Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 8 novembre 2018 : 1ère réunion
Échange de vues sur les évolutions prévues dans le plfss 2019 en matière de congé maternité des travailleuses indépendantes

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente :

Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence ce matin.

Avant toute chose, je voudrais revenir sur notre colloque du 18 octobre qui a été un grand succès. Nous pouvons être fiers de cet événement. Je remercie les collègues qui ont été nombreux à y assister, ainsi que Laure Darcos et Claudine Lepage qui ont animé chacune une table ronde. Je remercie également le secrétariat qui a réalisé un important travail d'organisation.

J'ai souhaité que nous ayons ce matin un échange de vues sur les évolutions prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 en matière de congé maternité des travailleuses indépendantes.

L'article 47 du projet de loi vise en effet à harmoniser les modalités d'indemnisation du congé de maternité au profit des travailleuses indépendantes, et notamment des agricultrices. Je vous le présenterai plus en détail dans un instant.

Il m'a paru intéressant d'organiser une réunion sur ce sujet particulier, car nous avions relevé dans notre rapport sur les agricultrices, publié en juillet 2017, un problème relatif au congé maternité. En effet, seules 58 % d'entre elles prennent ce congé. Nous avions identifié plusieurs freins expliquant ce taux de recours insuffisant : le manque d'information, le coût du remplacement, l'inadéquation de l'offre de remplacement, ou encore des réticences psychologiques à laisser leur exploitation.

Vous vous en souvenez peut-être, dès son audition devant notre délégation le 20 juillet 2017 - la seule d'ailleurs -, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes avait indiqué qu'elle lancerait un chantier sur l'harmonisation des droits au congé maternité1(*). Elle avait salué à cette occasion le travail mené par notre délégation sur la situation des agricultrices.

Une mission a donc été confiée à la députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, pour étudier cette question. Le rapport a été publié en juillet 20182(*). L'article 47 du PLFSS s'inspire des constats et propositions formulés dans ce rapport.

J'en viens à la présentation cet article : il harmonise les modalités d'indemnisation du congé maternité, tout en maintenant les règles spécifiques qui permettent de répondre aux contraintes propres à chaque type d'activité professionnelle, en modifiant les régimes qui s'appliquent aux travailleuses indépendantes et aux agricultrices.

Aujourd'hui, la durée minimale d'interruption pour les travailleuses indépendantes est de 44 jours, soit douze de moins que les salariées, ce qui ne paraît pas forcément suffisant pour la santé de la mère et de l'enfant. Les travailleuses indépendantes sont soumises à des contraintes liées à la nécessité d'assurer la pérennité de leur activité et à l'instabilité de leurs revenus, ce qui ne les incite pas à s'arrêter pendant une durée suffisante. Le projet de loi aligne la durée minimale d'arrêt pour les travailleuses indépendantes sur celle des salariées, soit huit semaines, dont deux de congé prénatal. L'étude d'impact de l'article 47 du PLFSS précise en outre que la durée de versement maximale des indemnités journalières sera portée par décret à 112 jours, comme pour les salariées.

Quant aux agricultrices, elles ne bénéficient pas d'indemnités journalières au titre de la maternité, mais elles peuvent demander une allocation de remplacement visant à rémunérer l'emploi d'une personne pouvant les remplacer pendant la durée du congé de maternité, afin de garantir la viabilité de l'exploitation. Cependant, 40 % des exploitantes ne bénéficient pas de cette allocation, soit parce qu'elles n'en font pas la demande, soit parce qu'elles ne trouvent pas de remplaçant. Elles ne reçoivent alors aucun revenu de remplacement, alors qu'elles ont contribué au financement du risque maladie-maternité.

Afin de limiter le renoncement à l'allocation de remplacement, l'article 47 du PLFSS prévoit que la CSG et la CRDS seront désormais prises en charge par la Sécurité sociale. L'assujettissement de l'allocation de remplacement à la CSG-CRDS est bien souvent un frein au recours à cette prestation, en raison du niveau élevé de ces contributions rapporté au revenu mensuel moyen3(*).

Par ailleurs, l'article 47 du projet de loi instaure la possibilité, pour les exploitantes agricoles, de disposer d'une indemnité journalière, lorsqu'elles ne peuvent pas bénéficier de l'allocation de remplacement, cette dernière demeurant toutefois le dispositif privilégié4(*). Cette indemnité journalière sera forfaitaire, comme pour les travailleuses indépendantes.

L'article 47 a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

Les députés ont par ailleurs adopté, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, trois articles additionnels qui complètent l'article 47.

L'article 47 ter5(*), adopté à l'initiative du Gouvernement6(*), prévoit un dispositif permettant aux travailleuses indépendantes et aux exploitantes agricoles de décaler et d'étaler le paiement de leurs cotisations sociales après leur congé de maternité. De plus, cet article additionnel aménage les conditions de remboursement de la dette créée par le report de cotisations, en l'alignant sur les conditions offertes aux entreprises en difficulté et en permettant un dispositif adaptable à la situation de chaque travailleuse indépendante. Enfin, il prévoit une entrée en vigueur immédiate du dispositif, à l'exception des professions libérales, pour lesquelles des développements informatiques sont à prévoir (l'entrée en vigueur est donc différée au 1er janvier 2020 pour ce public spécifique).

L'article 47 quater, adopté à l'initiative de Marie-Pierre Rixain, vise à informer les travailleuses enceintes sur leurs droits au report des cotisations sociales. Le rapport de Marie-Pierre Rixain sur le congé maternité a ainsi mis en évidence le manque d'information des femmes sur les dispositifs déjà proposés par la branche recouvrement (ACOSS) en matière de report, d'ajustement ou d'étalement des cotisations sociales. D'après ce rapport, ces dispositifs sont peu utilisés par les femmes enceintes, sur lesquelles s'exerce pourtant une pression financière d'autant plus forte lorsque le niveau de leur activité est affecté par les congés maternité.

Enfin, l'article 47 quinquies, adopté à l'initiative du Gouvernement7(*), prévoit la mise en place de l'expérimentation, durant trois ans, d'une possibilité de reprise progressive d'activité des travailleuses indépendantes pendant leur congé maternité, à l'image de ce qui existe au Danemark.

Personnellement, j'estime que ces mesures vont dans le bon sens et qu'elles méritent d'être conservées dans leur principe, dans le cadre de la navette parlementaire.

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