Intervention de Jean-Philippe Vinquant

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 23 octobre 2018 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Philippe Vinquant directeur général de la cohésion sociale délégué interministériel à l'égalité femmes-hommes

Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, délégué interministériel à l'égalité femmes-hommes :

Merci Madame la présidente. Mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui répondre à vos questions sur le soutien financier apporté à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre toutes les violences faites aux femmes.

Il est vrai que nous sommes dans l'actualité budgétaire. Vous avez pris connaissance du projet de loi de finances pour 2019 proposé par le Gouvernement. Si le projet annuel de performances du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » contient un certain nombre d'informations, il n'apporte pas forcément tous les éclairages nécessaires sur l'ensemble des dispositifs et des mesures de la politique d'égalité. Par exemple, les indicateurs de performance sont choisis en nombre restreint pour concentrer l'attention sur un certain nombre d'objectifs, que l'on retrouve d'une année sur l'autre. Je vais donc m'efforcer de vous apporter un éclairage plus précis sur la façon dont la politique interministérielle se décline et dont elle est financée, non seulement par le programme 137, mais aussi par d'autres missions et programmes de nombreux ministères.

J'ajouterai aussi que la politique d'égalité fait l'objet d'un taux de co-financement assez élevé, notamment de la part des collectivités territoriales. Malheureusement, il est difficile de retracer l'effort budgétaire réalisé par ces institutions décentralisées en matière de soutien à la politique d'égalité et des droits des femmes.

Je vais tout d'abord vous présenter brièvement la nouvelle architecture du programme 137, désormais composée de trois actions. Il est vrai que cette nouvelle présentation ne facilite pas les comparaisons d'une année sur l'autre et implique donc un « recalage » pour apprécier l'évolution des crédits entre 2018 et 2019.

Dans le cadre de la grande cause nationale du quinquennat et des mesures annoncées le 25 novembre 2017 par le Président de la République, puis par le Premier ministre lors du comité interministériel de l'égalité entre les femmes et les hommes, le Gouvernement a souhaité rendre plus visibles les grands axes structurants de sa politique d'égalité ; ils correspondent aux trois actions du programme 137 remanié et soulignent l'importance de la prévention et de la lutte contre toutes les formes d'agissements et de violences sexistes et sexuels, dans la sphère privée, publique ou professionnelle. Vous le savez, la libération de la parole a notamment eu pour conséquence de mettre en exergue le fait que la sphère professionnelle n'est pas exempte de violences, qu'il s'agisse d'agissement sexistes ou d'agressions sexuelles.

La nouvelle action 21 « Politiques publiques - accès au droit » regroupe ainsi les crédits destinés à soutenir l'ensemble des dispositifs qui permettent d'informer, d'accompagner et de favoriser l'accès aux droits des personnes victimes de violences.

La nouvelle action 22 « Partenariats et innovations » regroupe les crédits promouvant la culture de l'égalité que l'on souhaite développer dès le plus jeune âge, dans l'ensemble des champs de la vie quotidienne et de la vie professionnelle.

Le Gouvernement a souhaité faire mieux apparaître les crédits favorisant l'émergence de partenariats et d'initiatives nouvelles pour promouvoir cette culture de l'égalité. Ces actions innovantes auront ensuite vocation à trouver des co-financements en provenance d'autres partenaires pour atteindre une forme de pérennisation.

La nouvelle action 23 « Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes » finance les actions de communication et de sensibilisation.

Vous avez peut-être vu actuellement à la télévision un certain nombre de spots de prévention sur les violences faites aux femmes. Nous le savons, il ne suffit pas de concevoir des dispositifs, d'affirmer des droits et de mettre en place des mesures d'accompagnement pour que les personnes victimes pensent ou osent y avoir recours. La sensibilisation du grand public ou une action de communication plus spécifique vis-à-vis des acteurs professionnels par des modules de formation sont aussi très importantes. L'action 23 retrace donc les crédits de communication dédiés au portage et à la visibilité de cette politique d'égalité et de lutte contre les violences.

J'ajoute que le Service d'information du Gouvernement (SIG), placé auprès du Premier ministre, contribue également aux campagnes de communication sur la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes. Le SIG a notamment porté les crédits de conception de la campagne télévisée en cours, à travers une commande publique. À l'issue d'un comité de sélection, une agence a été choisie et la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a retenu la campagne actuellement diffusée sur les écrans, dans le cadre d'un partenariat fort avec l'audiovisuel public.

Voilà pour cette présentation rapide de la nouvelle maquette, qui me paraît mieux mettre en adéquation la présentation budgétaire avec les grands axes de la politique publique menée par le Gouvernement.

Je tiens à vous rassurer : cette nouvelle présentation n'entraînera pas une perte de visibilité ou d'information sur des actions qui étaient auparavant retracées dans une ligne budgétaire à part entière. Je pense notamment à l'accompagnement des personnes prostituées dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution. Les crédits sont bien sûr toujours présents et n'ont pas disparu.

La grande majorité des crédits du programme 137 correspond à des partenariats locaux, même si un soutien aux têtes de réseaux nationales a été renouvelé dans le cadre de conventions pluriannuelles d'objectifs sur une période d'au moins trois ans, afin de leur donner de la visibilité.

En ce qui concerne le volume des crédits prévus dans le PLF 2019, le projet de budget qui vous est présenté s'inscrit dans la volonté du Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, de garantir une budgétisation beaucoup plus sincère. Concrètement, l'objectif est d'aboutir à une exécution au niveau des crédits votés, ni plus, ni moins.

Cette volonté s'est d'ailleurs accompagnée d'une évolution en gestion, puisque cette année, pour la première fois depuis plus de dix ans, il n'y a pas eu de décret d'ouverture ou d'annulation de crédits en cours de gestion. Le Gouvernement tient son engagement consistant à en finir avec les « coups d'accordéon », où l'on voyait les crédits de certains programmes grossir en cours d'exécution ou au contraire se réduire comme peau de chagrin.

Cette volonté se traduit aussi par le retour de la réserve de précaution à un niveau beaucoup plus conforme à sa vocation initiale ; je rappelle que cette réserve vise à pallier un aléa exceptionnel des dépenses publiques.

J'ai donc le plaisir de vous annoncer que les taux d'exécution des crédits votés par le Parlement en 2018 seront beaucoup plus élevés que la moyenne des crédits consommés au cours des dernières années. Certes, une part substantielle des crédits du programme 137 a été annulée en gestion en 2017. Le nouveau Gouvernement s'est en effet vu contraint de prendre des mesures de régulation, face à une situation budgétaire plus dégradée que celle à laquelle il s'attendait, à l'issue de l'audit des finances publiques réalisé par la Cour des comptes.

Cela explique une exécution des crédits très inférieure au niveau des crédits initiaux votés par le Parlement en 2017. Pour autant, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a fait en sorte que les actions prioritaires portant sur l'accès aux droits et les interventions essentielles soient préservés.

En 2018, la donne va s'inverser. Nous n'avons pas encore de chiffres définitifs à vous communiquer sur nos perspectives de consommation des crédits, mais je peux d'ores et déjà vous dire que le niveau d'engagement de crédits, au niveau national et dans les services déconcentrés, est supérieur à l'exécution des crédits en 2017, alors même que nous ne sommes qu'au mois d'octobre.

Par ailleurs, le Parlement disposera d'une information plus précoce sur la fin de gestion et sur le bouclage du budget global de l'État en 2018, puisque le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d'année sera présenté beaucoup plus tôt que les années précédentes, avant la fin de la discussion du projet de loi de finances (PLF) 2019.

C'est un progrès dans l'information disponible sur le niveau des crédits réellement mobilisés en 2018 dans le cadre du programme 137.

Évidemment, ce programme ne résume pas l'intégralité de l'effort de l'État en matière de soutien direct à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes et des droits des femmes.

Vous avez cité à juste titre le document de politique transversale (DPT) « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes », qui retrace chaque année le montant des crédits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) mobilisés par chacun des départements ministériels pour contribuer directement à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes. Le DPT ne vise pas à présenter la totalité des financements qui bénéficient aux femmes sur le territoire national, sinon il retracerait aussi toutes les pensions de retraite servies aux fonctionnaires retraitées et nous aurions un montant bien plus important. Dans cette logique, on pourrait aussi ajouter les dépenses de l'assurance-maladie bénéficiant aux femmes...

Un tel montant serait certes plus flatteur, mais passerait totalement à côté de l'exercice du DPT qui consiste à retracer les crédits affectés à la correction d'inégalités et à l'accès aux droits, et plus généralement à la promotion des droits des femmes.

L'an dernier, le document de politique transversale « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes » faisait déjà apparaître des progrès dans l'identification, par chacun des ministères, des crédits directement consacrés à la politique de l'égalité. Le montant global du DPT annexé au PLF pour 2018 était donc significativement supérieur à celui de 2017, à travers des extensions de périmètre, de nouveaux programmes ou de nouvelles missions venant effectivement apporter leur contribution directe à cette politique.

Pour 2018, le DPT n'est pas encore totalement finalisé mais devrait être disponible début novembre. Avec l'aide des ministères contributeurs, les crédits du DPT annexé au PLF 2019 sont en double progression. D'une part, on observe une extension de périmètre, à travers l'augmentation du champ des missions et programmes concourant à la politique d'égalité. Nous avons intégré des missions et programmes gérés par des ministères qui n'arrivaient pas, jusque-là, à identifier la part des crédits et actions promouvant directement l'égalité.

On note à cet égard un progrès sensible de la direction du Trésor, grâce au travail très fin qu'elle a réalisé s'agissant des crédits d'aide publique au développement (APD) consacrés à la promotion de l'égalité femmes-hommes dans des pays étrangers. Ce sont ainsi 60 millions d'euros de crédits nouveaux qui sont identifiés dans le cadre de la diplomatie des droits des femmes fermement soutenue par notre pays - la nouvelle feuille de route en la matière a été récemment présentée par le ministre des Affaires étrangères.

Nous avons aussi la satisfaction de voir les crédits de nombreux ministères augmenter à périmètre constant ; cela signifie que le montant de plusieurs actions déjà identifiées et chiffrées l'an dernier est en hausse cette année.

En conséquence de cette double progression, le DPT « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes » annexé au PLF pour 2019 devrait pouvoir afficher un montant de plus de 500 millions d'euros en AE et 450 millions d'euros en CP.

Voilà pour cette présentation rapide de l'effort budgétaire en faveur de l'égalité femmes-hommes dans le budget pour 2019.

En ce qui concerne la situation des associations, je ne peux vous donner à ce stade que des informations portant sur le soutien qui relève de la part nationale du programme 137. En effet, la programmation déconcentrée, fondée sur des partenariats et des financements locaux, rend difficile une consolidation nationale des données, alors même que la gestion 2018 est toujours en cours.

Nous sommes en progression sur les crédits consacrés aux subventions aux associations au niveau national, notamment s'agissant des grandes têtes de réseau dont certaines remplissent ce que l'on peut qualifier de mission de service public. Je pense en particulier au numéro national d'appel et d'écoute des femmes victimes de violences (3919) porté par la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF).

Par rapport à l'année 2016, où nous avions atteint en crédits de paiement un niveau de 4,7 millions d'euros, pour 2018, notre prévision d'exécution au 18 octobre - il s'agit de chiffres très récents - est de 5,5 millions d'euros.

Sur les crédits déconcentrés, comme je vous le disais, il n'y a actuellement pas de consolidation des financements allant directement aux associations. Ces moyens soutiennent également d'autres acteurs ou opérateurs du monde du spectacle, de la culture, de l'entreprise...

Par ailleurs, nous avons aussi lancé, à l'initiative de la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, un appel à projets très innovants pour soutenir des actions nouvelles en faveur de la lutte contre les agissements sexistes ou les agressions sexuelles dans le monde du travail. Cet appel à projets a rencontré un certain succès puisque nous avons financé deux lauréats nationaux alors que nous pensions en récompenser un seul. Chacun de ces projets a donc été financé à hauteur de 100 000 euros, au lieu des 150 000 euros, sur un projet unique, initialement envisagés.

De plus, nous avons retenu, à l'issue d'un comité de sélection, un projet par région - malheureusement pas dans tous les DOM - et chacun de ces projets recevra 50 000 euros de subvention. Les conventions sont en cours de finalisation.

Ainsi, au-delà des crédits délégués aux préfets de région et aux directions régionales des droits des femmes, nous avons dégagé une enveloppe de plus de 500 000 euros pour favoriser des projets nouveaux portés parfois par des acteurs associatifs, mais parfois aussi par des acteurs issus du monde de l'entreprise. Par exemple, nous finançons un grand OPCA3(*) qui va élaborer un kit de formations à l'égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations et les agissements sexistes dans le monde du travail.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que nous savons d'ores et déjà que l'exécution 2018 des crédits nationaux et déconcentrés sera supérieure à la consommation des crédits en 2016 et 2017. Voilà qui matérialise concrètement notre effort de soutien à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes. Ces crédits bénéficient aussi bien aux associations qu'à d'autres types d'intervenants, comme je viens de le souligner.

Je me propose maintenant de répondre à vos questions si vous en avez à ce stade, avant d'évoquer la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution.

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