Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 octobre 2018 : 1ère réunion
Table ronde avec unicef france

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente :

Je vous remercie pour ces éléments de réponse.

Nous allons maintenant donner la parole au public.

De la salle. - Je suis éducateur spécialisé à la Croix-Rouge dans l'accompagnement des familles migrantes et réfugiées hébergées par le 115. Je suis présent ce matin, car le sujet m'intéresse et que je suis africain, originaire du Sénégal.

Je souhaite intervenir sur deux points. J'ai travaillé au Sénégal durant quinze ans avant de venir en France et je conserve des liens très forts avec ce pays. En réaction au témoignage de Chanceline Mevowanou, j'aimerais dire que ce que vous décrivez diffère fortement de ce que je vois au Sénégal, même si je ne suis jamais allé au Bénin. Ces situations ne correspondent pas à ce que je connais du Sénégal, alors que je vis en milieu rural dans les régions de Kolda et Vélingara, qui sont très éloignées de Dakar. Ce que j'ai vu et appris au quotidien, c'est que la communauté est présente. Je ne critique pas la présence des ONG, qui font du bon travail. Mais la communauté a toujours intégré des dispositifs d'accompagnement et d'encadrement, en particulier envers les filles. Les aînés sont présents, et notamment la soeur du père, qui encadre la fille.

La situation évolue donc à l'intérieur des communautés par l'éducation et les changements internes. Durant l'une de vos interventions, vous avez rappelé que la France ou l'Europe ont connu des situations similaires il y a quelques années. Je viens d'une région où les mariages précoces et les mutilations ont existé et existent encore dans certaines zones. Mais l'excision est pénalisée au Sénégal. Dorénavant, les personnes qui la pratiquent doivent se cacher et l'excision recule.

Par conséquent, il serait nécessaire que les associations aident les communautés à évoluer au lieu de venir imposer une éducation. Les progrès réalisés par les communautés doivent constituer un point de départ au travail des ONG.

Il ne faut pas oublier non plus que l'Afrique centrale et occidentale a vécu des programmes d'ajustement structurel à la fin des années quatre-vingt et au cours des années quatre-vingt-dix, durant lesquels le FMI et la Banque mondiale ont refusé de financer l'éducation et la santé dans cette région. Les options de développement qui ont été prises ont entraîné l'exode rural et la déstructuration des communautés. L'organisation et l'éducation communautaires en ont été bouleversées.

Il est important que l'UNICEF travaille avec les États, mais il me semblerait nécessaire qu'elle oeuvre également davantage avec les acteurs locaux. Je peux affirmer qu'il existe des leaders communautaires qui font évoluer les choses dans le bon sens et qui maintiennent les filles à l'école.

À nouveau, je suis très étonné par la situation décrite par Chanceline Mevowanou au Bénin. Je pense qu'il reste un travail conséquent à mener en s'appuyant sur les communautés et en les soutenant. En tant qu'Africain, j'ai été surpris d'entendre certains propos qui ne correspondent pas aux réalités que je connais au Sénégal.

Avant d'écouter les autres remarques du public, j'aimerais revenir sur les propos exprimés par Chanceline Mevowanou. Comme je l'ai dit dans mon introduction, les membres de la délégation qui ont participé au travail mené par Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin sur les mutilations sexuelles féminines et qui ont assisté à un groupe de parole sur l'excision au centre Women Safe ont pris connaissance des difficultés de ces femmes. Ils savent que, bien que cette pratique soit interdite dans de nombreux pays, des jeunes filles partent durant les vacances scolaires dans leur pays d'origine, et notamment en Afrique, et qu'elles en reviennent excisées.

J'ai entendu le témoignage de Chanceline Mevowanou. En tant que présidente de la délégation, j'ai également rencontré un père de famille qui s'est opposé à l'excision de son bébé et qui s'est vu menacé par sa communauté. Par conséquent, la notion d'éducation communautaire ne me rassure pas. Nous rencontrons des difficultés aujourd'hui pour instaurer une « masculinité positive ». Notre collègue Marie-Thérèse Bruguière soulignait tout à l'heure l'importance de l'éducation face à l'augmentation du poids de la religion. Cette situation fait également écho à l'environnement juridique de l'IVG en France, où des mouvements répandent aujourd'hui une « petite musique » insidieuse pour s'opposer à la loi qui représente pourtant un droit pour toutes les femmes.

Par conséquent, je tiens à assurer Chanceline Mevowanou que nous sommes conscients de la chance que nous avons d'avoir entendu son témoignage ce matin. Au quotidien, à la délégation aux droits des femmes, nous voyons de nombreuses jeunes femmes et jeunes filles venir vers nous et faire état des difficultés qu'elles rencontrent. J'aimerais donc que les propos de nos intervenants ne soient pas caricaturés, parce que je ne souhaite pas que Chanceline Mevowanou pense que nous mettions en doute sa parole.

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