Intervention de Stéphane Piednoir

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « recherche et enseignement supérieur » - crédits « recherche » et « enseignement supérieur » - examen du rapport pour avis

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir, rapporteur pour avis :

Les crédits de l'enseignement supérieur sont répartis en deux programmes principaux : le programme 150 qui finance les établissements et qui augmente de 1,2 % en 2019, et le programme 231 qui finance la vie étudiante et qui augmente de 0,3 %. Ces augmentations se situent en-deçà de l'augmentation du budget général de l'État et sont surtout bien inférieures aux évolutions des effectifs étudiants : + 2,68 % à la rentrée 2018 et + 2,26 % l'an prochain, voire plus si le Plan Étudiants porte ses fruits et je le souhaite !

Mme la ministre nous annonce cette année 166 millions d'euros supplémentaires en faveur des établissements auxquels s'ajouteront 40 millions d'euros liés à un moindre gel des crédits. Avec ces sommes, les établissements vont d'abord s'acquitter des charges incontournables qui sont les leurs : 50 millions d'euros pour le GVT-État, autant pour la compensation de l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) et 30 millions d'euros pour la mise en oeuvre du Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Si l'on ajoute 50 millions d'euros nécessaires à l'extension en année pleine des mesures lancées en 2018 dans le cadre du Plan Étudiants, ne resteraient plus que 26 millions d'euros pour lancer des actions véritablement nouvelles en 2019... Les équipes pédagogiques des universités et des écoles se sont impliquées avec enthousiasme dans la mise en oeuvre du Plan Étudiants et je ne voudrais pas qu'elles soient découragées par la maigreur des moyens que Mme la ministre est capable de mettre en face pour financer les nouveaux projets. Lorsque je compare cette somme aux trois milliards d'euros destinés à mettre en place le service national universel je reste songeur ...

Par ailleurs, je suis consterné du peu de soutien public que reçoivent les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG). Ces établissements, non lucratifs et reconnus par l'État -avec lequel ils contractualisent comme les universités-, contribuent au service public de l'éducation. Mais le soutien public dont ils bénéficient est passé en dix ans de 1 130 à un peu plus de 600 euros par an et par étudiant. Je reconnais à l'actuel Gouvernement le mérite d'avoir enrayé la baisse vertigineuse des crédits constatée lors du précédent quinquennat mais nous sommes encore loin des niveaux d'il y a dix ans. C'est pourquoi, je vous propose d'adopter un amendement qui constituerait la première étape d'un plan triennal visant à revenir au niveau symbolique de 1 000 euros par étudiant (ce qui représente moins de 10 % de ce que la Nation investit chaque année pour un étudiant inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur public).

Les droits d'inscription dans l'enseignement supérieur public, après trois années de gel, diminuent cette année en raison de la suppression d'une contribution étudiante dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants. Nous devons nous interroger sur la cohérence de ces droits d'inscription au regard de la qualité des formations proposées dans l'enseignement supérieur public français et des besoins de financement de nos établissements.

Sur la vie étudiante, je voudrais saluer la suppression de l'allocation de recherche du premier emploi (ARPE), dont Jacques Grosperrin avait demandé la suppression chaque année depuis sa création en 2016 dans le cadre de la loi El Khomri. Il s'agissait d'une aide purement financière, le jeune diplômé n'était absolument pas accompagné et l'impact de cette aide n'a jamais été évalué. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 78 rattaché à la mission qui supprime l'ARPE.

En contrepartie de cette suppression, Mme la ministre nous propose la création d'un fonds d'aide à la mobilité à l'entrée dans le supérieur doté de 30 millions d'euros. Je m'interroge sur le calibrage financier de ce fonds, quand on sait que l'enveloppe de 7 millions prévue en 2018 n'a donné lieu qu'à treize aides versées, soit probablement moins de 10 000 euros effectivement dépensés.

S'agissant de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC), dont le produit est plafonné pour 2019 à 95 millions d'euros, j'ai demandé hier soir à Mme la ministre que le gouvernement dépose au Sénat un amendement revalorisant le plafond pour 2019 à 130 millions d'euros dans un souci de sincérité budgétaire et afin de ne pas alimenter directement le budget général de l'État.

Je considère que la plateforme Parcoursup a plutôt bien fonctionné cette année. Je suis tout à fait favorable à la philosophie qui sous-tend son fonctionnement : orienter les candidats vers les formations de leur choix mais dans lesquelles ils ont le plus de chances de réussir ! Être sélectionné par un établissement, c'est motivant pour le candidat et c'est aussi engageant pour l'établissement et l'équipe pédagogique qui a choisi ce candidat.

Néanmoins des améliorations sont nécessaires et Mme la ministre a déjà fait quelques annonces auxquelles je souscris : le raccourcissement du calendrier, pour éviter la congestion observée jusqu'à la rentrée de septembre qui a mis certains établissements en difficulté ; la mise en place d'un « répondeur automatique » pour les candidats sûrs de leurs choix ; l'amélioration de l'information donnée aux candidats avec notamment le rang du dernier appelé sur la liste d'attente et la clarification de l'offre de formation.

En matière d'information, sans aller jusqu'à la publication des fameux algorithmes locaux, je suggère que les formations soient plus précises sur les critères qu'elles prennent en compte dans le classement des dossiers : c'est une information importante pour les candidats afin de s'étalonner et de faire des voeux réalistes. C'est aussi une question de transparence qui devrait contribuer à la confiance des candidats dans la plateforme.

À titre personnel, je suis très réservé sur la proposition de Mme la ministre d'anonymiser les dossiers des candidats, alors même qu'aucun cas avéré de discrimination n'a été porté à notre connaissance. Faire disparaître l'adresse du candidat ou son lycée d'origine serait peut-être même tout à fait contreproductif car certaines universités privilégient parfois les jeunes des lycées de proximité avec lesquels elles ont noué des partenariats ...

Le bilan du Plan Étudiants et de Parcoursup ne fait que commencer. Nous allons avoir besoin d'études quantitatives et qualitatives fines pour nous faire une idée plus précise au cours des mois et des années qui viennent, notamment sur l'efficacité des parcours personnalisés issus des fameux « oui si ».

Le véritable étalon de cette réforme sera le taux de réussite de nos jeunes dans le premier cycle de l'enseignement supérieur. Permettez-moi de vous rappeler qu'en 2016, le taux de réussite de la licence en trois ans était de 27,8 % et dans les documents annexés au présent projet de loi de finances, le Gouvernement propose prudemment d'atteindre 30 % en 2020...

Sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la MIRES.

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