Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'être venus assister à cette table ronde que nous avons le plaisir d'organiser avec UNICEF France à l'occasion de la Journée internationale des Droits des filles, journée onusienne célébrée depuis 2012.
Avant toute chose, je voudrais me féliciter du prix Nobel de la paix, qui a été attribué au docteur Denis Mukwege et à une jeune yézidie, Nadia Murad, ex-esclave de l'organisation État islamique, pour leur combat contre les violences sexuelles en tant qu'arme de guerre.
Je rappelle que la délégation aux droits des femmes avait rencontré Nadia Murad le 18 février 2016, dans le cadre d'un travail sur les femmes victimes de la traite des êtres humains1(*). Cette reconnaissance internationale majeure atteste que dans le monde entier la mobilisation se développe contre ces violences et cette barbarie intolérables, dont les femmes et les filles sont victimes, plus particulièrement dans les zones de conflit.
Cette thématique n'est d'ailleurs pas sans lien avec la journée du 11 octobre qui nous réunit ce matin. Comme vous pouvez le concevoir, les violences faites aux jeunes filles que sont les mariages forcés et les grossesses précoces constituent pour la délégation aux droits des femmes une préoccupation majeure.
Ces violences font écho à un autre fléau, sur lequel la délégation s'est penchée l'an dernier : les mutilations sexuelles féminines. Nous aurons sans doute l'occasion de mettre en évidence le continuum existant entre ces différentes formes de violence au cours de nos échanges. Notre collègue Marta de Cidrac, co-rapporteure du rapport de la délégation sur les mutilations sexuelles féminines2(*), nous présentera les principales conclusions de ce dernier.
Les grossesses précoces, comme les mariages forcés, touchent à la fois aux droits fondamentaux des femmes et à ceux des enfants. Ce sont des violences. Il nous apparaît donc très important de nous mobiliser aujourd'hui, en cette Journée internationale des Droits des filles, contre un phénomène international qui est loin d'être marginal.
Ainsi, les chiffres de l'UNICEF font état chaque année de 12 millions de filles qui se marient avant leurs 18 ans. En outre, selon ces mêmes chiffres, une fille sur cinq donne naissance à son premier enfant avant 18 ans. Plus de 150 millions de filles sont susceptibles d'être mariées d'ici 2030 ! Actuellement, les taux de mariages des enfants restent très élevés. Dans certains pays, plus de 68 % des jeunes femmes aujourd'hui âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant 18 ans.
Les mariages des enfants et les grossesses précoces présentent des enjeux économiques de développement, de santé publique et d'éducation sur lesquels nos intervenants reviendront plus en détail.
Le mariage précoce a pour conséquence la déscolarisation des filles. Or nous savons grâce à l'UNICEF qu'un enfant né d'une mère qui sait lire bénéficie d'une meilleure espérance de vie.
De surcroît, les unions précoces comportent un réel impact sur la santé des filles concernées. En effet, les grossesses prématurées ont des conséquences en matière de mortalité maternelle et infantile. De plus, les adolescentes semblent plus vulnérables aux infections sexuellement transmissibles, notamment le sida. Par exemple, en Ouganda, le taux de prévalence du VIH chez les filles de 15 à 19 ans est plus élevé chez les filles mariées (89 %) que chez les filles non mariées (66 %)3(*).
Enfin, nous devons souligner le lien qui existe entre le réchauffement climatique et la dégradation de la situation des filles dans le monde. Notre délégation a travaillé sur ce sujet en 2015 dans le contexte de la Conférence de Paris sur le climat4(*). En rendant plus complexe le quotidien des populations locales, le changement climatique accroît le travail des petites filles et les éloigne davantage d'un quelconque accès à l'éducation. De même, les parents sont parfois conduits à marier leur fille afin de faire face à la spirale de l'endettement.
Plus généralement, la fréquence des mariages précoces est plus élevée dans des situations de vulnérabilité. Nous constatons en particulier une hausse de cette pratique au sein des populations victimes de conflits ou de problèmes humanitaires. Ces situations se cumulent souvent avec la pauvreté et le manque d'accès à l'éducation.
Pour présenter ce sujet avec un éclairage de terrain et ébaucher des pistes d'amélioration, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin :
- Sébastien Lyon, directeur général d'UNICEF France ;
- Paola Babos, conseillère régionale Genre du Bureau régional de l'UNICEF en Afrique centrale et occidentale ;
- et Chanceline Mevowanou, notre benjamine, particulièrement engagée au Bénin contre le mariage des enfants et les grossesses précoces.
Je vous souhaite à tous les trois la bienvenue et vous remercie chaleureusement pour votre présence parmi nous.
Je demande au public présent à nos côtés de bien vouloir, comme c'est la règle de cette assemblée pour garantir la sérénité et la fluidité de nos débats, conserver une attitude neutre et s'abstenir non seulement d'applaudir après chaque intervention (je sais que ce sera difficile), mais aussi de marquer d'éventuels désaccords (je serais étonnée qu'il y en ait).
Pour que chacun de nos intervenants puisse s'exprimer dans les meilleures conditions, je leur demande de bien vouloir respecter le temps de parole qui leur est imparti : c'est important pour le bon déroulement de nos travaux.
Je précise aussi que notre réunion fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, ce qui permettra au plus grand nombre de suivre nos échanges de ce matin.
Un temps de questions-réponses est prévu à la fin de notre réunion pour permettre de réagir à celles et ceux qui le souhaiteraient.