Intervention de Didier Rambaud

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 8 novembre 2018 à 8h30
Examen du rapport d'information sur les nouvelles mobilités

Photo de Didier RambaudDidier Rambaud, rapporteur :

Notre préoccupation est celle de l'équilibre des territoires. On voit bien que, naturellement, les innovations vont plutôt dans les zones denses pour une raison simple : Uber ou les vélos en libre-service ne peuvent fonctionner que s'il y a une masse critique d'utilisateurs. De même, la tentation est grande de servir en priorité les villes en matière de transports collectifs, qui y sont plus massivement utilisés.

Mais, en même temps, l'innovation dans les mobilités peut être très utile aux zones rurales et le transport à la demande et demain les navettes autonomes peuvent être une alternative à la voiture là où aujourd'hui c'est la seule solution. Il va d'ailleurs falloir inventer des alternatives pour préparer la fin de la voiture à moteur thermique à l'horizon 2040 et la remise en cause du modèle du tout-voiture.

À ce stade, quels que soient les chemins pris par les politiques de mobilité, nous avons identifié quelques tendances lourdes qui s'imposeront à tous, citoyens comme décideurs publics.

D'abord, l'impératif environnemental nous engage vers une décarbonation massive des déplacements : l'électrique, peut-être l'hydrogène - mais à condition qu'on n'utilise pas des hydrocarbures pour produire de l'hydrogène - vont s'imposer dans les 15 à 20 ans qui viennent. C'est assez inéluctable. Les constructeurs automobiles ne s'y sont pas trompés : alors que l'électrique était considéré comme une niche il y a quelques années, ils prévoient désormais d'adapter presque l'ensemble de leurs gammes.

Ensuite, le foisonnement d'innovations, la rapidité avec laquelle les technologies et les pratiques évoluent donnent un peu le tournis et rendent les planifications difficiles voire hasardeuses, ce qui est très perturbant pour les politiques de transport, qui sont celles du temps long, notamment à cause de la lourdeur des investissements en voirie et en matériel.

Il convient donc de laisser la place à l'expérimentation tout en donnant un cadre aux nouvelles pratiques : on le voit avec la question du partage des routes ou des trottoirs avec le développement des engins de déplacement personnel comme les trottinettes électriques. L'expérimentation va continuer à se développer car c'est le modèle des start-up : tester vite et s'adapter ensuite si nécessaire.

Enfin, le dépassement du cadre modal paraît incontournable, surtout dans les villes. L'abondance de l'information en temps réel permet de savoir quels sont les modes optimaux de transport à tout moment.

La variété des modes disponibles offre de la flexibilité dans les déplacements du quotidien, qui suivent de moins en moins un schéma pendulaire strict. Les déplacements pour le travail se combinent parfois avec des déplacements pour le loisir, ou pour des courses, les rythmes de vie sont de moins en moins répétitifs et de moins en moins synchronisés. Enfin, le modèle centre-périphérie pour les déplacements est de moins en moins pertinent : il existe en réalité une multitude de déplacements simultanés dans toutes les directions, avec une déconnection forte entre lieux de vie, lieux de travail, lieux de loisirs et lieux des liens familiaux et amicaux.

Ainsi, nos concitoyens attendent un panel de solutions de mobilité : bus, train, voiture, mais aussi vélo, éventuellement partagé. Les gestionnaires de services de transport doivent ajuster l'offre à la réalité de la demande : ne pas avoir de bus trop vides en bout de ligne, renforcer l'offre aux heures de pointe, prévoir des aires de covoiturage pour désengorger les circulations, etc...

Le dépassement du cadre modal passe par le déploiement de solutions de « mobilité comme service » - en anglais MAAS : mobility as a service - comme cela est expérimenté en Finlande, avec une intégration de plus en plus forte de toutes les possibilités - covoiturage, vélo, métro, etc... - autour d'une application de mobilité et une tarification et des systèmes billettiques qui deviennent transparents pour l'usager.

Les futures mobilités vont donc se déployer dans un contexte dessiné par ces trois tendances lourdes que nous avons identifiées. Mais elles peuvent se déployer de manière très différentes dans les territoires : on peut aller vers des mobilités pour tous, avec diversification de l'offre un peu partout, mais on peut aussi aller vers une relégation des territoires ruraux, peu couverts en transports collectifs, qui auraient le plus grand mal à passer le cap de la décarbonation à l'horizon 2040, du véhicule autonome et du partage des usages.

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