Alors que nous venons de dénoncer les effets pervers de l'amortissement Robien - et, monsieur le rapporteur, je me permets de vous rappeler que le principe de base de la pédagogie consiste à dire et à répéter jusqu'à ce que le message soit compris -, l'article 7 bis du projet de loi portant engagement national pour le logement invente un nouveau cadeau fiscal.
Cet amortissement suit la même logique que l'amortissement Robien : marchandisation du logement, transformé en simple produit fiscal. Car il ne s'agit même pas d'un produit financier. En effet, lorsque les propriétaires qui auront investi feront leurs comptes, eu égard au nombre de logements restés vides, leur seul avantage sera de nature fiscale.
Répondant à la même logique, il porte en lui les mêmes effets pervers : pression à la hausse des marchés foncier et immobilier, prise en otage de la construction - le secteur de la promotion immobilière réalisant 55 % de son activité sur les produits défiscalisés, il y a un risque de sinistre en cas de disparition de ces dispositifs -, dopage artificiel du secteur au détriment de solutions plus pérennes qui permettraient de loger plus de personnes dans de meilleures conditions. Il repose sur un système de « guichet ouvert », sans pilotage ni contrôle, et relève d'une politique conduite sans visibilité ni vision globale.
De même que personne ne sait où se situent exactement les logements Robien, personne ne saura où seront les logements issus de ce nouvel amortissement, par quel type de population ils seront habités ni comment ils se positionneront sur le marché.
Pourtant, cet amortissement affiche un « visage » social et fait mine de tirer les leçons du régime Robien.
Ainsi, monsieur le ministre, vous nous vantez les mérites du plafonnement des loyers à un niveau inférieur à celui qui prévaut dans le dispositif Robien. Soit, mais cet abaissement permettra-t-il pour autant à des ménages modestes de se loger ou de répondre aux besoins en logements sociaux ? La réponse est manifestement négative et je vais vous le démontrer.
Il est en effet question de placer lesdits plafonds à 70 % des prix du marché. Cela correspond à un niveau de plafond supérieur de 16 % aux plafonds de loyers du PLI - prêt locatif intermédiaire - et de 50 % à 90 % à ceux du PLS - prêt locatif social. J'ajoute pour mémoire que 60 % des demandes de logement social sont déposées par des personnes dont les ressources ne dépassent pas les plafonds des PLAI - prêt locatif aidé d'intégration.
Le dispositif conduira donc à produire des logements chers qui ne correspondent pas aux besoins en logements abordables.
Il est également question d'introduire des plafonds de ressources. Là encore, on peut s'interroger sur le niveau qui sera retenu.
Si nos informations sont exactes, ces plafonds seraient a priori du niveau de ceux du PLI. Or le PLI n'est pas à proprement parler « populaire », monsieur le ministre, puisque son plafond de ressources est, en zone A, de 5 700 euros mensuels pour un couple avec deux enfants.
Il est également question de réduire le taux d'amortissement annuel. Il sera abaissé à 6 % alors qu'il est de 8 % dans le « Robien » avant réforme fiscale.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : cela ne signifie en aucun cas que l'effort de l'État sera moindre, et cela ne devrait pas rassurer M. Vasselle. Les avantages fiscaux moyens sur ce nouvel amortissement sont estimés à 23 900 euros, contre 14 400 euros pour le « Robien » aménagé.
Quant à l'avantage fiscal maximum, il pourra atteindre 41 500 euros, contre 25 000 euros pour le « Robien » aménagé. Non seulement ce type de logement coûtera plus cher à la collectivité, mais il sera aussi plus onéreux qu'un logement social. Le montant des aides cumulées de l'État, des collectivités locales et du 1 % logement pour un logement locatif social de type PLUS s'élève en effet à 36 700 euros.
L'État consacrera, à lui seul, près de 5 000 euros par logement, en plus de toutes les aides publiques accordées à un PLUS. Est-ce là un usage raisonné et opportun des deniers publics ?
Enfin, je tiens à faire état des conclusions du récent rapport de la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne ; elles devraient, me semble-t-il, nous inciter à la prudence en matière d'incitation fiscale à l'achat immobilier. La Commission européenne peut en effet difficilement être soupçonnée d'être farouchement gauchiste, et sa direction des affaires économiques, moins encore. Pourtant, cette direction s'inquiète, dans son rapport de janvier 2006, des conséquences d'une hausse prolongée des prix de l'immobilier qui a, selon elle, entraîné une hausse de l'endettement des ménages.