Le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale intervient dans une année particulière pour les finances publiques prises dans leur ensemble. En effet, en 2019, les entreprises percevront une annuité de CICE au titre de l'année 2018 et bénéficieront en même temps de la quasi-totalité des baisses de cotisations et de contributions qui remplaceront le CICE. Il s'agit d'un geste fort en termes de compétitivité, qui dégrade néanmoins les comptes publics de près de 0,9 point. Le déficit public prévisionnel s'élève ainsi à 2,8 % du PIB. À la fois pour atteindre enfin l'équilibre des comptes de la sécurité sociale et pour ne pas tutoyer de trop près la barre des 3 % de déficit public, le Gouvernement propose plusieurs mesures sur lesquelles les autres rapporteurs reviendront sans doute en détail, et dont nous aurons à débattre : tout d'abord, une partie du renforcement des allègements généraux, dont l'intégration des contributions à l'assurance chômage dans ces allègements, est reportée au 1er octobre 2019, soit 2,3 milliards pour l'ensemble des administrations publiques. Ensuite, l'évolution des pensions et des autres prestations sociales, sauf exceptions, sera limitée à 0,3 % au lieu de suivre l'inflation, soit un gain de 3,2 milliards pour les comptes publics.
En revanche, on relève un léger desserrement de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), dont la progression est fixée à 2,5 % au lieu des 2,3 % qui figuraient dans la loi de programmation des finances publiques.
S'agissant de la dette, il est proposé que 15 milliards soient transférés à la Cades entre 2020 et 2022. C'est bien, mais cela peut sembler un peu tardif, d'autant que les derniers transferts seront financés à court terme, et cela ne solde pas tout puisque quelque 11,5 milliards de déficits cumulés à fin 2018 et logés à l'Acoss ne seraient pas repris. Il est à noter que les recettes correspondantes de la Cades proviendraient d'une réaffectation de CSG et non de l'affectation d'une imposition supplémentaire aux administrations de sécurité sociale (ASSO).
Par ailleurs, ce PLFSS porte les premières traductions des principes définis par le Gouvernement dans le rapport qu'il nous a récemment remis sur « la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale », en application de l'article 27 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
Au vu des importantes questions de principe que cela soulève, je souhaite m'y attarder quelque peu. À propos des compensations, si l'ensemble des opérations résultant de la bascule CICE/cotisations sera compensé, tel ne sera pas le cas de nombreuses mesures nouvelles figurant dans ce PLFSS, à commencer par l'exonération des heures supplémentaires et les baisses de forfait social. Avec les votes de l'Assemblée nationale, le montant des non-compensations issues de ce PLFSS devrait atteindre 2,3 milliards en 2019 puis 3,6 milliards à compter de 2020. Or le rapport du Gouvernement préconise qu'à l'avenir, l'État et la sécurité sociale soient chacun responsable de leurs baisses de prélèvements obligatoires. De plus, ce PLFSS tire les conséquences des baisses de flux de TVA en provenance de l'État programmées à partir de 2020 et qui deviendront très conséquentes à partir de 2021.
Nous y reviendrons lorsque je vous présenterai un de mes amendements à l'article 19 mais je considère qu'il est normal que l'État, qui a su se montrer solidaire pendant les années difficiles, bénéficie lui aussi de l'amélioration des comptes sociaux. Néanmoins, avant de pratiquer des ponctions aveugles, il serait nécessaire que le Parlement et le Gouvernement se mettent d'accord sur les principes de la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Une telle négociation serait de bon sens. Je considère aussi que le principe de compensation doit être conservé, quitte à ce qu'on lui fasse, à l'avenir, des exceptions plus nombreuses que par le passé, car ce principe implique la responsabilité des autorités de l'État.
Le flux de TVA ne doit pas conduire à « faire les poches de la sécu » avant même que celles-ci ne soient pleines et, a minima, tant que subsiste une dette sociale. Nous devrons ensuite trouver un accord sur les conditions de l'équilibre à moyen terme pour que ne se recreuse pas un « trou de la sécu » une fois que la Cades aura disparu. Il n'est pas question que l'Acoss change de rôle : c'est pourtant ce que je crains avec les 11,5 milliards qui resteraient à la charge de cette Agence.
Je vous proposerai donc d'accepter les non compensations de cette année, du même ordre de grandeur que les surcompensations des allègements généraux identifiés par la Cour des comptes. Nous montrerons ainsi que nous sommes ouverts à la discussion. En revanche, je souhaite que nous refusions la trajectoire envisagée pour la TVA en 2021 et 2022, pour ne pas trancher le débat avant qu'il ne soit ouvert et pour ne pas hypothéquer l'avenir. Si vous en êtes d'accord, peut-être pourrons-nous considérer que cela vaut mandat pour déposer un amendement miroir à l'article 36 du projet de finances pour 2019.