Intervention de Amiral Christophe Prazuck

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 octobre 2018 à 9h45
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de l'amiral christophe prazuck chef d'état-major de la marine

Amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine :

Vous m'interrogez sur notre présence dans le monde et en particulier dans les zones de non-droit.

Nous exerçons nos droits souverains sur nos eaux territoriales, qui s'étendent à 12 milles marins des côtes, soit environ 20 kms, et sur nos zones économiques exclusives jusqu'à 200 milles marins des côtes, soit environ 370 kms. Nous pouvons y intervenir librement, par exemple contre la pêche illégale. Au-delà de ces zones, le droit international de la mer, complété dans certains domaines par des conventions spécifiques comme la Convention de Vienne, nous donne certains pouvoirs limités, par exemple, pour y lutter contre le trafic des êtres humains ou le trafic de drogues. Pour le reste, la règle générale est la liberté de la navigation et la juridiction exclusive de l'Etat du pavillon.

Il existe des zones comme la mer de Chine méridionale, où cet ordre juridique est contesté. Nous patrouillons régulièrement dans ces zones pour manifester notre attachement au droit, comme je l'ai évoqué précédemment.

Je veux également vous indiquer que nous avons commencé à détecter des trafics de drogues entre l'Amérique du Sud et l'Australie. Je crains que ce type d'activité illégale ne se développe sur cet axe et en particulier entre les îlots les plus isolés. Même si la drogue n'est pas seulement destinée aux populations polynésiennes, ce nouveau trafic peut avoir pour conséquences le développement de nouvelles zones de criminalité.

Pour répondre à la question de monsieur Poniatowski, nous avons une sous-marinade particulièrement performante même si elle est vieille. Elle a fait 1 000 jours de mer il y a deux ans. Elle est très présente en mer de Norvège et auprès de nos alliés. Son niveau tactique dans ces opérations est équivalent à celui des Britanniques. S'agissant de la Pologne, j'ai rencontré mes homologues polonais il y a trois semaines. Nous avons parlé de leurs projets, des coopérations que nous devons relancer, en particulier, en matière de guerre des mines et d'entraînement. Les commandants des flottilles polonaises se sont rendus à Brest pour renouer des liens qui se sont distendus. En septembre dernier, les cendres du vice-amiral Unrug, héros de la marine polonaise, ont été remises à un bâtiment polonais en présence du ministre de la Défense polonais et de mon homologue. Ce fut l'occasion d'organiser une visite de l'île Longue pour leur montrer ce que sont nos sous-marins, la qualité de nos ingénieurs et de nos équipages. La concurrence est acharnée mais je peux vous assurer que tout est fait pour mettre en avant la qualité de nos savoir-faire industriels et opérationnels.

S'agissant des hélicoptères interarmées légers (HIL), mon objectif pour 2030 est d'avoir une flotte d'hélicoptères exclusivement composée d'hélicoptères NH 90 et d'HIL, ce qui permettra de rationaliser le maintien en condition opérationnelle (MCO). En attendant pour remplacer les Alouette III, nous avons adopté une mesure intermédiaire de location sans option d'achat. Elle nous donnera notamment l'occasion de tester en grandeur nature l'hélicoptère H160 d'Airbus qui servira de base de développement au HIL.

Pour le MCO l'entretien programmé du matériel pour les bateaux et les sous-marins est en progression de 3% et l'entretien programmé pour l'aéronautique, de 7 %. Il y a donc une augmentation. Le MCO naval présente la particularité de suivre un cycle d'une dizaine d'années organisé autour des arrêts techniques décennaux du porte-avions. Ainsi, l'arrêt technique majeur du Charles-de-Gaulle a pesé très lourd sur le budget consacré au MCO naval en 2017 et 2018 ; il pèsera ensuite beaucoup moins lourd pour peser à nouveau en 2027. Sur la question des réservistes, il y a environ 6 000 réservistes dans la marine. Nous avons atteint ce maximum autorisé l'an dernier et je le reconduis cette année. J'ai absolument besoin des réservistes, y compris bien évidemment des femmes, pour que la marine ne s'arrête pas de fonctionner. Ces réservistes accomplissent des missions opérationnelles absolument partout, sur les bateaux, dans les bases ainsi qu'en état-major central.

Enfin s'agissant de l'Arctique, le 1er septembre dernier, le Rhône, un nouveau bateau logistique, a traversé tout l'océan Arctique sans l'assistance de brise-glaces. Entré par le cap nord, il est sorti quinze jours plus tard par le détroit de Bering pour aller ensuite rejoindre les îles Aléoutiennes. Il y a croisé un porte-conteneurs de la compagnie Maersk, celui-ci escorté par un brise-glaces. Par la voie classique, cela aurait pris au moins deux mois et demi. Toutefois ce n'est pas un sport de masse ! Le changement climatique aura des conséquences en termes de cyclones et de catastrophes naturelles avant d'en avoir sur le raccourcissement des routes maritimes entre l'Europe et la Chine. Par ailleurs, j'observe que les porte-conteneurs ont besoin de hubs pour décharger une partie de leurs conteneurs qui est ensuite transportée par des bateaux plus petits ; or il n'en existe aucun dans l'Arctique.

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