J'évoquerai, en ce qui me concerne, trois sujets qui intéressent le programme 151, nos postes consulaires et les Français de l'étranger : l'activité « visas », la situation des ressortissants français au Royaume-Uni dans le contexte du Brexit et le projet de réforme de la représentation des Français de l'étranger
Un mot, pour commencer, sur les visas, qui sont une activité importante et rentable de nos postes. Le nombre de demandes de visas, qui avait légèrement fléchi en 2016 à la suite des attentats perpétrés en 2015, a atteint un record en 2017 (4 millions, soit + 13,5 %), la tendance à la hausse s'étant poursuivie sur 2018. Le nombre de visas accordés progresse parallèlement, malgré un taux de refus en hausse (13,55 % en 2017) en raison d'un renforcement des contrôles visant à prévenir le risque migratoire. Conséquence de l'augmentation constatée, les recettes tirées de l'activité visas se sont élevées à 210,4 M€ en 2017, en hausse de 13,3 % par rapport à 2016 (185,7 millions d'euros). Conformément à un nouveau mode de calcul adopté en début d'année 2018, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a obtenu cette année 25 % de 3 % des recettes collectées, soit 1,38 million d'euros pour financer le recrutement de personnels vacataires. Ces vacations permettent d'apporter des renforts ponctuels appréciables aux postes qui en ont besoin pour le traitement des demandes de visas. On espère qu'avec la progression de l'activité, elles seront au rendez-vous en 2019. Le déploiement de l'application France-Visas, envisagé en 2020, devrait permettre de réduire encore les délais d'instruction, qui sont en moyenne de 4,3 jours en 2017 mais restent variables selon les postes.
Je voudrais maintenant évoquer, comme l'an passé, les conséquences du Brexit sur la situation des quelque 300 000 Français (et plus largement des 3 millions de ressortissants européens) qui résident au Royaume-Uni. Si Londres avait présenté dès juin 2017 une proposition relative aux droits des citoyens de l'UE, celle-ci laissait subsister de nombreux points d'interrogation. Les négociations conduites par la suite ont abouti le 19 mars 2018 à un projet d'accord assez complet. Celui-ci prévoit en effet que les citoyens européens présents à la fin d'une période de transition (soit le 31 décembre 2020) pourront continuer à vivre, travailler ou étudier au Royaume-Uni dans les mêmes conditions que celles prévues actuellement par le droit européen, ceux y ayant résidé pendant cinq ans à cette date pouvant bénéficier du statut de résident permanent. Le droit au regroupement familial serait garanti et les citoyens conserveraient leurs droits sociaux et d'accès aux soins. Au-delà de la période de transition, les droits des citoyens européens dépendront de l'accord sur les relations futures et à défaut, de la législation nationale britannique.
L'entrée en vigueur de cet accord reste cependant conditionnée à l'obtention d'un accord d'ensemble sur le Brexit, qui devait intervenir à l'automne, ainsi qu'à l'accomplissement des formalités de ratification. Or, depuis l'échec du Conseil européen d'octobre, l'éventualité d'un no deal paraît de plus en plus crédible. Quelles mesures à l'égard de nos ressortissants le Royaume-Uni va-t-il prendre dans cette hypothèse? Pour l'heure, nous n'en savons rien.
Quoi qu'il en soit, la Direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire a reçu pour consigne de se préparer à ce scénario. Il s'agira notamment de lancer une campagne de communication adaptée pour informer les ressortissants et leur permettre d'anticiper les démarches à accomplir, suivant les instructions du Home Office britannique. En outre, le Consulat général de Londres serait renforcé pour mieux répondre aux interrogations de nos concitoyens (accueil téléphonique, guichet, traitement des demandes d'actes d'état civil et de passeports...).
Côté britannique, la mise en place de nouvelles procédures administratives sera nécessaire pour l'obtention du statut de résident permanent. Le Royaume-Uni a ainsi prévu d'inaugurer avant la fin de l'année 2018 un dispositif d'enregistrement en ligne pour recueillir les demandes. Mais les associations de citoyens européens résidant au Royaume-Uni sont très inquiètes quant à la capacité de l'administration britannique de procéder sans erreurs à l'enregistrement de tous les citoyens de l'UE avant la date effective du Brexit. Elles s'inquiètent également des orientations futures de la politique migratoire britannique, après les déclarations de la Première ministre Theresa May en faveur d'une immigration choisie.
Enfin, une préoccupation est le traitement qui sera réservé aux quelque quatre millions de ressortissants britanniques qui viennent en France chaque année : seront-ils exemptés de visas? Dans le cas contraire, il faudrait renforcer le poste consulaire de Londres d'un millier d'ETP, un effort hors de portée!
Pour finir, je voudrais évoquer les perspectives de réforme de la représentation des Français de l'étranger, dont le Président de la République avait exprimé le souhait lors de la session d'automne de l'AFE de l'année dernière. Parmi les raisons qui justifieraient une réforme figurent notamment l'insuffisante lisibilité de cette représentation et un turn-over trop important des élus consulaires, qui occasionne, nous dit-on, beaucoup d'élections partielles. La différenciation entre les élus consulaires qui siègent à l'AFE et les autres est aussi parfois mal vécue. Après une consultation des élus et des grandes associations de Français de l'étranger, le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne a livré en mars 2018, lors de la 28e session de l'AFE, une première restitution soulignant les points d'accord : nécessité de conserver des élus de proximité élus au suffrage universel direct, de garder aussi une représentation non parlementaire au plan national, de former davantage les élus des Français de l'étranger et de renforcer leurs liens avec les élus parlementaires. Selon le directeur des Français de l'étranger que nous avons auditionné, la réforme, dont les contours définitifs ne sont pas encore arrêtés, pourrait conduire à une réduction du nombre de conseillers consulaires qui sont actuellement, je le rappelle, 442. Le mode de fonctionnement de l'AFE pourrait être revu, une possibilité étant que l'une des deux sessions plénières annuelles soit supprimée et remplacée par une commission permanente réunissant le bureau de l'AFE et les parlementaires, ce qui, à mon sens, pourrait être une bonne chose. Cette réforme ne pouvant intervenir avant celle de la représentation nationale, son calendrier a été décalé et, en tout état de cause, il n'est pas prévu qu'elle entre en vigueur avant les élections consulaires de 2020. Nous suivrons évidemment l'évolution de ce dossier avec la plus grande attention.
Pour conclure, nous ne vous proposons pas d'avis à ce stade car notre vote sur ce programme est réservé jusqu'au vote de l'ensemble de la mission « Action extérieure de l'Etat » la semaine prochaine (mercredi 14 novembre). A titre personnel cependant, il me semble que le processus de rationalisation imposé depuis des années au réseau consulaire ait atteint ses limites. Alors que celui-ci n'a cessé de se moderniser et d'économiser depuis une dizaine d'années, ce qui se profile s'apparente plus à du rabot qu'à une rationalisation vertueuse. Une telle stratégie fragilise le service rendu à nos compatriotes à l'étranger et affaiblit notre influence, qui passe par le maintien d'une implantation matérielle et humaine.