Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 11 avril 2006 à 10h00
Questions orales — Compétence voirie des communautés de communes

Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire :

Monsieur le sénateur, votre question s'inscrit pleinement dans un débat qui a été particulièrement nourri ces derniers mois sur le rôle respectif des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et de leurs communes membres.

Parmi les questions qui se posent aux uns et aux autres, celles qui sont liées aux périmètres des EPCI et aux relations financières entre EPCI et communes membres ont été au premier plan.

Cependant, c'est la définition de l'intérêt communautaire qui a souvent cristallisé les interrogations, comme cela est indiqué dans le rapport de la Cour des comptes de novembre 2005.

Au coeur de cette définition, l'exercice de la compétence voirie, que vous évoquez très légitimement, fait fréquemment l'objet de discussions pointues dans de nombreux conseils communautaires pour distinguer ce qui doit relever du regroupement intercommunal et ce qui doit demeurer à l'échelon communal.

Je sais bien que de nombreuses communes ont décidé de ne confier, en matière de voirie, que les opérations d'investissement à l'EPCI dont elles sont membres, tout en continuant à assumer elles-mêmes les charges liées à l'entretien courant de la voirie.

C'est bien pour cette raison que M. Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a envoyé aux préfets une circulaire le 23 novembre 2005, car le souci n'est pas de poser des problèmes mais d'apporter une aide pour clarifier et pour simplifier ce qui peut l'être.

Concernant la voirie, il s'agit d'une compétence qui n'est pas obligatoire et qui a été très souvent transférée sans que toutes les cartes soient mises sur la table, alors même que les règles qui régissent ce type de transfert sont bien connues.

L'investissement et le fonctionnement ne doivent pas être scindés et doivent être exercés par la même personne publique. C'est ce qui résulte de l'application de trois articles du code général des collectivités territoriales relatifs à la mise à disposition des biens nécessaires à l'exercice d'une compétence transférée.

Les dispositions de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles nécessaires à son exercice font obstacle à ce que les opérations d'investissement et de fonctionnement soient confiées à des personnes différentes.

L'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales précise que la collectivité bénéficiaire du transfert assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Or les obligations du propriétaire comprennent à la fois les dépenses d'investissement et de fonctionnement des biens transférés, qu'il n'est donc pas possible de dissocier.

L'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales prévoit la possibilité de transférer en bloc aux communautés de communes la « création, l'aménagement et l'entretien de la voirie » et non certaines de ces opérations.

Dès lors, la ligne de partage de l'intérêt communautaire ne peut reposer en matière de voirie sur la simple distinction entre l'investissement et le fonctionnement.

C'est d'ailleurs le même principe qui a conduit le législateur, au printemps 2004, à décider du transfert des personnels TOS au profit des conseils généraux et régionaux, pour qu'il y ait cohérence entre la collectivité qui investit et l'autorité qui gère les personnels en charge du bon entretien des équipements publics. Nous le savons en tant que présidents de conseils généraux.

Sur ce point, monsieur le sénateur, les textes sont clairs et leur application ne fait pas de doute.

Pour autant, le principe d'exclusivité a été assoupli par la loi du 13 août 2004, notamment sur la question du transfert de personnels et des mises à dispositions de services entre un EPCI et ses communes membres.

Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales précise désormais que la mise à disposition des services d'un EPCI est possible dès lors qu'elle présente « un intérêt dans le cadre d'une bonne organisation des services ». La loi autorise aussi les communes à ne pas se dessaisir de leurs services et à les mettre à disposition de l'EPCI par voie de convention pour l'exercice de ses compétences.

Qu'est-ce que cela signifie ? Que le maire ou le président de l'établissement public adresse directement au chef de service mis à disposition toutes instructions nécessaires à l'exécution des tâches qu'il confie à ce service. Il contrôle l'exécution de ces tâches. Il peut également donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature au chef de service pour l'exécution des missions qu'il lui confie.

Ce choix laissé à la libre appréciation des communes concerne tant les EPCI créés ces dernières années que ceux dont la création est antérieure à la loi du 27 février 2002.

Il est à noter que l'ensemble de ce dispositif relève du fonctionnement interne des collectivités territoriales et de leurs communes membres et n'entre donc pas dans le champ d'application du code des marchés publics. Les règles de publicité et de mise en concurrence ne s'appliquent pas à ces mises à disposition.

Par ailleurs, la pratique des fonds de concours a été facilitée.

Désormais, pour financer la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement, ces fonds peuvent être versés par un EPCI à fiscalité propre à une ou plusieurs de ses communes membres compétentes en matière de voirie ou bien ils peuvent être versés par une ou plusieurs communes membres à l'EPCI à fiscalité propre compétent en matière de voirie dont elles sont membres.

La loi pose comme seule condition que le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.

Pour être tout à fait complet, je tiens à préciser que le nettoiement, le balayage et le déneigement, qui relèvent du pouvoir de police du maire, notamment pour tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage, ne peuvent pas faire l'objet de transfert au profit d'un EPCI.

Il n'est pas question de revenir sur ces dispositions, qui sont de nature à permettre au maire de rester la pierre angulaire de la vie locale et de sa régulation quotidienne.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, il s'agit, non pas de restreindre ou de contraindre, mais bien de concilier au mieux la règle et son application sur le terrain en mobilisant à bon escient les souplesses mises en place par le législateur pour tendre vers une organisation territoriale optimale.

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