Intervention de Bernard Lalande

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2018 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « économie » et ccf « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et article 85 - examen du rapport spécial, amendement 2

Photo de Bernard LalandeBernard Lalande, rapporteur spécial de la mission « Économie » :

Si la mission « Économie » se caractérise par une multitude de dispositifs d'ampleur modeste dont le format tend à se réduire au fil des années, elle porte aussi sur les crédits de certaines politiques bien identifiées, pour des montants significatifs.

La plus importante concerne un dispositif de soutien à l'internationalisation des entreprises, notamment des TPE et des PME, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grands groupes. La France compte 125 000 entreprises exportatrices, contre 360 000 en Allemagne et 200 000 en Italie. Je passe rapidement le volet financier du dispositif : aujourd'hui, l'enjeu n'est pas tant le financement de l'exportation, qui est entre les mains d'un acteur reconnu, Bpifrance, que l'accompagnement à l'exportation. Les PME et les PMI pâtissent d'un manque non pas de financement, mais d'expertise.

Le déficit commercial de la France était de 61,7 milliards d'euros l'année dernière. Les 100 premières entreprises françaises n'ont pas de problèmes, mais les opérations que ces dernières réalisent à l'international ne bénéficient pas à notre pays. Les PME, les ETI et les TPE ont un potentiel méconnu. La politique économique de la France semble déterminée par rapport aux 100 plus grandes entreprises.

Pour accompagner les entreprises à l'export, les moyens des chambres de commerce et d'industrie ne suffisent pas. Pour un territoire comme le nôtre, seulement 400 conseillers pour le commerce extérieur, c'est insuffisant. Les grandes entreprises, elles, ont leur propre service export.

Une grande partie de ce manque a été comblée par la création de Business France, qui rassemble en son sein un certain nombre de compétences, à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire. Les objectifs qui avaient été fixés pour la période 2015-2017 ont été atteints. Ce service public à l'exportation constitue donc un dispositif intéressant. À nos yeux, Bpifrance est une banque, tandis que Business France est un véritable cabinet de conseil à l'exportation pour les PME et les PMI.

Paradoxalement, le coeur du problème résidait en France. Nous avons une richesse incroyable d'entreprises commerciales, artisanales, industrielles, agricoles, qui ont des capacités de création reconnues, mais nous n'arrivons pas à les amener à l'international.

Nombre de PME et d'ETI qui exportent passent par des entreprises beaucoup plus grandes ; elles n'ont pas leur propre service export. Si la grande entreprise décide de changer de fournisseur, c'est une perte pour elles, avec des conséquences sociales importantes.

Dans ce contexte, le Gouvernement a lancé au mois de février dernier une vaste réforme du dispositif d'accompagnement des entreprises à l'international. Cette réforme reprend les recommandations formulées par Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, dans un rapport remis au Gouvernement à la fin de l'année 2017. Quelques semaines plus tôt, notre rapport budgétaire était allé dans le même sens. Cette réforme consiste à faire travailler ensemble les CCI, les régions, et tous les acteurs qui peuvent apporter leur contribution, avec Business France comme tête de pont. Les résultats sont bons, mais on peut aller encore plus loin.

Nous avons constaté que les diplômés de nos écoles de commerce ou d'ingénieur partaient à l'étranger ou dans les grandes entreprises, mais ne travaillaient pas pour nos TPE ou PME. Nous proposons donc qu'ils puissent être mis à la disposition de la Team France Export, soit dans le cadre d'un cursus universitaire ou d'un apprentissage, soit sous forme d'un Volontariat international en entreprise (VIE).

Enfin, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » comporte trois programmes significatifs en 2019.

Le programme 869 a été créé l'année dernière, suite à la décision du Gouvernement de financer le projet de liaison Charles-de-Gaulle Express par un prêt de l'État, et non plus par un emprunt privé, comme le prévoyait le schéma d'origine. Toutes les autorisations d'engagement ont été ouvertes en 2018, à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Les premiers décaissements sont prévus pour 2019, avec l'inscription de 275 millions d'euros en crédits de paiement.

Le programme 868 permet à l'État d'accorder des prêts à Bpifrance dans le cadre de son dispositif de soutien à l'exportation en Iran. Nous recommandons de conserver les 100 millions inscrits sur le programme, malgré le contexte actuel.

Le programme 862 porte les crédits du Fonds pour le développement économique et social (FDES), qui permet à l'État d'accorder des prêts à des entreprises rencontrant des difficultés. Il ne s'agit pas de renflouer à perte des entreprises irrémédiablement condamnées. Cela dit, à côté d'une série de prêts d'un montant modeste, entre 100 000 euros et 500 000 euros, deux situations particulières nous interpellent. L'État a prêté 35 millions d'euros à Asco Industries en 2014, et cette somme n'a pas été entièrement remboursée à ce jour. Il est permis d'avoir quelques doutes, quand on connaît les difficultés de l'actionnaire de l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve. Surtout, le plus gros bénéficiaire du FDES, de loin, est Presstalis : l'État vient de lui accorder un nouveau prêt de 90 millions d'euros, alors que ni celui de 2012 ni celui de 2015, de 30 millions d'euros, n'ont été remboursés.

L'article 85, rattaché au compte de concours financiers, permet au ministre chargé de l'économie d'accorder des abandons de créance du FDES à hauteur de 10 millions d'euros par une simple décision plutôt que d'avoir à passer par une loi de finances. Nous n'y sommes pas opposés sur le fond : la capacité à agir rapidement est souvent déterminante pour rassurer les repreneurs potentiels. Mais le seuil, 10 millions d'euros, nous semble tout de même important.

Nous vous proposons donc un amendement n° 2, visant, d'une part, à ramener à 5 millions le seuil maximum applicable aux abandons de créance par voie de décision ministérielle et, d'autre part, à préciser que cette limite constitue un montant maximum par entreprise, les autres abandons de créances devant alors être autorisés par une mesure en loi de finances, selon la procédure de droit commun.

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