Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de présenter, aux côtés de Mme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, le deuxième projet de loi de financement de la sécurité sociale de la mandature, projet de loi qui met en œuvre les priorités du Gouvernement, tout en poursuivant l’objectif de maîtrise de nos dépenses publiques.
En matière de redressement de nos comptes sociaux, le budget 2019 est d’abord celui des engagements tenus.
De ce point de vue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 contribue, pour une large part, au respect de notre trajectoire de finances publiques, cet objectif que nous nous sommes collectivement fixé dès le vote de la loi de programmation des finances publiques, l’année passée. Là encore, nous faisons ce choix de maîtriser nos dépenses, à la fois pour nous désendetter, pour libérer les énergies, mais aussi pour investir dans l’avenir.
Mon intervention sera l’occasion de revenir point par point sur les interrogations que vous avez formulées, monsieur le rapporteur général, à l’occasion de la remise de votre rapport sur la situation des finances sociales, s’agissant notamment de la dette, de l’équilibre de nos comptes sociaux, ou encore des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.
Tout d’abord, comme vous l’avez souligné à juste titre, l’ampleur de la dette sociale nous incite à placer en tête des priorités le parachèvement de son remboursement. De fait, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, nous vous assurons que la dette sociale sera apurée en totalité en 2024.
La CADES, en plus de la dette qu’elle continue d’amortir aujourd’hui, se verra transférer 15 milliards d’euros de dettes de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, non encore repris, entre 2020 et 2022. La CADES se verra affecter en contrepartie une fraction supplémentaire de CSG pour assurer l’apurement.
Concernant la maîtrise des dépenses sociales, ensuite, vous faisiez état de vos inquiétudes quant aux risques de dérapage, notamment en raison de certains éléments d’alourdissement liés à la dépendance ou à la réforme des retraites. Vous avez raison, et personne ne peut prétendre que le redressement de nos comptes publics est chose facile.
Face aux futurs défis qui nous attendent, comme le vieillissement de la population, le développement de maladies chroniques, ou encore l’apparition de médicaments innovants, nous devons évidemment dégager des marges de manœuvre financières pour investir et protéger toujours mieux les Français.
Cela étant, permettez-moi de vous rassurer, les dépenses de santé sont globalement maîtrisées. L’ONDAM sera ainsi respecté pour la neuvième année consécutive. De plus, comme l’a dit Agnès Buzyn il y a un instant, il sera exceptionnellement porté à 2, 5 % l’année prochaine pour financer l’investissement dans les hôpitaux, notamment.
Toutes administrations publiques confondues, la dépense publique sera stable en volume en 2018 et n’évoluera que de 0, 6 % en 2019, ce qui démontre la maîtrise de sa trajectoire. Ainsi, grâce à l’effort de maîtrise des dépenses réalisé par l’ensemble des branches de la sécurité sociale, le solde sera excédentaire d’environ 700 millions d’euros. Concrètement, le « trou » de la sécurité sociale est donc en passe d’être résorbé.
En juin dernier, vous nous reprochiez aussi, monsieur le rapporteur général, de ne pas mettre à disposition suffisamment de données chiffrées pour évaluer la trajectoire des dépenses. Là encore, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale répond à nos engagements, puisqu’il permettra de dégager 5, 7 milliards d’euros d’économies, dont 1, 8 milliard d’euros grâce à la revalorisation maîtrisée de certaines prestations sociales, et 3, 8 milliards d’euros grâce à la maîtrise de l’ONDAM fixé à 2, 5 %.
Enfin, en ce qui concerne les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous au moment où notre pays est sorti de la procédure pour déficit excessif, ainsi qu’à l’occasion d’une audition devant votre commission, il n’y a pas de cagnotte sociale, pas plus qu’il n’existe de cagnotte budgétaire.
En revanche, nous avons respecté nos engagements s’agissant du budget de l’État, et il en sera de même pour le budget de la sécurité sociale.
Ce budget de la sécurité sociale sera sincère parce que, comme je viens de l’indiquer, l’intégralité de la dette sociale sera apurée d’ici à 2024.
Par ailleurs, nous vous assurons que les relations financières entre ces deux sphères, État et sécurité sociale, devenues trop complexes en raison des nombreux allégements et exonérations de cotisations sociales, seront simplifiées pour assurer une meilleure lisibilité des débats et davantage de transparence dans nos comptes.
Ce budget sera également sincère, parce que chaque acteur de la dépense publique sera responsabilisé et que les règles fixées ex ante nous donneront une visibilité sur les recettes, ainsi que sur leur utilisation.
Enfin, ce budget sera sincère parce que, contrairement aux craintes que vous avez pu exprimer à propos de l’excédent des administrations publiques de sécurité sociale qui pourrait servir de « tirelire commode », pour reprendre votre expression, au budget de l’État, ce projet de loi instaure en réalité une solidarité financière entre l’État et la sécurité sociale.
Il nous semble logique que le coût lié aux baisses de prélèvements obligatoires soit partagé et que, une fois à l’équilibre, l’excédent des comptes de la sécurité sociale participe aussi à la réduction de notre endettement public.
En somme, ces règles équilibrées permettront de garantir l’apurement de la totalité de la dette sociale en 2024 et, en même temps, de conserver les marges de manœuvre nécessaires pour déployer les grands chantiers sociaux, qui ont été rappelés par Agnès Buzyn il y a un instant et qui sont encore devant nous, tout en accentuant notre effort de désendettement global.
Vous l’aurez compris, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale non seulement traduit l’amélioration durable des comptes sociaux, mais permet également de poursuivre les efforts que nous déployons pour encourager l’activité économique et, donc, le travail.
Pour les salariés, d’abord.
Je suis convaincu que nous libérerons l’activité en incitant au travail et en renforçant le pouvoir d’achat des actifs. Ce projet de loi comporte donc des mesures décisives en vue de mieux rémunérer le travail, parce que défendre le travail, c’est défendre la capacité de chacun à sortir de sa condition et à se faire une place dans la société.
Ainsi, en cohérence avec les mesures de baisse des cotisations salariales maladie et chômage que le Gouvernement a prises, et qui représentent un gain de pouvoir d’achat de 271 euros pour une personne salariée au niveau du SMIC, nous anticipons dès septembre 2019 la mise en œuvre d’une exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires.
Cette mesure en faveur du travail est d’autant plus essentielle qu’elle touche les ménages les plus modestes, en particulier. Aujourd’hui, ce sont des ouvriers qui effectuent deux tiers des heures supplémentaires.
Concrètement, pour un salarié du secteur privé rémunéré au SMIC et travaillant douze heures supplémentaires par mois, cet allégement représentera un gain de 205 euros nets par an.
Enfin, reprenant une disposition du projet de loi PACTE, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d’associer les salariés à la réussite de leur entreprise en supprimant le forfait social sur les versements issus des primes d’intéressement et de participation des entreprises de moins de cinquante salariés.
En vue de développer l’intéressement dans les petites et moyennes entreprises, nous entendons en outre supprimer le forfait social pour les entreprises de cinquante à deux cent cinquante salariés qui concluent un accord d’intéressement ou disposent d’un tel accord.
Ces mesures conduiront à un meilleur partage de la valeur et, in fine, à des gains très concrets pour les salariés.
Pour les entreprises, aussi.
Libérer l’activité économique, c’est aussi rendre nos dispositifs d’allégement du coût du travail plus efficaces. C’est pourquoi nous avons décidé l’année dernière de transformer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en un allégement pérenne de cotisation, améliorant ainsi la stabilité et la lisibilité du dispositif.
Cette mesure représente un effort financier de 20 milliards d’euros pour nos comptes publics. Elle permet aux entreprises de bénéficier d’une année double en termes de trésorerie en 2019, du fait de la coexistence du remboursement du crédit d’impôt et du bénéfice de l’allégement dès le début de l’année.
Nous poursuivrons ce choix clair en faveur de la compétitivité des entreprises françaises avec le renforcement des allégements généraux à partir du mois d’octobre 2019, de sorte qu’un employeur ne paiera plus de cotisations sociales pour une personne salariée au niveau du SMIC. Cette mesure favorisera l’embauche des personnes les moins qualifiées, grâce à une baisse de 60 euros de cotisation par mois pour un salarié au niveau du SMIC.
Enfin, d’autres mesures concourent à libérer l’activité, à l’instar de la suppression des petites taxes les plus nuisibles à l’emploi, ou encore de l’année blanche de cotisations sociales accordée, sous condition de ressources, à tous les créateurs ou repreneurs d’entreprises. Cette dernière mesure profitera à plus de 350 000 créateurs d’entreprises supplémentaires chaque année.
Dans le même temps, et en cohérence avec les orientations de notre politique sociale, nous faisons le choix, comme l’a dit Agnès Buzyn, d’accompagner les plus vulnérables de nos concitoyens, de donner plus à ceux qui ont le moins, et de garantir à chaque Français la prestation à laquelle il a droit.
Convaincus que le fait de privilégier des instruments favorisant le retour à l’emploi et des prestations en nature est plus efficace qu’une augmentation généralisée de quelques euros, sans discernement, nous mettons en œuvre une politique sociale en faveur d’une meilleure prise en charge médicale et d’un accompagnement durable des familles les plus modestes.
Ainsi, nous permettrons à tous les Français un accès à des soins pris en charge à 100 % dans le secteur de l’optique, du dentaire et de l’audiologie, Mme la ministre vient de vous le dire.
Nous renforçons également les dispositifs d’aide à la complémentaire santé avec la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et l’aide au paiement d’une complémentaire santé. Cette disposition est particulièrement favorable aux personnes les plus fragiles, puisqu’elle représente un gain de pouvoir d’achat de 600 euros par an pour un couple de retraités, par exemple, ou de 700 euros par an pour une famille monoparentale avec trois enfants.
Aujourd’hui, 5 % des Français ne sont pas couverts par une complémentaire santé. Il s’agit notamment de ceux qui perçoivent moins de 1 000 euros par mois, comme les bénéficiaires des minima sociaux et les 550 000 personnes âgées bénéficiaires du minimum vieillesse. Notre objectif est de leur assurer la même couverture que celle de la CMU-C, c’est-à-dire le remboursement de 100 % du coût de leurs soins et l’interdiction pour les professionnels de santé de leur appliquer des dépassements d’honoraires, tout en leur garantissant un reste à payer réduit.
Au total, 200 000 personnes supplémentaires pourront bénéficier de la CMU-C, et le panier d’offre de soins sera amélioré pour 1, 4 million de personnes.
Outre l’accès aux soins, la mise en œuvre de notre politique sociale passe évidemment par la revalorisation des minima sociaux, qui doivent être préservés comme des filets de sécurité pour les plus fragiles.
Ainsi, les 550 000 bénéficiaires du minimum vieillesse verront leur pension augmenter de 35 euros par mois en 2019 et, à nouveau, de 35 euros en 2020, pour atteindre l’engagement présidentiel d’une augmentation de 100 euros par mois au cours du quinquennat.
L’AAH sera revalorisée de 40 euros en octobre 2019, après la revalorisation de ce dernier mois, et atteindra 900 euros au 1er novembre 2019.
Le RSA sera indexé sur l’inflation constatée, soit plus de 1 % par an à partir d’avril 2019, et ce par bénéficiaire.
Protéger les plus vulnérables, c’est également permettre à toutes les familles d’élever leurs enfants dans un cadre serein et stable. C’est ce que nous proposons dans ce texte.
Tout d’abord, le complément de libre choix du mode de garde sera majoré pour les familles ayant un enfant en situation de handicap, le gain pouvant aller jusqu’à 140 euros par mois pour une famille employant un assistant maternel ou une garde à domicile.
Ensuite, parce que chacun sait qu’il n’est pas facile de travailler et d’assurer la garde de son enfant en bas âge en même temps, la majoration du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales, mise en œuvre dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, sera prolongée à taux plein jusqu’à la rentrée à l’école de chaque enfant.
Enfin, conformément à notre politique en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, les règles relatives au congé de maternité seront modifiées en faveur des travailleuses indépendantes, qui bénéficieront de 38 jours de congé indemnisés supplémentaires, ainsi qu’en faveur des agricultrices, afin de leur faciliter l’accès à des congés suffisamment longs. La sécurité sociale devient, ainsi, réellement universelle, en octroyant pour la première fois à toutes les femmes un même droit au congé de maternité.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sur lesquelles je souhaitais revenir, après la présentation, par Mme la ministre, des priorités du Gouvernement en la matière. Vous l’aurez compris, ce texte traduit l’ensemble des priorités gouvernementales : redresser nos comptes publics, soutenir l’activité économique, nous donner les moyens d’investir dans la sécurité sociale de demain et de garantir à nos concitoyens un système de sécurité sociale pérenne et plus protecteur.
L’équilibre des comptes sociaux reste encore fragile, comme a pu le rappeler M. le rapporteur général. Mme la ministre et moi-même sommes conscients du travail que nous avons encore à effectuer pour assurer un redressement pérenne de nos comptes au sens large, nous permettant de répondre aux défis majeurs qui attendent l’État providence du XXIe siècle. Je sais pouvoir compter sur vous pour y parvenir !