Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 12 novembre 2018 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion d'un projet de loi

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

La commission des affaires sociales a en effet adopté deux amendements qui vont à l’encontre de la politique menée par le Gouvernement depuis un an en matière de retraite.

Le premier rejette la sous-revalorisation à 0, 3 % des prestations sociales, au premier rang desquelles les pensions, pour les années 2019 et 2020 prévue à l’article 44, dans un contexte d’inflation soutenue. Ce puissant coup de rabot représente une économie sur les pensions de 2 milliards d’euros en 2019 et de 3, 8 milliards d’euros en 2020. Il intervient un an après deux décisions qui mettent déjà lourdement à contribution les retraités : l’absence de revalorisation des pensions en 2018, alors que l’inflation devrait finalement être supérieure à 1, 6 %, et l’augmentation non compensée de la CSG. Et ce n’est pas la baisse de la taxe d’habitation qui va compenser tout cela !

Le second amendement reprend une position ancienne de notre commission, en prévoyant le recul progressif de l’âge minimum légal de départ à la retraite à soixante-trois ans à compter du 1er mai 2020. Cette mesure, que nous assumons et avons déjà proposée régulièrement, permettra de rétablir l’égalité entre les salariés des secteurs privé et public, égalité remise en cause par l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2019, du mécanisme de bonus-malus dans les régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO. Elle contribuera également à financer le maintien du pouvoir d’achat des retraités, souhaité par la commission.

Ces deux amendements permettent d’ouvrir des débats contradictoires – M. le haut-commissaire en est friand – et de montrer un certain nombre de contradictions.

Première affirmation : la réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels et n’est pas financière.

Entre la hausse de la CSG, qui rapportera chaque année près de 5 milliards d’euros, et les mesures de revalorisation prises depuis un an, votre politique en matière de retraite affiche un rendement de plus de 5 milliards d’euros en 2018, de près de 7 milliards d’euros en 2019 et même de 8 milliards d’euros en 2020. C’est d’une redoutable efficacité ! En fait, la réforme financière des retraites, c’est ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il n’y aura pas besoin d’une réforme supplémentaire. De plus, les retraités actuels sont concernés par cette réforme des retraites, puisque ce sont eux qui la financent à travers ce texte.

Deuxième affirmation : la réforme doit conserver le niveau de vie des retraités.

Mais de quel niveau de vie parle-t-on ? Celui d’aujourd’hui ou celui, dans cinq ans, qui sera non revalorisé. C’est une question complexe sur laquelle il est facile d’agiter les peurs. Si, aujourd’hui, le niveau de vie relatif des retraités est équivalent à celui de l’ensemble de la population, le Conseil d’orientation des retraites montre qu’il va diminuer, certes relativement, dès le milieu des années 2020. En conséquence, les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 accentuent cette diminution.

L’enjeu de la réforme sera bien de lisser cette baisse relative du niveau de vie. Pour cela, un levier nous semble inévitable : le recul de l’âge de départ à la retraite afin d’augmenter les pensions, compte tenu de l’espérance de vie. Or il semble que le Gouvernement soit actuellement pris au piège de la promesse du Président de la République de faire de l’âge de « soixante-deux ans » un tabou durant ce quinquennat. Mais le recul de l’âge de départ à la retraite étant inévitable, s’il n’est pas pour maintenant, il sera pour après !

Enfin, troisième affirmation : la réforme doit redonner confiance dans le système.

La réforme des retraites de 1993 a instauré un principe d’indexation des pensions sur l’inflation pour garantir le pouvoir d’achat des retraités. Avant l’élection présidentielle de 2017, ce principe n’avait été remis en cause qu’une seule fois. Or le Gouvernement va, lui, y déroger pendant trois années consécutives. Comment redonner confiance à nos concitoyens, alors qu’ils voient que la retraite qu’ils liquident ne leur garantit pas le maintien de leur pouvoir d’achat ?

Notre commission est très investie dans cette réforme des retraites et y est très attachée. Le pilotage du futur système devra être équilibré et ne pas faire reposer sa charge d’ajustement sur les seuls retraités. C’est la raison pour laquelle nous proposerons ces deux amendements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion