Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une dette entièrement apurée depuis 2016 sans le concours de la CADES, des excédents cumulés qui pourraient avoisiner les 8 milliards d’euros en 2022, une sinistralité en baisse : la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite AT-MP, multiplie les motifs de satisfaction depuis déjà plusieurs années. D’ailleurs, je suis désormais tenté de parler de success story pour une branche qui a fait les preuves des vertus d’un régime assurantiel, en grande partie géré paritairement.
Nous nous trouvons en effet face à une branche qui a su réagir dans des délais rapides à une crise douloureuse, après trois refus de certification de ses comptes par la Cour des comptes, de 2010 à 2012. L’augmentation des cotisations AT-MP, combinée aux efforts de la branche pour renforcer ses procédures de contrôle interne et diminuer le coût des contentieux, a ainsi permis de rétablir une situation financière saine et durable. Néanmoins, la branche AT-MP se retrouve en quelque sorte victime de son succès, ses excédents généreux ne manquant pas d’attiser les convoitises…
Ainsi, le Gouvernement semble écarter toute nouvelle baisse de taux de cotisation en 2019, à rebours de la logique assurantielle de la branche. Le produit des cotisations progresserait alors de près 4 % en 2019, porté par le dynamisme de la masse salariale, quand les recettes de l’ensemble des régimes de base et du FSV ne croîtraient que de 2, 3 %.
La branche AT-MP est ainsi placée délibérément en situation de surfinancement, pour des motifs n’ayant plus grand-chose à voir avec sa raison d’être : réparer et prévenir. Dans ces conditions, notre commission redoute un détournement de la capacité de financement de la branche au profit du désendettement des autres branches, sous couvert d’un leitmotiv assez confortable : la « solidarité interbranches ».
Il est tout de même un peu curieux d’en arriver là, alors que l’on sait que cette branche est exclusivement financée par les employeurs, donc par les entreprises, qui créent les richesses et que l’on devrait ménager un peu plus… Il ne suffit pas de le dire ; il faut le faire !
Les risques pesant sur la logique assurantielle de la branche AT-MP se manifestent également à travers l’importance croissante des transferts vers d’autres régimes et fonds, qui devraient représenter plus de 21 % de ses dépenses prévisionnelles en 2019. Un record !
Les dotations de la branche au titre de l’indemnisation des victimes de l’amiante diminuent, pour s’établir à 260 millions d’euros pour le FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, et à 532 millions d’euros pour le FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Dans ce domaine, les taux sont en baisse, mais correspondent aux véritables besoins, ce qui tend peut-être à montrer que nous avons passé un cap s’agissant des victimes de l’amiante, même s’il faut rester prudents, car, nous le savons tous, le délai de latence peut atteindre quarante ans.
En revanche, le transfert à la branche maladie, au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles, semble, lui, maintenu artificiellement à 1 milliard d’euros pour la cinquième année consécutive. Notre commission a ainsi regretté les incertitudes entourant l’évaluation du coût réel de cette sous-déclaration.
Je voudrais rappeler, mes chers collègues, que la fourchette pour fixer cette somme, fourchette proposée par la commission chargée d’objectiver cette dépense – cet organe est présidé par un conseiller d’État, ce qui fait très sérieux –, va presque du simple au double, en situant le coût de la sous-déclaration entre 815 millions d’euros et 1, 53 milliard d’euros. Si le biologiste que j’ai été avait rendu ses résultats d’examen avec de telles marges, la situation aurait été très inconfortable ! Là, cela ne dérange personne !
Par conséquent, notre commission plaide pour une réévaluation tous les ans, et non plus tous les trois ans, de ce coût, en mobilisant l’organisme Santé publique France dans la réactualisation de données épidémiologiques sur la santé au travail, qui seront à rapprocher des données de l’assurance maladie.
Enfin, il convient de ne pas sous-estimer l’ampleur que pourrait prendre, dans les prochaines années, le poids des dispositifs de pénibilité que sont le compte professionnel de prévention et le départ à la retraite anticipée en cas d’incapacité permanente dans les dépenses mutualisées de la branche.