Intervention de Alain Joyandet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2018 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « santé » - examen du rapport spécial

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet, rapporteur spécial de la mission « Santé » :

Les crédits de la mission augmentent de 3,5 %, après la hausse exceptionnelle de 10 % en 2018, pour atteindre 1,423 milliard d'euros. La mission comporte deux programmes. Année après année, le programme 204, qui finance les missions de santé publique de l'État, est raboté, alors que le programme 183, qui correspond à l'aide médicale d'État (AME), c'est-à-dire l'assistance aux immigrés en situation irrégulière, ne cesse d'être abondé, quasiment sans compter. Pourquoi ?

Les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont passés de 635 millions d'euros à 479 millions d'euros entre 2013 et 2019 quand ceux du programme « Protection maladie », naguère de 744 millions d'euros, atteindront 943 millions d'euros en 2019 et sont une hausse de 53 millions d'euros par rapport à 2018.

Entre 2009 et 2017, l'aide de droit commun, qui constitue l'essentiel de l'AME, a vu son coût croître de 47 % et le nombre de ses bénéficiaires, de 46 %. Dans le même temps, on demande chaque année aux quatre opérateurs du programme 204, survivants d'un processus ininterrompu de fusions et de rapprochements, de rogner quelques points de pourcentage sur leurs frais de fonctionnement. Cette année, c'est - 5 %, et - 2,5 % sur les effectifs ! Certes, il n'est pas mauvais de pousser à l'efficience, surtout pour des organismes qui consomment 328 millions d'euros par an...

Cette année, le périmètre de la mission change peu. Cette stabilisation est bienvenue. De plus, la sincérité que nous demandons depuis des années est présente. Enfin, l'évolution des crédits se situe dans l'épure décidée par les lois de programmation.

Mais depuis 2013, après la suppression du ticket modérateur, les crédits des programmes de santé publique ont été diminués de 25 %, et ceux de l'AME ont augmenté de 27 % ! Je salue les efforts de gestion réalisés par les opérateurs. Pour autant, malgré la hausse de 3 % des crédits de la mission, la diminution constante de leur budget a pour résultat que les objectifs ne sont pas atteints. Ainsi, du dépistage du cancer colorectal : le Gouvernement avait fixé pour objectif de dépister 50 % de la population concernée, et on atteint péniblement les 35 % en exécution 2017. Évidemment : les agences qui font la promotion de ce dépistage voient leurs crédits baisser de quelques points de pourcentage chaque année.

J'estime qu'on ne pourra pas continuer ainsi à réduire sans cesse les moyens des opérateurs de la santé publique. Et, tant que nous n'aurons pas réformé en profondeur l'AME, comme l'a proposé Roger Karoutchi en 2015 - et mis en place une gestion sérieuse des flux migratoires - la situation ne s'améliorera pas. Comme l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne, nous devons revenir sur les règles et les limites de notre AME. On pourrait, par exemple, la limiter aux situations d'urgences, aux grossesses et à la santé des enfants et renforcer les actions de pédagogie. J'estime enfin que la suppression du timbre fiscal de 30 euros a été une erreur. La somme ainsi payée par des immigrés en situation irrégulière les sensibilisait au fait que la gratuité n'existe pas. Il est vrai que cela ne rapportait que 5 millions d'euros, mais c'est justement le montant dont on rabote cette année le programme 204 !

Je vous propose deux amendements. Le premier, d'appel, propose comme l'an dernier de réduire les crédits de l'AME de 300 millions d'euros. Son coût serait ainsi ramené à celui que nous connaissions entre 2007 et 2009. Le second propose de remettre en place un ticket modérateur de 30 euros. Sous réserve de leur adoption, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Santé ».

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