ST dit « Beluga », peut également transporter de gros volumes avec un plus faible tonnage. La question se pose de savoir quel est le besoin dans ce secteur. La France a un besoin du fait de ses interventions en théâtres extérieurs. Est-ce que les autres pays européens ont le même besoin ? La réponse est certainement oui pour les Britanniques et peut-être un peu moins pour les autres mais nous sommes en train de développer l'initiative européenne d'intervention et donc à terme ce besoin commun devrait être avéré. De même, la question des catastrophes humanitaires, survenant plus souvent, induit un tel besoin afin d'intervenir dans les territoires ultra marins. La réflexion est lancée, l'Europe dispose de capacités industrielles pour construire ce genre d'équipement.

Sur les hélicoptères, nous avons trois types d'hélicoptères :

- les Fennec, qui sont des hélicoptères légers qui participent à notre posture permanente de sécurité. Nous n'avons pas de difficultés majeures sauf peut-être le système d'optronique qui doit être remplacé, mais nous avons largement la capacité d'attendre 2028 pour les remplacer,

- les Caracal. Nous attendons le remplacement de celui qui a été détruit pour compléter le parc. C'est un hélicoptère qui participe aux actions des forces spéciales et qui permet également la récupération des pilotes éjectés derrière les lignes ennemies. La remise à niveau est prévue en 2026, ce qui devrait nous amener jusqu'aux années 2030-2040, date à laquelle le HM-NG, hélicoptère de manoeuvre nouvelle génération, dont les études sont prévues, devrait prendre le relais

- enfin les Puma pour lesquels nous avons un sujet : leur âge les rend vulnérables. Nous partageons cette flotte avec l'Armée de terre. Leur disponibilité technique opérationnelle est faible, nous réfléchissons donc à la location d'hélicoptères de manoeuvre tels que les EC225. Nous disposons déjà de deux de ses appareils. C'est une version civile que nous adoptons à la marge par exemple pour réaliser des missions de sauvetage sur terre ou en mer. Nous pourrions devoir louer ce genre d'hélicoptères dans l'attente du HIL HM qui n'arrivera qu'en 2028.

S'agissant des munitions, la consommation a diminué en air-sol, vous le savez. Nous allons rejoindre fin 2018 un niveau qui nous permet d'assurer les opérations de gestion de crise. Nous avons encore des besoins de bombes, notamment à très forte puissance. Des commandes sont prévues en fin de LPM. Sur l'air-air, nous avons un besoin opérationnel qui n'est pas couvert actuellement mais qui est pris en compte dans la LPM puisqu'est prévue la remotorisation de missiles air-air. Un nouveau missile de défense aérienne METEOR est prévu, ainsi que des crédits d'études pour des missiles nouvelles génération anti-aérien MICA (acronyme de « Missile d'Interception, de Combat et d'Auto-défense »).

La réforme du MCO est l'enjeu majeur, comme l'a dit la Ministre des Armées : « Il faut que ça vole !», pour atteindre les normes d'activité et pour la tenue des contrats opérationnels. Le MCO des aéronefs ne doit pas éclipser celui des radars et des matériels sol-air qui sont essentiels comme je vous l'ai dit. La direction de la maintenance aéronautique (DMAé) a été créée afin d'augmenter la disponibilité des équipements, je vais pour ma part créer de l'activité. Ce sont deux choses différentes et complémentaires. Lorsque j'ai un avion disponible, il faut que je l'adapte aux besoins d'entraînement avant de l'affecter à une mission. La disponibilité de certaines flottes est objectivement trop faible. C'est notamment le cas de l'A400 M, du Mirage 2000 D, du C130 et des Pumas. Pour chacune de ces flottes, un plan a été défini : soit la maintenance est confiée dans son ensemble au service industriel de l'aéronautique (SIAé), notamment Clermont-Ferrand pour le C130. Pour l'A400 M, vous avez parlé du plan de remontée en puissance de trois à six, la DMAé est toute jeune et il y a un temps de montée en puissance, mais lorsque j'étais à Orléans il y a 15 jours, cinq aéronefs étaient disponibles : trois étaient en OPEX, un revenait d'outre-mer et le dernier était affecté à l'instruction. La remontée en puissance est donc effective.

Pour répondre à la question sur la remontée de l'activité opérationnelle, nous atteindrons les 180 heures de vol par pilote en 2023 pour la chasse. Actuellement nous avons un plateau à 164 heures de vol. En 2019 est programmée la remontée de l'activité des pilotes de transport.

S'agissant de la formation à Cognac sur PC 21, la livraison est sur le trait. J'étais ce mois-ci à Cognac pour assister au vol du PC 21. En ce qui concerne l'articulation entre la formation et la différenciation, on a deux mouvements très différents. La formation va être modernisée. La différenciation n'a pas pu être mise en place par l'Armée de l'air jusqu'à présent en raison du très fort niveau d'engagement. J'avais donc besoin de tous les pilotes dans le premier cercle. J'ai actuellement accumulé une dette organique de formation, mes jeunes pilotes étaient moins formés car mes pilotes aguerris faisaient la guerre. Lorsque vous faites la guerre en Afrique, vous n'êtes pas entraînés à l'ensemble du panel des activités de guerre, il faut donc vous réentraîner. J'ai une dette organique dans le premier cercle qu'il faut que je comble. Ensuite nous verrons ce que nous pourrons faire en termes de différenciation.

La simulation dans la formation est essentielle à la préparation opérationnelle. Nous avons par exemple de très bons moyens de simulation sur Rafale,A400M et PC21, et attendons un simulateur de drone Reaper pour début 2019. Nous recevrons des moyens de simulation modernes sur MRTT et C 130 J. Nous pouvons d'ores et déjà élever le niveau d'instruction et d'entraînement de nos équipages en générant des cibles et des menaces fictives, tant dans les radars des avions d'armes que dans le système d'armes de nos avions d'entraînement PC21. Nous savons aussi mettre en oeuvre - grâce à la simulation distribuée à distance et à la simulation réelle, virtuelle et constructive, des scenarii d'entraînement à des missions tactiques complexes. Cela me permet d'avoir un entraînement plus réaliste avec plus d'avions fictifs en opposition.

S'agissant du domaine spatial de défense, un groupe de travail est en cours. Il y a en effet un enjeu essentiel car nous avons développé une grande dépendance et l'espace est devenu un champ de conflictualité où les menaces vont grandissantes. Le groupe de travail étudie donc ces menaces, qui doivent dorénavant être prises en compte, et proposera, en fonction du niveau d'ambition retenu, de nouvelles missions pour les armées. J'estime pour ma part que le préalable indispensable aux opérations dans l'espace est le renforcement de notre capacité de surveillance de l'espace. La LPM prévoit d'ailleurs, outre l'acquisition de nouveaux satellites (CSO de MUSIS, CERES, SYRACUSE IV), une modernisation partielle du radar GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale).

Il me semble possible que les Chinois soient en mesure de développer un bombardier furtif. La réponse est le SCAF. Le combat collaboratif connecté est aussi un moyen pour lutter efficacement contre la furtivité.

S'agissant du développement de maintenance productif par Thalès, c'est une bonne chose, c'est ce que l'on peut appeler un « game changer ». Notre objectif étant de voler, nous prenons toutes les bonnes idées pouvant nous permettre d'y arriver.

Sur la fidélisation enfin, nous avons quatre grands axes pour y parvenir. Les compétences seront au coeur de ma politique de ressources humaines. Il va falloir mettre en place une progression professionnelle dynamique et valorisée, dans un format à la hausse : soit une croissance de 98 effectifs en 2019, 330 d'ici 2022, et 1250 sur l'ensemble de la LPM. Nous devons valoriser le capital humain et l'épanouissement de l'aviateur. Tout cela me permettra de stabiliser le capital en ressources humaines par les leviers suivants : promouvoir l'innovation, accélérer la simplification, prendre en compte les conditions dans lesquelles travaillent les hommes. Et lorsque nous modernisons, on l'a vu à Istres - avec des nouveaux hangars et des plans d'infrastructure cohérents permettant de rénover également les logements sur base - les résultats s'améliorent. Enfin le plan famille annoncé par la Ministre augmente l'attractivité de la carrière militaire.

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