Monsieur Vasselle, je voudrais répondre très précisément à votre question, fondée sur l'observation d'une réalité qui ne fait que s'amplifier, celle de la dépendance liée à la prolongation de la durée de vie.
Même si, à un âge donné de la vie, le taux de prévalence de la dépendance est plus faible qu'auparavant, le fait que nous soyons entrés dans une période où les classes d'âge les plus nombreuses arrivent au moment de la retraite laisse prévoir une augmentation des besoins de services en faveur des personnes âgées dépendantes.
Au-delà de la dépendance physique, les maladies neurodégénératives imposent aux services publics responsables de la prise en charge des personnes âgées des tensions croissantes. Aujourd'hui, 850 000 personnes souffrent en France de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Chaque année, 225 000 nouveaux cas apparaissent, et on prévoit qu'à l'horizon 2020 le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer aura augmenté de plus de 50 % par rapport à 2004.
C'est dire que la question que vous soulevez est fondamentalement justifiée, monsieur Vasselle.
Comment allons-nous financer ces nouveaux besoins ?
Nous avons déjà dû faire face à la montée en régime extrêmement rapide de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui avait été créée sans que l'on ait mis au regard de la dépense les financements nécessaires. Ce n'est qu'à la faveur de la création de la journée de solidarité, venue s'ajouter à un effort massif des conseils généraux, que nous avons pu réussir à prendre en charge cette montée en régime de l'allocation personnalisée d'autonomie.
À côté de l'allocation personnalisée d'autonomie, nous devons également considérablement augmenter les crédits pour les établissements médicosociaux et les services de soins infirmiers à domicile. Nous le faisons cette année avec une hausse sans précédent de 13, 5 %, hausse qui ne suffira d'ailleurs pas, bien évidemment, à régler le problème en une seule fois.
Nous savons donc que nous avons à la fois devant nous la montée en régime continue de l'allocation personnalisée d'autonomie et celle des prises en charge dans le cadre de l'assurance maladie des personnes âgées lourdement dépendantes. Pour faire face à ces difficultés, plusieurs pistes sont explorées dans le même temps.
Il est vrai qu'il existe, en matière d'assurance vieillesse, des retraites complémentaires, d'ailleurs obligatoires, gérées par des organismes comme l'ARRCO ou l'AGIRC, et, en matière d'assurance maladie, des systèmes de protection complémentaire, gérés par les mutuelles mais aussi par les institutions de prévoyance sociale, sur la base d'accords qui sont le plus souvent des accords d'entreprise, et par les assurances privées. Il est vrai aussi que l'on assiste, en matière de dépendance, à un développement certain des assurances privées.
Pourquoi dès lors ne ferions-nous pas pour la dépendance ce que nous faisons déjà en matière d'assurance vieillesse et en matière d'assurance maladie ? Aucune objection de principe ne s'oppose à ce que nous allions dans cette voie. Il faut simplement, comme en matière de retraite et comme en matière d'assurance maladie, s'assurer que le mode de financement retenu repose sur la solidarité et ne comporte aucun effet d'éviction à l'égard de quelque public que ce soit, en particulier à l'égard des personnes les plus défavorisées.
En tout état de cause, quel que soit le mode de développement retenu, il impliquera nécessairement, comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le sénateur, une dépense fiscale ou une dépense publique.
Dès lors, il faut se poser la question de savoir comment nous financerons la nouvelle dépense induite par la couverture, en effet nécessaire, de ce risque, car, même si nous faisons appel à un système d'assurance complémentaire venant s'ajouter au système de l'allocation personnalisée d'autonomie et à la prise en charge des personnes âgées dépendantes par les structures médicosociales, nous devrons aussi trouver la bonne ressource pour assurer sa montée en régime.
À cet égard, au-delà des modalités du système que vous proposez, voyons comment peut se concevoir, à l'horizon de cinq ou dix ans, l'évolution de l'ensemble de nos finances publiques et sociales.
La réduction actuelle du chômage doit se poursuivre. Elle a un double impact possible sur nos finances publiques : en premier lieu, la réduction des dépenses d'assurance chômage ; en second lieu, la diminution, tendanciellement et sur plusieurs années, des dépenses liées aux contrats aidés pour le retour à l'emploi.
Nous pouvons faire coïncider cette baisse tendancielle des dépenses liées à un chômage en voie de régression - depuis un an, il diminue fortement mois après mois - et la nécessaire augmentation des dépenses liées à la prise en charge des personnes âgées.
Voilà où en sont nos réflexions, monsieur le sénateur. Elles n'excluent donc aucune solution et reposent sur la recherche d'une plus grande solidarité entre les Français face aux problèmes nés du vieillissement de la population.