Comme l'année dernière en effet, notre commission s'est saisie pour avis des mesures fiscales du PLF relatives à l'énergie et à l'environnement. La fiscalité énergétique et environnementale est très discutée en ce moment, du fait de la hausse importante du prix des carburants et du fioul domestique, dont elle est pour partie responsable. Cela dit, la taxe carbone, qui pèse sur les énergies fossiles et fait le plus débat, ne figure pas dans le PLF 2019, puisque c'est la loi de finances de l'année dernière qui a fixé sa trajectoire d'augmentation jusqu'en 2022 et prévu la poursuite d'une hausse qui a démarré en 2014.
Outre l'augmentation de la taxe carbone, il a été décidé de procéder au rapprochement progressif de la fiscalité applicable à l'essence et au diesel, ce qui se traduit par une hausse supplémentaire de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) portant sur le gazole. Cette hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles est importante : l'année prochaine, les recettes supplémentaires de TICPE s'élèveront à 3,7 milliards d'euros et, entre 2017 et 2022, ce sont 15,4 milliards d'euros de taxes supplémentaires qui auront été ajoutés.
Cette hausse pose deux questions. D'abord, que faire des recettes issues de la hausse de la fiscalité énergétique ? Actuellement, la quasi-totalité est affectée au budget général de l'État et ne finance pas de nouvelles mesures pour la transition énergétique. Dès lors, comment justifier l'augmentation de la fiscalité par des arguments écologiques ? Pourtant, les besoins de financement sont importants, en particulier dans les territoires, qui sont aux avant-postes de la transition énergétique. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à attribuer une part de la hausse de la TICPE aux collectivités territoriales. Un tel amendement avait déjà été adopté l'année dernière par le Sénat, et le Gouvernement avait indiqué qu'il réfléchirait à la question. Je crois qu'il est important de continuer à l'interpeller sur ce sujet. Il en va de la crédibilité et de l'acceptabilité des hausses de taxe.
Deuxième question : quelles mesures de compensation pour aider les entreprises et les ménages à changer de comportement ? Il existe plusieurs dispositifs pour aider les ménages, mais ils ne sont pas suffisants. Le chèque-énergie, par exemple, qui bénéficie aux ménages modestes pour payer leur facture énergétique, passera l'année prochaine de 150 à 200 euros en moyenne, ce qui représente un effort budgétaire supplémentaire de 129 millions d'euros. Le montant dédié au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui aide les ménages à financer des travaux de rénovation énergétique, a baissé de moitié, en raison de l'exclusion de certains travaux de ce dispositif. Quant aux primes à la conversion des véhicules, qui ont été élargies cette année, elles devraient concerner 250 000 véhicules en 2018, ce qui est peu, rapporté au parc de 26 millions de véhicules diesel, dont l'âge moyen ne cesse de reculer.
Les mesures fiscales à caractère environnemental du PLF 2019 figurent aux articles 7, 8 et 59 relatifs à la fiscalité des déchets, à l'article 19 relatif à la suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier (GNR) et aux articles 57 et 58 relatifs aux dispositifs fiscaux visant à favoriser les rénovations énergétiques des logements que sont le CITE et l'écoprêt à taux zéro (éco-PTZ).
Les articles 7, 8 et 59 proposent une réforme importante de la fiscalité des déchets. Cette réforme repose sur trois mesures, qui faisaient partie des préconisations de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) du Gouvernement présentée au mois d'avril 2018.
Le premier volet de cette réforme, prévu à l'article 7 du PLF, favorise la mise en place par les collectivités territoriales d'une part incitative de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).
Actuellement, les collectivités territoriales, compétentes en matière de collecte et de traitement des déchets, peuvent instaurer une part incitative de TEOM comprise entre 10 % et 45 % du produit total, ce qui permet de moduler la contribution due par les ménages en fonction de la quantité ou de la nature de déchets produits. Afin de limiter l'impact pour les contribuables de la mise en place de la part incitative, la loi prévoit que le produit total de la TEOM ne peut excéder le produit total de la TEOM de l'année précédant la mise en place de la part incitative.
Or, la mise en place d'une TEOM incitative engendre des surcoûts pour les collectivités les premières années, par exemple pour équiper de puces les bacs. Le PLF prévoit par conséquent d'autoriser, la première année de l'institution de la part incitative, que le produit total de la TEOM puisse excéder le produit de la taxe de l'année précédente dans une limite de 10 %.
Pour ne pas accroître la pression fiscale pesant sur les contribuables, l'article 7 du PLF diminue de 8 % à 3 % les frais de gestion de la taxe prélevés par l'État au cours des trois premières années au cours desquelles est mise en oeuvre la part incitative. L'Assemblée nationale a porté cette durée à cinq ans.
Actuellement, seules 200 collectivités, représentant une population de 5 millions d'habitants, ont mis en place une part incitative de TEOM, et 25 collectivités supplémentaires sont en train d'étudier cette mesure. Les résultats observés sont positifs puisque la mise en place d'une TEOM incitative induit à la fois une baisse globale du volume de déchets, une baisse du volume des déchets non recyclables et une augmentation du volume des déchets recyclés.
La mesure prévue, combinée aux aides versées par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans le cadre du fonds déchets, doit inciter davantage de collectivités à passer le cap. Cela dit, l'aspect financier n'est pas le seul frein à la mise en place d'une TEOM incitative : celle-ci peut aussi avoir des effets redistributifs entre ménages et pénaliser les familles nombreuses. C'est un point sur lequel de nombreuses collectivités sont vigilantes.
Le deuxième volet de la réforme de la fiscalité des déchets concerne la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). L'article 8 définit une nouvelle trajectoire d'augmentation du volet « déchets » de la TGAP pesant sur les installations de stockage et d'incinération des déchets à partir de 2021 et jusqu'en 2025.
Le tarif de TGAP augmenterait progressivement pour atteindre 65 euros par tonne en 2025 pour toutes les installations de stockage autorisées, y compris les installations les plus performantes du point de vue environnemental, et il augmenterait progressivement pour atteindre 25 euros par tonne en 2025 pour toutes les installations d'incinération autorisées, sauf celles réalisant une valorisation énergétique élevée, pour lesquelles le tarif serait de 15 euros par tonne.
L'objectif est que le coût du stockage et de l'incinération soit au moins équivalent à celui du recyclage, qui est aujourd'hui, paradoxalement, plus coûteux : hors TGAP et hors TVA, le coût moyen du recyclage est de 144 euros par tonne, contre 105 euros par tonne pour l'incinération et 68 euros par tonne pour le stockage.
Par ailleurs, compte tenu des nombreuses réfactions de taux de TGAP qui existent pour différentes catégories d'installations de stockage et d'incinération, le montant moyen de TGAP acquitté est de 18 euros par tonne pour les installations de stockage est de 4,8 euros par tonne pour les installations d'incinération. Ces montants ne compensent pas l'écart de coût entre ces solutions et le recyclage des déchets.
C'est pourquoi l'article 8 prévoit de supprimer d'ici 2025 la plupart de ces réfactions. L'augmentation des tarifs de TGAP se traduirait par un coût supplémentaire pour les collectivités, estimé à 104 millions d'euros en 2021 et 210 millions d'euros en 2025. Pour les entreprises, ce coût serait respectivement de 32 et 57 millions d'euros. Cette estimation a été faite en prenant en compte la réduction attendue du volume de déchets qui seront traités dans les filières de stockage et d'incinération dans les années à venir.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement créant un tarif réduit de TGAP pour les résidus de tri issus de centres de tri performants et qui sont incinérés dans des installations d'incinération à haut rendement énergétique. Cela doit encourager encore davantage les collectivités et les entreprises à envoyer les déchets vers des centres de tri et de recyclage. Je vous propose un amendement pour aller plus loin et prévoir un abattement généralisé de TGAP de 50 % pour les résidus de tri issus de centres de tri performants qui sont envoyés vers des centres de stockage et d'incinération.
Enfin, le troisième volet de la réforme de la fiscalité des déchets, à l'article 59, consiste à ramener à 5,5 % le taux de TVA sur les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation de la matière des déchets à compter du 1er janvier 2021. Il s'agit encore d'une mesure visant à rendre le coût du recyclage moins élevé que celui du stockage et de l'incinération. Cela représenterait un coût pour l'État, et symétriquement un gain pour les collectivités, estimé à 82 millions d'euros en 2021. Je vous propose là aussi un amendement pour avancer cette baisse du taux de TVA à 2019.
L'article 19 supprime à compter de l'année prochaine les taux réduits de TICPE sur le GNR dont bénéficient les secteurs d'activité qui utilisent des engins non routiers.
Deux secteurs continueraient de bénéficier de ces taux réduits : le secteur agricole, par le biais d'un remboursement de la différence entre le prix du gazole et le tarif réduit dont il bénéficie jusqu'en 2021, puis directement lors de l'achat de carburant à compter de cette date, et les entreprises de transport ferroviaire. Et l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui exonère de TICPE les carburants utilisés dans le cadre de la navigation fluviale, à l'exception de la navigation de plaisance privée.
La suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR représenterait une recette supplémentaire pour l'État de près de 1 milliard d'euros en 2019.
Cette mesure aura d'abord un impact sur le secteur des travaux publics, et en particulier sur la filière des terrassiers et des routiers, qui utilisent de gros engins de chantier fonctionnant au GNR. La fédération nationale des travaux publics estime que, sur le milliard d'euros supplémentaire de taxe, 500 millions d'euros pèseront directement sur les travaux publics, ce qui viendrait pénaliser de nombreuses PME spécialisées. Si certaines de ces entreprises pourront répercuter cette hausse du prix des carburants dans leurs contrats en cours, qui contiennent des clauses de révision des prix, beaucoup d'autres n'ont pas inséré de telles clauses dans leurs contrats et subiront la hausse de la TICPE de plein fouet.
La suppression du tarif réduit de fiscalité sur le GNR peut se justifier pour des raisons environnementales. Elle va dans le sens de la politique de suppression progressive de l'avantage fiscal octroyé à la consommation de ce carburant et de renchérissement du coût des énergies fossiles pour inciter au changement de comportements. Toutefois, sa brutalité ne laisse pas la possibilité aux entreprises concernées d'anticiper la hausse de fiscalité et de s'y adapter, en remplaçant par exemple leurs flottes de véhicules par des motorisations moins polluantes. C'est pourquoi je considère que cette suppression doit être progressive, et vous propose un amendement la lissant sur quatre ans.
Les articles 57 et 58 portent sur les dispositifs fiscaux visant à soutenir la rénovation énergétique des logements.
L'article 57 prolonge jusqu'au 31 décembre 2019 le CITE, qui aide les ménages à financer les travaux de rénovation énergétique dans leurs logements. Il maintient le CITE dans son périmètre issu de la loi de finances pour 2018, qui avait exclu de ce dispositif les portes, volets et fenêtres, ainsi que les chaudières au fioul. L'exclusion de ces équipements a conduit à réduire de moitié le coût du CITE, qui était de 1,6 milliard d'euros en 2016 et qui sera l'année prochaine de 865 millions d'euros.
Afin de rendre ce dispositif plus efficient, une nouvelle réforme est envisagée, qui devait initialement avoir lieu en 2019, mais sera finalement reportée à 2020. Il s'agirait de faire évoluer ce dispositif sur deux points. Premièrement, le CITE ne serait plus déterminé en fonction du prix des travaux ou des équipements mais en fonction des économies d'énergie effectivement permises par les travaux réalisés. Un barème permettra de classer les équipements en fonction de leur impact sur l'environnement, et l'aide sera forfaitisée en fonction de ce barème. Deuxièmement, pour les ménages modestes, le crédit d'impôt sera transformé en aide directe lors de la réalisation de travaux. Il s'agit de solvabiliser plus rapidement ces ménages qui, même lorsqu'ils bénéficient des aides du programme « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat, ont un reste à charge d'environ 20 à 30 %.
Enfin, l'article 58 simplifie l'éco-PTZ et le prolonge de trois ans. Ce dispositif permet aux établissements de crédit de bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des prêts à taux zéro qu'ils octroient aux propriétaires de logements et aux syndicats de copropriété afin de financer des travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements.
Afin d'encourager l'accès à l'éco-PTZ, cet article prévoit, entre autres, de supprimer la nécessité d'engager un bouquet de travaux pour bénéficier du prêt, de réviser la condition d'ancienneté des logements afin que soient éligibles tous les logements achevés depuis plus de deux ans à la date de début d'exécution des travaux ou encore d'allonger le délai de remboursement du prêt de dix à quinze ans.
On peut espérer que ces mesures de simplification permettront à ce dispositif d'être davantage sollicité qu'il ne l'est aujourd'hui, puisque seuls 24 300 prêts ont été consentis en 2017, contre 71 000 lors du démarrage du dispositif en 2009. Il faudra en particulier que les banques, qui considèrent que la rémunération qu'elles tirent de ce dispositif est faible, jouent le jeu et proposent cet instrument financier aux ménages.