Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 novembre 2018 à 17h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal secrétaire d'état auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Le remaniement a permis de clarifier les compétences de mon ministère en y incluant la jeunesse. Derrière ces mots transparaît notre engagement et le projet de service national universel (SNU).

Ce budget traduit la priorité accordée à l'éducation par le gouvernement. Je tiens à souligner la notion de puissance éducative que le Président de la République a évoquée lors de sa dernière intervention télévisée, ce qui souligne l'importance de l'éducation pour le rayonnement international de notre pays et au niveau intérieur. La France peut être une puissance éducative du XXIe siècle.

Ce budget approfondit le sillon de la politique initiée l'année dernière et dont l'objectif est clair : l'élévation générale du niveau et la justice sociale. Ces deux points sont corrélés. C'est parce que nous sommes ambitieux et exigeants avec les élèves que l'école est à la hauteur de sa mission républicaine de progrès social.

Le budget qui vous est proposé pour 2019 s'établit à 51,7 milliards d'euros - hors cotisations aux pensions de l'État -, avec une augmentation de 1,7%, soit 861 millions d'euros supplémentaires.

Avec 811 millions d'euros supplémentaires sur le périmètre de l'enseignement scolaire, nous continuons la transformation profonde du système éducatif que les Français demandent. Cette augmentation nous donne les moyens d'être à la hauteur des principes républicains que nous défendons et d'atteindre ainsi nos objectifs :

- donner plus à ceux qui ont besoin de plus, conformément au principe de fraternité ;

- transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves, en personnalisant davantage nos pédagogies, conformément au principe de justice et d'égalité ;

- mieux les accompagner dans la conception de leur projet de poursuite d'étude ou d'insertion professionnelle, conformément au principe de liberté.

Cette transformation sera possible grâce à l'unité de la société autour de son école et de ses professeurs, pour lesquels il nous faut davantage investir dans la formation, et mieux les accompagner tout au long de leur carrière grâce à une politique de ressources humaines innovante allant de pair avec une politique de rémunération.

Le budget que nous présentons répond à des choix budgétaires en parfaite cohérence avec le projet politique qui vise à permettre à chacun d'avoir la maîtrise de son avenir.

À l'école primaire, l'objectif prioritaire porte sur les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. Rien de solide ni de durable ne peut se faire si tous les élèves ne les maîtrisent pas. Sinon, il leur est impossible de se projeter dans la culture et de se saisir de leur vie. Les 20 % des enfants qui quittent l'école primaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, sont, en grande partie, les plus défavorisés socialement. Nous devons corriger cette injustice.

Cette priorité accordée à l'école primaire se justifie plus encore par le niveau de nos dépenses, puisque la France dépense moins pour son école primaire et plus pour son enseignement secondaire que la moyenne des pays de l'OCDE. Alors que moins d'élèves sont attendus dans l'école primaire, nous faisons de cette dernière une priorité.

Ainsi, la rentrée prochaine verra la création de 2 325 postes devant élèves, alors même que nous accueillerons 60 000 élèves en moins. Dans chaque département de France, à chaque rentrée scolaire, le taux d'encadrement de l'école primaire va s'améliorer. Les moyens de remplacement seront préservés et l'école rurale sera consolidée.

Ce volontarisme budgétaire nous permet aussi de donner sa pleine dimension à l'une des mesures de justice sociale les plus importantes du gouvernement : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation renforcés (REP et REP+). Après 60 000 élèves à la rentrée 2017 et 190 000 cette année, ce seront 300 000 élèves qui bénéficieront de la mesure de dédoublement des classes à la rentrée 2019. Un écart s'avère parfaitement mesurable entre les REP et REP+ et le reste du pays en termes de maîtrise de la lecture et de l'écriture.

Les élèves de CE1, qui ont bénéficié du dispositif de REP+, savent presque tous lire et écrire de manière fluide. Cette démarche va à la racine des inégalités. La France est pionnière en la matière.

Cette priorité s'accompagnera de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, qui constitue une autre grande mesure sociale. 20 000 élèves supplémentaires, dont certains seraient voués à la marginalisation, seront concernés et la France sera le pays qui scolarisera le plus tôt dans son école maternelle, qui fait sa fierté depuis son invention en 1848.

La seconde priorité est d'accompagner les élèves vers la réussite au travers de son second degré. Le volume d'enseignement y sera maintenu en 2019. En effet, la diminution de 2 450 moyens d'enseignement sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. Cette mesure permet d'apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements et garantit aux professeurs une rémunération complémentaire.

Au collège, nous accompagnons plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C'est tout le sens de la mesure « devoirs faits ». Mis en oeuvre à l'automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif poursuit sa montée en charge, avec une augmentation de 27 millions d'euros, pour atteindre 247 millions d'euros en 2019. Cette mesure est décisive pour les collèges et fait évoluer notamment les relations avec les parents d'élèves ainsi qu'entre les enseignants et leurs élèves.

Le soutien aux élèves les plus fragiles passe aussi par l'aide directe dans le cadre scolaire. La fragilité sociale est prise en compte dans ce budget avec une augmentation de 4 % des moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée. Cela représente 739 millions d'euros en 2019. En complément, une enveloppe de 65 millions d'euros de fonds sociaux permet de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d'année. Je crois beaucoup au rôle du chef d'établissement et de son équipe éducative en matière sociale, ce qui motive l'importance accordée aux fonds sociaux dans la composition de ce budget et les initiatives que nous prenons, à l'instar des cités éducatives que nous avons annoncées avec Julien Denormandie, dans la continuité du rapport de Jean-Louis Borloo et des annonces du Président de la République sur la politique de la ville. Certains établissements devraient être dotés de moyens supplémentaires pour devenir des acteurs de la politique sociale, en lien avec les collectivités locales et les administrations.

Venir en soutien des élèves les plus fragiles conduit à garantir une éducation pleinement inclusive pour les élèves en situation de handicap. En 2019, le ministère consacrera 2,7 milliards d'euros à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Notre détermination est sans faille sur cette question. Il s'agit d'offrir aux élèves un accompagnement de qualité par des personnels formés et disposant d'un emploi stable. Pour la première fois, à la rentrée 2018, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dépasse celui des emplois aidés, majoritaires jusqu'à alors. Ce mouvement se poursuivra en 2019, avec le financement de 12 400 nouveaux emplois d'AESH, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite de transformation des contrats aidés en AESH, ainsi que de 6 000 AESH supplémentaires par recrutements directs. Ces accompagnants bénéficieront également de 60 heures de formation annuelle. En outre, le programme de création d'Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) se poursuivra en 2019.

La troisième priorité de ce budget est de renforcer l'attractivité du métier de professeur. C'est un enjeu à la fois national et mondial. Dans le cadre de l'agenda social du ministère, nous échangeons en continu avec les organisations syndicales sur les mesures nécessaires afin d'y parvenir. Plusieurs mesures qualitatives sont prises ou vont l'être prochainement : le développement du pré-recrutement présente une dimension sociale, en aidant les étudiants se destinant au professorat et en renforçant notre système éducatif grâce à l'élargissement du vivier de leur recrutement. La transformation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ÉSPÉ, tout en maintenant leur cadre universitaire, permettra d'améliorer le niveau général des formations qui y sont dispensées et sur lesquelles le ministère de l'éducation nationale doit exercer une certaine maîtrise. Il n'est pas normal que certains futurs professeurs reçoivent moins de vingt heures de formation sur les enjeux de la lecture, alors qu'il en faudrait cent ! Nous aborderons ce point lors de la discussion prochaine du projet de loi relatif à l'école de la confiance.

La gestion des ressources humaines de proximité, au plus près du terrain, sera généralisée, après avoir commencé à titre expérimental. Il s'agit d'un enjeu pour la gestion des carrières et la formation de nos professeurs.

Dès à présent, deux mesures essentielles sont prises : la valorisation de l'engagement des professeurs, en poursuivant la montée en charge de l'engagement présidentiel de relever de 3 000 euros par an les rémunérations des personnels en réseaux d'éducation renforcés (REP+). Cette mesure significative se traduit, dès cette rentrée, par une prime de mille euros et, à la rentrée 2019, par une prime de deux mille euros. J'ai confié une mission à Mme Ariane Azéma et M. Pierre Mathiot sur la dimension territoriale de la politique éducative. Ils ont notamment la charge de réfléchir aux moyens de moderniser nos outils de l'éducation prioritaire pour donner des résultats plus efficaces, dans un but de justice sociale. Il s'agit de concilier la revalorisation du statut de nos professeurs avec la réussite des élèves des zones d'éducation prioritaire.

Nous poursuivons également la relance de la mise en oeuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Cette démarche se traduira par la poursuite du soutien aux jeunes professeurs, avec une revalorisation progressive des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de plus de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Enfin, les parcours de carrière seront dynamisés et revalorisés pour près de 900 000 agents entre 2017 et 2022. Cette revalorisation devrait représenter un milliard d'euros. Elle permettra d'améliorer la situation matérielle des professeurs, ainsi que de revaloriser la considération dont ils bénéficient au sein de la société française.

Ce budget de l'année 2019 traduit les priorités que je viens d'indiquer et se veut cohérent avec les valeurs d'engagement et l'importance conférée à la jeunesse. Le renfort de Gabriel Attal contribuera au succès de cette démarche, dont le service national universel fournira le jalon. Nous voulons un collège où l'on s'engage et réalise les valeurs de la République en les pratiquant. J'ai signé un accord avec la Croix-Rouge afin qu'il y a ait davantage de classes Croix-Rouge dans les établissements. Ce sera également vrai en aval du SNU, avec le développement du service civique et de toutes les formes positives d'engagement que nous pouvons souhaiter pour notre jeunesse et auxquelles notre système scolaire doit donner l'impulsion décisive. Je laisse, à présent, Gabriel Attal le soin de vous présenter la dimension jeunesse et vie associative de ce budget.

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