Intervention de Jean-Philippe Vinquant

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 23 octobre 2018 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Philippe Vinquant directeur général de la cohésion sociale délégué interministériel à l'égalité femmes-hommes

Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, délégué interministériel à l'égalité femmes-hommes :

J'en viens maintenant au soutien apporté par l'État aux principaux dispositifs. Ce soutien est en augmentation en 2018, du point de vue des crédits réellement consommés. Notre objectif n'est pas de proposer une hausse des crédits inscrits en loi de finances initiale votée par le Parlement, avec le risque de mises en réserve importantes et d'annulation de crédits en cours de gestion, mais plutôt de tendre vers une hausse réelle des crédits exécutés. Ce résultat est finalement plus avantageux pour les bénéficiaires de ces financements.

Cette politique doit aussi être nécessairement cofinancée. Les partenariats locaux font que les collectivités territoriales ne sont pas appelées à concourir à cette politique seulement pour pallier un éventuel désengagement de l'État, s'agissant notamment du financement des associations. Tous les cas qui ont été cités ne sont pas liés à une diminution des subventions versées par l'État mais à la baisse de celles d'autres financeurs, sur lesquels l'État n'a pas la maîtrise, sauf à contrevenir à la libre administration des collectivités territoriales, inscrite dans la Constitution et chère au Sénat.

Le niveau de financement par l'État reste très majoritaire sur l'ensemble des dispositifs d'accompagnement des victimes de violences : ainsi le financement des lieux d'écoute et d'orientation est assuré à 50 % par des crédits d'État et à 37 % par les collectivités territoriales, celui des 121 sites d'accueils de jour recensés en 2017 dans 96 départements l'est à hauteur de 54 % par l'État et 18 % par les collectivités territoriales. L'accompagnement des personnes victimes de violences au sein des couples est quant à lui assuré par l'État à hauteur de 79 %.

Le Gouvernement ne méconnaît pas les difficultés financières que peuvent rencontrer certaines collectivités territoriales, c'est pourquoi il a été décidé de ne pas diminuer le montants des dotations et concours apportés par l'État aux différents niveaux des collectivités territoriales, crédits qui avaient baissé sur trois ans lors de la précédente mandature.

Vous évoquez la contractualisation dite « pacte de responsabilité ». Je rappelle que lorsque les collectivités territoriales finançaient déjà ce type de dispositifs avant la contractualisation, pour le calcul du taux directeur d'évolution de leur dépense réelle de fonctionnement, il a été décidé de comptabiliser ces dépenses en base dans leur budget, et non comme des dépenses en augmentation. Autrement dit, si une collectivité territoriale qui finançait déjà en 2016 ou 2017 des associations actives en matière de lutte contre les violences faites aux femmes maintient le même niveau de financement dans le cadre de la contractualisation, ces financements ne seront pas pris en compte dans le calcul du taux de progression de leurs dépenses défini par le pacte, et ne contreviendront donc pas aux dispositions de la contractualisation définies avec les préfets.

Notre politique doit nécessairement être portée par l'ensemble des institutions publiques ; que les collectivités territoriales accompagnent des associations par des facilités telles que des prêts de locaux me semble relever d'une politique publique globale au plus près des territoires dans laquelle excellent les collectivités.

J'en viens aux questions portant sur la prévention des violences faites aux femmes, notamment le téléphone grave danger (TGD), dispositif très utile même s'il ne peut malheureusement prévenir l'ensemble des cas de récidive d'un conjoint ou ex-conjoint violent.

Les juridictions attribuent ces téléphones sur la base d'une dotation gérée par le ministère de la Justice ; nous n'avions pas une couverture de l'ensemble du territoire, notamment parce que les territoires d'Outre-mer n'en étaient pas encore dotés. C'est le cas aujourd'hui, le TGD ayant été étendu à l'ensemble des territoires d'Outre-mer. Il s'agit désormais d'un dispositif mieux connu des magistrats et des associations qui accompagnent les femmes victimes de violences, après une montée en puissance il est vrai assez longue. Actuellement, 500 TGD ont été distribués. Même si ce dispositif ne parviendra pas à prévenir tous les cas de violences ou de récidives, son utilisation va croître dès lors que son existence sera encore mieux connue des magistrats et des associations. Il pourra être utilisé conjointement à d'autres mesures de protection des personnes, telles que l'éloignement du conjoint ou ex-conjoint violent.

J'en viens à l'accompagnement du nombre toujours plus grand de femmes qui témoignent et déposent plainte, auquel l'État doit prendre sa part. À cet égard, nous avons augmenté le financement du numéro national géré par la FNSF afin de lui permettre de recruter des écoutants supplémentaires pour répondre à un volume d'appel en augmentation significative et délivrer via le 3919 des conseils téléphoniques aux femmes qui osent désormais déposer plainte. Nous avons accompagné cette importante association dans le cadre d'une convention pluriannuelle d'objectifs, ainsi que d'autres numéros nationaux tel que le numéro d'appel relatif aux violences contre les enfants, parce que nous constatons des cas de violences exercées contre la femme dans le couple, mais aussi contre les enfants, témoins ou victimes de violences de la part du conjoint.

Quant aux critiques qui vous reviennent des territoires sur l'insuffisance du niveau de financement, il serait pour le moins étonnant qu'il soit jamais estimé suffisant... Je demande donc que l'État financeur puisse bénéficier d'un plus grand nombre d'éléments d'appréciation sur l'activité des services qu'il subventionne et sur leur qualité d'organisation parce que certains centres, notamment les CIDFF, se révèlent plus ou moins efficacement gérés. À cet égard, nous menons un travail avec le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), à travers un accompagnement par l'Agence nouvelles des solidarités actives, afin que l'allocation des ressources soit la plus juste possible, en fonction de la qualité du service rendu et de leur réponse aux besoins. Je ne pose pas en axiome que l'efficience est générale dans l'ensemble des systèmes d'accompagnement des femmes victimes de violences ou d'autres personnes vulnérables, ni qu'ils sont tous insuffisamment financés ; afin de mener les politiques publiques, il est nécessaire de définir les indicateurs les plus pertinents pour allouer les ressources.

Les mesures portant sur la présence d'intervenants sociaux formés et intégrés au sein des commissariats et des gendarmeries et gérées par le ministère de l'Intérieur sont plébiscitées, des crédits complémentaires ayant aussi été apportés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR). Toutefois, on peut observer une certaine concurrence pour l'affectation de ces crédits entre deux domaines d'action également légitimes. En effet, l'importance de la mobilisation des conseils départementaux de prévention de la délinquance et de lutte contre la radicalisation (CDPDR) sur la prévention de la radicalisation, à travers des interventions dans des quartiers prioritaires ou dans des milieux dans lesquels l'intégrisme progresse, conduit à consommer une part importante de ces financements, au détriment d'autres actions en faveur des droits des femmes, même si elles demeurent importantes et légitimes.

Nous estimons néanmoins qu'il n'appartient pas au programme 137 de financer des personnels du ministère de l'Intérieur.

Les UMJ doivent favoriser le recueil de preuves pour faire en sorte que les auteurs puissent être condamnés. Dans le cadre des mesures annoncées par le président de la République le 25 novembre 2017, nous travaillons sur la possibilité de recueillir des preuves avant le dépôt de la plainte, notamment dans les cas de viol ou de violences physiques. Cela pose néanmoins un certain nombre de problèmes juridiques et de financement. Cette mesure figure dans le 5ème plan de prévention des violences faites aux femmes mis en oeuvre avec le ministère de la Justice et celui de la Santé.

Le nombre de commissions départementales de lutte contre la prostitution atteint désormais 55, avec 62 pour prochain objectif. Il est vrai que c'est dans les départements où les phénomènes prostitutionnels sont les plus marqués et la mobilisation des services de l'État la plus importante, que ces commissions ont été créées le plus rapidement. Certains départements considèrent qu'il n'y a pas lieu de créer de commissions en l'absence de prostitution sur leur territoire, mais nous leur objectons que seule la création de cette commission permettrait de quantifier les phénomènes prostitutionnels, plus ou moins visibles... Cela permet en effet de mener une action de veille à travers l'agrément d'une association dédiée à l'écoute et à l'accompagnement des victimes, afin d'alimenter la commission en dossiers.

Enfin, je précise que la diminution de la part des crédits du programme 137 au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'explique par l'accroissement sensible des montants affectés à la prime d'activité, qui passent de 4,2 à 5,3 milliards d'euros. Je souligne d'ailleurs que les femmes en sont les principales bénéficiaires, en tant que travailleuses à temps partiel ou exerçant des métiers précaires aux niveaux de rémunération proches du SMIC, donc assez faibles.

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