Le régime de la concession a été profondément modifié par l’ordonnance du 29 janvier 2016, dont le 2° de l’article 13 a bien repris le a du 8 de l’article 10 de la directive concernée.
Toutefois, en l’absence des précisions apportées par le considérant 15 de la directive, l’ordonnance de 2016 ne retranscrit pas pleinement la volonté exprimée par le biais de la directive et ne permet pas de sécuriser la situation des opérateurs privés. Preuve en est l’arrêt du Conseil d’État du 14 février 2017, par lequel ce dernier a considéré que la convention de terminal passée entre une entreprise de manutention et les autorités portuaires de Bordeaux devait être requalifiée en concession et non plus regardée comme une convention d’occupation du domaine public. Cette jurisprudence met en évidence l’incertitude juridique.
Il est clair, s’agissant des conventions de terminal, que leur requalification systématique en concessions serait un retour en arrière. Elle effacerait le progrès réalisé en matière de relance économique des ports français par la réforme portuaire de 2008.
J’ai en ma possession une lettre de Philippe Juvin, député du Parlement européen et rapporteur du projet de directive. Il m’écrit : « L’intention du législateur, telle que précisée dans le considérant 15 de la directive Concession, est sans ambiguïté. Nous avons souhaité exclure du champ d’application de la directive les activités des opérateurs économiques exploitant les terminaux des ports maritimes ». J’ai également un courrier d’Alain Vidalies, alors secrétaire d’État, et un autre d’Alexis Kohler, à l’époque où il dirigeait le cabinet du ministre Macron, dans lesquels ils écrivent la même chose.
Madame la ministre, dans le cadre de l’évaluation commandée par le Gouvernement, il est précisé que, dans les conditions actuelles, un cadre légal plus contraignant que celui qui est applicable dans les autres ports européens ou, plus généralement, inadapté pourrait désavantager les terminaux situés en France par rapport à leurs concurrents européens et internationaux. Dans cette fiche d’évaluation, il est demandé de légiférer de nouveau sur le sujet. Or il apparaît que l’application, en l’état, de l’ordonnance de 2016 est effectivement de nature à ne pas respecter la directive 2014/23/UE.
Il semble que le Gouvernement ait l’intention de prendre ce problème à bras-le-corps dans le cadre de la future loi d’orientation des mobilités, ou loi LOM. Sauf que le port du Havre a lancé des appels à concession et l’on en est à attribuer les marchés. Autrement dit, un certain nombre de ports s’engouffrent dans cette faille juridique, ce qui est dangereux.
Il faudrait, madame la ministre, que vous vous engagiez, au nom du Gouvernement, à ce qu’il ne puisse y avoir en ce domaine de dérogation, jusqu’à ce que soit votée la loi LOM.