Intervention de Jean-Marc Gabouty

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2018 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » « sécurité et éducation routières » et cas « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « sécurité civile » - examen des rapports spéciaux

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty, rapporteur spécial du programme 207 « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » :

En 2017, après trois années consécutives de hausse - une première depuis 45 ans ! - la mortalité routière recule à nouveau. 3 600 tués ont été dénombrés en métropole et dans les départements d'outre-mer, soit 55 décès de moins qu'en 2016. Cette embellie est cependant fragile, malgré les résultats encourageants des neuf premiers mois de 2018. En effet, le nombre d'accidents et de blessés hospitalisés a continué à croître en 2017.

En outre, le nombre de tués par milliard de kilomètres parcourus se situe désormais au niveau de la moyenne européenne mais s'avère toujours nettement supérieur à ceux de plusieurs de nos voisins tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse.

Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », qui ne représente que 0,2 % du montant de la mission « Sécurités », augmentent de 3,9 % pour s'établir à 41,4 millions d'euros.

Le point saillant de ce programme concerne le permis de conduire, dont les coûts d'organisation représentent plus de la moitié des crédits de ce programme. La réforme de cet examen, initiée en 2014, s'essouffle : les indicateurs de performance stagnent tandis que l'opération « permis à un euro par jour », qui apparaît de nouveau surbudgétée, connaît un succès mitigé.

L'architecture du compte d'affectation spéciale « Radars » est toujours aussi tarabiscotée. Sur son arborescence, une nouvelle branche vient se greffer en 2019. Elle se dirige vers le Fonds médical pour les établissements de santé publics et privés (FMESSP), qui va recueillir le surplus estimé des amendes engendré par l'abaissement de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles, sans séparateur central.

Encore une fois, il me paraît hautement souhaitable de simplifier cette architecture peu lisible, ce qu'a d'ailleurs aussi souligné la commission des finances de l'Assemblée nationale lorsqu'elle a examiné cette mission. Il conviendrait donc de fusionner ces deux sections et de supprimer l'enchevêtrement de ces flux croisés qui diffèrent selon les types d'amendes.

L'estimation du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement n'a jamais été aussi élevée (1 867 millions d'euros). Cette estimation me semble pour le moins prudente : en effet le montant du produit réalisé en 2017 (1 978 millions d'euros) s'est avéré nettement supérieur à l'estimation de la loi de finances initiale pour 2018 (1 848 millions d'euros).

Le produit des amendes forfaitaires (AF) radars - 1 036 millions d'euros - dépasse pour la première fois le produit des autres amendes forfaitaires et des amendes majorées.

Les crédits demandés au titre des quatre programmes du CAS, qui s'élèvent à 1 296 millions d'euros, baissent pour la deuxième année de suite, et diminuent d'environ 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Ces crédits représentent plus des deux tiers du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement.

Seul le programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » voit ses crédits augmenter de plus de 10 %. Cette hausse est principalement destinée, comme l'an passé, à couvrir le besoin de financement des nouveaux radars. En effet, le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni le 9 janvier 2018 n'a pas remis en cause la stratégie arrêtée par le Gouvernement Valls lors du précédent CISR de 2015, à savoir la poursuite de la stratégie de déploiement de nouveaux équipements afin de porter le parc de radars automatiques à 4 700, la modernisation des fonctionnalités des radars (radars vitesse moyennes, discriminants, double face, feux rouges...), l'augmentation de la part des équipements mobiles et déplaçables (radars chantiers, voitures radars) et la multiplication des itinéraires sécurisés par des dispositifs de radars « leurres » afin de renforcer l'imprévisibilité des contrôles.

Or, il s'avère que le plan de déploiement de ces nouveaux équipements prend, semble-t-il, un sérieux retard, ce qui m'interroge sur la nécessité d'augmenter encore les crédits du programme 751. En effet, la réalisation de l'objectif de 4 700 radars, initialement prévue au 31 décembre 2018, est décalée d'un an. Au 1er septembre 2018, le parc compte 34 équipements de moins qu'au 31 décembre 2017 et, surtout, 288 radars de moins que l'objectif fixé par la loi de finances initiale au 31 décembre de cette année.

L'objectif 2019, tel qu'il est présenté, me semble donc difficilement soutenable, du moins sur le plan technique, d'autant plus que la répartition par type d'équipement affichée dans le projet annuel de performances diffère sensiblement de l'existante. Par exemple, le Gouvernement souhaitait implanter 400 radars « tourelles » en 2018, alors qu'au 1er septembre, on en dénombre seulement 10, installés à titre expérimental. Je serais donc étonné que l'objectif de 400 radars « tourelles », qui est de nouveau annoncé pour 2019, soit atteint dans un an. Les crédits prévus pour 2019 me semblent donc trop importants, alors que vraisemblablement, les crédits de 2018 n'auront pas été entièrement consommés.

En outre, bien que je vous propose d'approuver les crédits du compte d'affectation spéciale, je demeure réservé quant à l'efficacité de ce plan de déploiement de nouveaux radars. Son impact positif sur l'accidentalité routière est encore difficile à mesurer, et s'avère très lié au choix des lieux d'implantation de ces équipements.

De même, je porte un jugement très mesuré sur l'abaissement de la vitesse maximale autorisée. Une application moins systématique, davantage ciblée sur les routes les plus accidentogènes, m'aurait semblé préférable.

S'agissant des autres programmes, à la différence de l'an passé, le programme 755 « Désendettement de l'État » (dont je trouve le libellé ambigu dans la mesure où ce programme ne sert pas directement à diminuer la dette) voit sa dotation diminuer de 7 %, à l'instar du programme 754 « Collectivités territoriales », sachant que les communes bénéficient, depuis janvier 2018, de la décentralisation du stationnement payant et du produit du forfait « post-stationnement ».

Pour conclure sur une touche positive, je note que le comité interministériel de janvier 2018 a adopté plusieurs mesures (qui ont d'ailleurs été totalement éclipsées par l'abaissement de la vitesse !) qui vont dans le sens des recommandations du rapport de contrôle de notre collègue Vincent Delahaye de 2017. À titre d'exemple, une carte des radars, qui devrait bientôt intégrer celle de l'accidentalité, est désormais publiée sur internet.

Compte tenu de ces éléments, je vous propose donc d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale. S'agissant de la mission « Sécurités », le programme 207 dont je suis rapporteur ne représente que 0,2 % de ses crédits...

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